Depuis maintenant plusieurs mois, un collectif de riverains s’est créé en opposition au projet de chaufferie biomasse annoncé dans le quartier de La Cépière à Toulouse. La Métropole a, en effet, prévu de modifier le réseau de chaleur de la Rive Gauche et du Mirail, nécessitant la création de nouvelles installations.
Que se passe-t-il autour du projet de chaufferie biomasse dans le quartier de La Cépière, à l’Ouest de Toulouse ? Une réunion s’est tenue le 9 novembre 2023 pour discuter de l’évolution et de l’extension du réseau de chaleur Mirail/Rive Gauche. Actuellement, ce réseau alimente plusieurs quartiers tels que le Mirail, Bellefontaine, la Reynerie…, en utilisant principalement la chaleur produite par l’usine d’incinération des ordures ménagères du Mirail. Cette dernière, construite dans les années 1960, fait partie des incinérateurs les plus polluants de France.
Pour remédier à ce fâcheux constat, le syndicat de traitement des déchets Decoset a choisi de le reconstruire. Cependant, sa capacité va diminuer. Chaque année, l’incinérateur transforme près de 285 000 tonnes de déchets en énergie. À terme, il ne pourra plus en traiter que 240 000 tonnes. Des ajustements sont donc nécessaires pour assurer la disponibilité continue de chaleur.
Toulouse Métropole a ainsi prévu de créer de nouvelles chaufferies pour pallier la réduction de la production d’énergie de l’incinérateur du Mirail. Concernant le projet prévu dans le quartier de La Cépière, différentes sources d’énergie renouvelable ont été envisagées, notamment la biomasse (bois) et la géothermie (eau), pour compléter l’approvisionnement en chaleur. La nouvelle usine sera alors installée rue Charles Mouly, entre l’hippodrome et le périphérique toulousain.
Seulement, le projet d’une chaufferie biomasse à La Cépière ne satisfait pas les riverains. En effet, après avoir découvert les intentions de la Métropole, Isabelle Vedere, habitante du quartier, et d’autres riverains ont décidé de se mobiliser et de se réunir sous la forme d’un collectif local, et de s’allier à celui de Toulouse Chauffe qui lutte déjà contre un projet similaire à Matabiau. Ils critiquent le manque d’informations et de consultations de la part des élus, ainsi que les risques potentiels pour la santé et l’environnement associés à la biomasse.
Les habitants redoutent les émissions de particules fines et le trafic de camions pour approvisionner la chaufferie. Isabelle Vedere poursuit : « C’est un incinérateur de bois et déchets bois, et nous disposons déjà de nombreuses données qui montrent que cette méthode peut avoir des risques sur la santé publique. La Mairie nous parle de filtres de haute-performance, mais cela signifie-t-il que 100% des émissions polluantes seront évitées ? Et ces filtres prennent-ils en compte les particules ultra-fines qui sont les plus dangereuses ? La réponse, nous la connaissons, le contrôle et le filtrage sont très difficiles, voire impossibles. »
Isabelle Vedere se positionne catégoriquement concernant le projet de chaufferie biomasse : « Cela ne nous intéresse pas. Nous ne voulons tout simplement pas de cette usine. Nous voulons le gel du projet biomasse pour qu’une étude approfondie de l’ensemble des solutions de transition énergétique disponibles soit réalisée. C’est-à-dire, la géothermie, une étude confirme la faisabilité sur Toulouse, le photovoltaïque, la méthanisation… Nous n’entendons parler que de biomasse à Toulouse, mais qu’en est-il des autres solutions ? »
La communication semble floue pour les riverains qui demandent des réponses. La porte-parole du collectif de La Cépière ajoute : « Nous ne disposons que de très peu de données techniques. Une étude d’utilité publique a-t-elle été réalisée ? Des études sur la pollution ont-elles été faites ? Nous attendons de la Mairie qu’elle nous prouve que nous avons tort. »
Sollicité par la rédaction, Pierre Trautmann, élu en charge des délégations de service public et notamment du réseau de chaleur de la Ville rose, a expliqué que, pour l’heure, la Métropole n’a pas encore arrêté une option en particulier. La collectivité a lancé une procédure de mise en concurrence. « Les entreprises ont jusqu’à la fin de l’été pour proposer leur projet et nous aviserons en fonction du devenir de l’incinérateur du Mirail », explique l’élu toulousain. Ainsi, le choix de la biomasse n’est pas définitif.
Si le projet de chaufferie à La Cépière à Toulouse reste encore à définir, Pierre Trautmann ne voit aucun problème au recours à la biomasse. Il cite notamment une étude de l’Ademe : « La contribution en émission de particules d’une chaudière biomasse est extrêmement faible au regard de la quantité d’énergie fournie grâce à la performance des installations et à la mise en place des meilleures technologies de filtration. En particulier une chaudière collective équipée d’un filtre à manche émet la même quantité de particules que deux à trois vieux poêles à bois pour une quantité d’énergie cent fois supérieure. »
Selon les études faites, « l’impact est extrêmement faible », assure l’élu toulousain avant de poursuivre : « Selon les estimations, la chaufferie biomasse rejetterait 2% d’oxyde d’azote supplémentaires dans l’air par rapport aux quantités actuelles, et la concentration maximale des émissions de particules PM10 resterait inférieure à 0,15%, ce qui est négligeable. »
Malgré ces paroles qui se veulent rassurantes, la porte-parole des riverains n’est pas convaincue : « Ces données sont biaisées. La Métropole parle de particules fines, mais pas des ultra-fines, pourtant très polluantes. De plus, elle se focalise sur le seuil d’alerte fixé par Atmo Occitanie (organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air, NDLR), mais il s’agit de chiffres lissés sur l’année. Ils omettent de parler des pics de pollution, ce qui est le plus dangereux pour nous, notamment lorsqu’il fait très chaud ou très froid et que les particules stagnent dans l’air. »
Isabelle Vedere ajoute : « De plus, nous sommes déjà dans une zone impactée par la pollution du périphérique et par le passage du couloir aérien. Seulement, nous ne connaissons pas les taux de particules ultra-fines actuels, et encore moins ceux qui seront atteints lors des pics de pollution après l’installation de la chaufferie biomasse. Nous souhaitons disposer d’études plus détaillées et concrètes. »
Autre préoccupation des riverains : qu’en est-il de la ressource en bois ? L’élu reste confiant et cite une fois de plus l’Ademe : « Si l’Occitanie est la 3e région forestière en surface, elle n’est que la 5e en volume de bois récolté. Seul 40% de l’accroissement naturel est exploité. Il existe donc un gisement important qu’il convient de mobiliser. » De plus, la Métropole s’engage à utiliser du bois provenant d’un périmètre inférieur à 200 kilomètres de Toulouse.
Pour résumer, l’élu ne voit aucun problème d’approvisionnement, de transport, ou encore de pollution. Mais il n’exclut pas la possibilité d’une chaufferie géothermique à la place, malgré « les difficultés de gestion qu’elle pourrait engendrer ».
Le choix final quant au type de chaufferie qui sera installée à La Cépière devrait être acté d’ici le mois de juin 2025. De leur côté, les habitants continuent de manifester leur mécontentement à travers une pétition en ligne et une mobilisation prévue pour le samedi 9 mars à 11h, au niveau du terrain de basket près de l’hippodrome. Une nouvelle réunion publique est également programmée ce mercredi 13 mars à 18h, le lieu sera communiqué ultérieurement.
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