Le collectif “La voie est libre” (LVEL) vient de présenter les contours de son projet « pour contrer l’A69 » entre Toulouse et Castres. Celui-ci prévoit le réaménagement de la RN 126, la création d’une véloroute nationale de 62 kilomètres, mais également un réaménagement du territoire pour le rendre plus attractif.
Les opposants à l’autoroute n’ont pas chômé. En effet, cela fait plusieurs mois maintenant que le collectif “La voie est libre” (LVEL) travaille, en catimini, à un plan d’aménagement alternatif à l’A69 entre Toulouse et Castres qu’il estime être « une aberration écologique et sociale ». « Ce projet d’autoroute du XXe siècle ne fait qu’accentuer les problématiques auxquelles nous faisons face et ne répond en rien aux enjeux que nous devons affronter aujourd’hui. Je rappelle que l’A69, c’est la destruction de 366 hectares de terres agricoles, la fragilisation des écosystèmes et corridors écologiques et l’utilisation de 120 000 m3 d’eau pour la construire », dénonce Karim Lahiani, urbaniste et paysagiste, qui a initié et porté ce « projet novateur et pionnier à plus d’un titre » baptisé “Une autre voie”.
Ce dernier repose sur trois piliers : le réaménagement de la RN126, la redynamisation des transports en commun et enfin, la création de voies cyclables qui constitueraient la première Véloroute nationale française, d’une longueur de 62 kilomètres en 2027, puis de 87 en 2030. « Cela ne veut pas dire que nous allons pouvoir faire Toulouse – Castres à vélo. Mais cet aménagement prendra compte des courtes distances », indique Karim Lahiani. Pour les longs trajets, le collectif mise plutôt sur le ferroviaire. « Il faut revoir le cadencement des trains et créer cinq gares pour proposer une offre alternative à la voiture », propose l’urbaniste. Le tout, pour faire baisser le nombre de véhicules de 25% d’ici 2030, soit de passer de 7 500 par jour à 5 500, et augmenter « les déplacements vertueux ».
LVEL n’a pas réfléchi uniquement aux modes de déplacement, puisqu’il veut « impulser un changement radical dans l’aménagement du territoire » et ceci, pour notamment permettre un rééquilibrage. « Il ne faut plus uniquement parler des bassins d’emplois de Toulouse et Castres-Mazamet, mais les insérer dans une logique qui prend en compte les territoires ruraux. À cet égard, la route sera ponctuée de sept équipements leviers, neufs ou réhabilités et d’intérêt territorial, qui vont permettre d’activer notre stratégie de déplacement et d’attractivité », annonce Karim Lahiani. Parmi eux : une centrale des fertilités à Gragnague en opposition à la controversée centrale d’enrobage, une école de la transmission écologique à Verfeil ou encore la cité du vélo à Castres.
« Nous proposons une politique d’aménagement qui va avoir pour conséquence de générer 1 000 emplois directs sur le linéaire entre Toulouse et Castres », chiffre Karim Lahiani. Ceux-ci se répartissent comme suit : 450 emplois dans les nouvelles filières artisanales, dont une de vélos made in France, 200 dans l’écotourisme, 200 dans l’écoconstruction et la rénovation, 100 dans l’agriculture durable et 50 dans la cyclologistique durable. « Il faut retrouver des leviers d’autonomie pour le territoire », appuie l’urbaniste, qui prévoit également la création de 2 000 emplois indirects grâce au projet d’aménagement. Cela pourrait d’ailleurs concerner des emplois saisonniers qui travailleraient sur les 366 hectares de terres agricoles vouées à disparaître.
Le collectif compte effectivement engager un plan de sauvetage pour celles-ci. « “Une autre voie” propose une stratégie d’acclimatation et de mutation agricole à grande échelle. C’est un projet original qui vise à se réapproprier les 366 hectares de fonciers pour mettre en œuvre, à plus long terme, une politique d’aménagement des territoires ruraux basée sur une acclimatation, une replantation du bocage et également des préemptions et reventes de parcelles pour aider les agriculteurs et paysans à s’installer dans notre secteur », révèle le porteur du projet. En ce sens, 250 des 366 hectares seront dédiés « à des espaces démonstrateurs d’une agriculture biologique et locale », comprenant entre autres des jardins partagés, des vergers et des parcelles agricoles.
« Cette agroécologie va se mettre au service des humains et des autres vivants. Nous préserverons donc les zones humides existantes et proposons de les accroître sur les 366 hectares, et dans un second temps sur le reste du territoire », déclare Karim Lahiani. En ce sens, le projet implique la replantation de « 40 kilomètres d’alignement d’arbres » près de la nationale et de 315 kilomètres, en tout, sur les 366 hectares, mais également la création de 60 mares le long du tracé « pour faire exploser la biodiversité et embellir le cadre de vie », projette l’urbaniste qui assure que leur projet est crédible. Le collectif concède qu’il peut « paraître appartenir au domaine de l’imaginaire tant nous en sommes loin, mais c’est ce vers quoi il faut tendre si nous voulons faire face au réchauffement climatique ».
Pour mettre en œuvre ce programme de véloroute nationale, le collectif projette la création d’une société d’économie mixte « qui pourra être détenue juridiquement à 85% par les collectivités territoriales et le reste par des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) issues des sept équipements leviers cités précédemment ». En attendant, LVEL va approfondir son projet avec les habitants du Sud du Tarn et du Nord de la Haute-Garonne. « Dans les prochains mois, nous allons amorcer un travail beaucoup plus fin de programmation le long du tracé avec la population locale pour répondre à leurs envies concrètes », informe l’urbaniste qui ajoute : « Nous allons faire un grand travail de terrain sur les marchés, dans les écoles et les mairies pour montrer qu’une autre voie est possible ».
LVEL compte aussi solliciter l’État et les élus, tels que Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie, et Sébastien Vincini, le président du Département de la Haute-Garonne. « Nous tendons la main aux acteurs publics car nous sommes persuadés qu’ils peuvent renoncer au projet d’A69 qui aura un coût à la fois écologique et financier », révèle Karim Lahiani. Quant au concessionnaire, le collectif attend sa réaction. « Nous n’avons quasiment aucune information de sa part, si ce n’est les arguments déjà évoqués, c’est-à-dire un désenclavement et un gain de 15 minutes. Ce qui est très faible pour imposer un tel projet », estime-t-il. Que le concessionnaire s’exprime ou non, le collectif va continuer à se mobiliser contre l’A69. Il prévoit d’ailleurs une action les 21 et 22 octobre prochains.
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