Dans le quartier toulousain de Barrière de Paris, un projet immobilier comprenant 800 logements et un groupe scolaire devrait voir le jour grâce à une modification du PLU de Toulouse Métropole, mais les terrains se situant à proximité de l’ancienne usine de batterie STCM (Société de Traitement Chimique des Métaux) – site classé Seveso – pourraient être contaminés au plomb. Pourtant, le conseil de Toulouse Métropole vient de voter une délibération l’affranchissant d’une évaluation environnementale sur ces parcelles. Une décision qui pose un cas de conscience à l’opposition.
Lors du dernier conseil de Toulouse Métropole, qui avait lieu ce jeudi 16 février, une délibération concernant une modification du Plan local d’urbanisme (PLU) de la Ville rose a été votée : celle-ci vise à autoriser la collectivité à ne pas réaliser d’évaluation environnementale sur deux sites situés avenue des États-Unis alors qu’un projet immobilier va y voir le jour. Porté par le promoteur Kaufman et Broad, le programme prévoit la construction de 800 logements en lieu et place des anciens sites Peugeot et Citroën, sur l’avenue des États-Unis. Sur ces mêmes parcelles, Toulouse Métropole bâtira également un groupe scolaire.
La collectivité explique sa décision. Dans le cadre d’une procédure de modification du PLU, comme c’est le cas ici, une évaluation environnementale est obligatoire. Mais la loi prévoit la possibilité de ne pas la réaliser, sur validation de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE). Le 9 décembre 2022, Toulouse Métropole a ainsi transmis à l’organisme un dossier exposant le projet de modification du PLU, qui conclut à l’absence d’incidences notables sur l’environnement qui nécessiteraient la réalisation d’une évaluation environnementale. « Nous avons décidé qu’une telle démarche n’était pas nécessaire car les zones concernées étaient déjà constructibles et déjà artificialisées. Il n’y avait donc, par nature, aucun nouveau risque d’impact sur l’environnement », précise Annette Laigneau, vice-présidente de Toulouse Métropole, en charge de l’urbanisme. La MRAE a d’ailleurs rendu un avis positif à la demande d’exonération d’une évaluation le 6 janvier 2023.
Une décision qui pose un cas de conscience à l’opposition. Car les deux terrains concernés par cette décision sont situés dans la zone de surveillance sanitaire du site industriel de Fondeyre-STCM Toulouse, une ancienne usine de batterie, délimitée par l’Agence régionale de santé (ARS). En effet, des analyses ont démontré une pollution et une contamination des sols dont les teneurs en plomb sont supérieures au seuil déterminé par le Haut conseil pour la santé publique. « L’ARS a placé tout un secteur dans une zone rouge où la présence de plomb est estimée à 300 mg/kg dans le sol, et une zone orange, où la présence de plomb est estimée à 100 mg/kg dans le sol. Au milieu, en vert, se trouve les terrains sur lesquels sont prévus le groupe scolaire et sur lesquels vous ne voulez pas réaliser d’évaluation environnementale, considérant qu’il n’y a pas de danger », décrit ironiquement Odile Maurin, élue d’opposition du groupe Alternative pour une métropole citoyenne (AMC).
« Par cette délibération, M. Moudenc, prenez-vous la responsabilité d’un seul enfant contaminé ? Dites-le-nous dans les yeux », défie alors Odile Maurin. Mais pour la majorité, l’exonération d’une évaluation environnementale consentie par la MRAE fait autorité. « Cet organisme indépendant, mandaté par l’État, a pris sa décision en connaissance de cause », lance François Chollet, vice-président de Toulouse Métropole, en charge de la transition écologique. Il précise : « La responsabilité environnementale et sanitaire est une compétence de l’État. » L’opposition voit dans cette justification une manière pour la collectivité de se dédouaner.
D’autant que, selon les élus minoritaires, certaines pièces du dossier posent question. D’abord, celle du délai dans lequel a été réalisée l’étude communiquée par Toulouse Métropole à la MRAE pour obtenir l’exonération d’évaluation environnementale. Romain Cujives, du groupe Métropole, Écologiste, Solidaire et Citoyenne (MESC), rappelle la chronologie de la démarche : « Toulouse Métropole a déposé une première demande à l’autorité environnementale le 22 août 2022, qui a rendu un avis défavorable le 18 octobre concernant les terrains en question, au motif justement que le projet immobilier entraînerait des excavations, la mise à nue et le transfert de matières plombées susceptibles de générer des incidences sur l’exposition des personnes au plomb. Le 9 décembre 2022, vous redéposez cette même demande, et la même agence vous donne le feu vert le 6 janvier 2023. Qu’est-ce qui a changé entre-temps ? » Pour réponse, la majorité brandit l’étude « qui démontre que le projet n’a pas de nouveaux impacts sur l’environnement ». Pour Romain Cujives, une enquête expédiée : « Une expertise de ce type, si l’on veut qu’elle soit sérieuse et légitime, nécessite bien plus de temps ! Nous demandons donc à ce qu’elle soit approfondie. »
Mais pas que ! Selon eux, elle devrait même être reprise. Car les conditions dans lesquelles a été effectuée cette étude ne sont pas satisfaisantes à leurs yeux. En effet, cette dernière a été diligentée par l’entreprise Kaufman et Broad elle-même. Information que confirme Annette Laigneau, qui précise : « Le sondage a effectivement été financé par ce promoteur, mais l’organisme qui l’a réalisé est indépendant et agréé. Et la MRAE comme l’ARS n’y ont rien trouvé à redire. » Un argument qui ne convainc pas dans les rangs de l’opposition. « Ainsi, c’est Kaufman et Broad qui paye pour une étude de terrain et, plus largement, qui rémunère l’urbaniste chargé de concevoir les orientations d’aménagement et de programmation (OAP). Donc, c’est le promoteur qui écrit le règlement qui s’appliquera aux parcelles concernées, avenue des États-Unis. J’y vois là le dessaisissement inédit de Toulouse Métropole au bénéfice d’un acteur privé », accuse Romain Cujives. Alors, Odile Maurin demande de manière directe : « Allez-vous sacrifier l’avenir de nos pitchouns sur l’autel de la rentabilité de Kaufman et Broad ? »
En guise de réponse, Jean-Luc Moudenc clôt les débats, sa collègue Annette Laigneau indiquant que le projet serait de toute façon « soumis à enquête publique, dans laquelle l’avis de la MRAE serait annexé ».
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