En février, une association a vu le jour à Toulouse dans le but de lutter contre les violences psychologiques parentales. Fondée par Ilona et Flavio Dalmau, elle a pour objectif de fournir un soutien aux enfants confrontés à ce problème souvent considéré comme tabou.
C’est un fléau difficile à identifier en France, pourtant Ilona et Flavio Dalmau ont décidé de prendre le problème à bras-le-corps. En février, frère et sœur ont décidé de créer une association dédiée à l’aide aux victimes de violences psychologiques parentales à Toulouse, baptisée Enfance-France. Ce phénomène, ils en ont tous deux souffert durant leur enfance. Quelques années plus tard, âgés de 24 et 20 ans, ils ont choisi d’agir pour ceux qui traversent des situations similaires.
C’est leur histoire qui les a inspirés. Issus d’une fratrie de trois enfants, Ilona et Flavio Dalmau ont tous deux eu des relations compliquées avec leurs parents. Ces derniers ont divorcé lorsqu’ils étaient encore petits. Puis leur mère a fini par donner la garde exclusive des enfants au père. « Nous n’avons plus eu de contact avec elle après ça », raconte Ilona Dalmau.
Si cela se passait bien au début, les relations se sont finalement détériorées avec le temps : « J’ai fini par remplacer ma mère. Je faisais tout, du ménage aux papiers administratifs et rien n’allait jamais », se souvient la grande sœur. Les conflits s’installent et les enfants remarquent qu’ils sont de plus en plus isolés du reste de la famille. Seulement, ils sont encore très jeunes à ce moment-là : « Nous ne remettions rien en question, puisque nous avions toujours connu ça. Cela nous paraissait normal », ajoutent les coprésidents.
Quelques années plus tard, Ilona Dalmau quitte le domicile paternel situé à Montpellier pour se consacrer à ses études, à Toulouse. Son petit frère a alors pris le relais sur toutes les charges parentales. Et son quotidien est devenu un calvaire : « Mon père me menaçait régulièrement de me mettre à la porte et j’en suis arrivé à vivre avec la peur au ventre lorsque je savais qu’il rentrait du travail. J’espérais toujours qu’il soit de bonne humeur pour pouvoir avoir un peu de répit », se remémore le jeune homme.
« Il n’a jamais levé la main sur nous, à l’exception d’une fois, où il m’a plaqué sur le canapé. Mon frère jumeau, qui était présent, a pu l’empêcher d’aller plus loin. J’ai ensuite décidé de recontacter une tante à qui nous ne parlions plus pour m’aider. Puis, il y a eu un signalement aux services sociaux pour maltraitance. Malheureusement, j’étais obligé de rester dans la sphère familiale pendant les démarches. Je me suis retrouvé piégé, sans accompagnement concret. Alors, à 18 ans, je suis parti. J’étais seul, à la rue, sans argent ni compte en banque », témoigne Flavio Dalmau.
Depuis, les deux jeunes gens n’ont plus revu leur père, seul leur frère est en contact avec lui. Cependant, ces violences psychologiques ont laissé des marques sur Ilona et Flavio Dalmau. Et alors qu’ils tentent de soigner leurs maux, ils ont tous deux décidé de fonder l’association Enfance-France. Sa mission est d’accompagner les « enfants », ayant moins de 26 ans, durant toutes les étapes de leur parcours, créant ainsi l’outil qui leur a « manqué ».
Avant, pendant et après le processus de rupture avec les parents violents, l’association offre alors un soutien moral, psychologique et financier temporaire si nécessaire, aux enfants. Elle organise également des groupes de parole pour favoriser les échanges et l’entraide entre les victimes, de Toulouse et des quatre coins de la France.
D’ores et déjà, les jeunes qui en ressentent le besoin peuvent échanger avec les bénévoles de l’association via un chat mis à disposition sur leur site internet. Selon sa situation, « l’appelant » est ensuite redirigé vers des interlocuteurs dédiés. Il pourra alors discuter avec des professionnels de la santé ou sociaux, des psychologues, des infirmiers, ou encore des directeurs d’établissement scolaire qui le guideront dans ses démarches.
Enfance-France ne se contente pas d’apporter une assistance individuelle. L’association entend également briser le silence qui entoure les violences psychologiques parentales en sensibilisant le public, les établissements scolaires et les décideurs politiques.
« Il est complexe de qualifier ces violences tant qu’on n’y est pas confronté », soulignent les cofondateurs de l’association. « Les limites entre la maltraitance et l’éducation sont très floues. Je pense que nous pouvons parler de violences psychologiques lorsque le jeune ne se sent plus en sécurité dans son foyer. Des caractéristiques très distinctes reviennent très souvent. Nous observons en général que les disputes deviennent plus régulières, au point de devenir anxiogènes et toxiques. Puis, le parent va isoler l’enfant afin qu’il ne puisse pas se confronter à “la normalité” et donc rester sous son emprise. Tout cela s’accompagne alors de reproches, d’intimidations ou encore de chantage », détaille Ilona Dalmau.
Implantée à Toulouse, l’association Enfance-France s’engage également à influencer les politiques et l’action publique en menant des recherches, en formant des professionnels et en plaidant pour la reconnaissance juridique de ces violences. « Personne ne parle des violences psychologiques parentales en France, il n’y a pas de législation contrairement aux violences physiques. C’est encore très tabou. C’est pourquoi nous sommes en train d’imaginer une campagne de sensibilisation nationale afin de porter notre projet au niveau de l’État. Il faut que les pouvoirs publics s’emparent du sujet », explique Flavio Dalmau.
Pour l’heure, tous les enfants victimes de violences psychologiques parentales ou témoins de ce phénomène peuvent faire appel à l’association, agissant à Toulouse et en France plus généralement. À terme, ils pourront également bénéficier d’une ligne téléphonique et les cofondateurs espèrent un jour déployer des antennes départementales sur l’ensemble de l’Hexagone afin d’améliorer la prise en charge des « appelants ».
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