La Fondation Abbé-Pierre a profité de la présentation à Toulouse de son rapport annuel sur le mal-logement pour faire le point sur le déploiement du plan Logement d’abord, que la ville expérimente. L’institution regrette une mise en œuvre timide et un manque de moyens.
4 millions de personnes mal logées, 12 millions en situation de fragilité par rapport à leur habitation (difficultés de chauffage, impayés de loyers…). Soit près de 15 millions de Français touchés au total. La Fondation Abbé-Pierre a présenté jeudi 28 mars, dans les locaux du Conseil départemental de Haute-Garonne, son rapport annuel sur l’état du mal-logement en France. L’occasion de dresser un premier bilan du plan Logement d’abord dans une ville qui expérimente sa mise en œuvre accélérée.
Pour rappel, ce dispositif inspiré des programmes Housing first, apparus aux États-Unis dans les années 1990, entérine le principe d’accès direct des grands précaires sans-abris au logement stable, plutôt qu’un parcours en escalier à travers toutes les strates de l’hébergement. « Nous sommes totalement favorables à cette philosophie digne et efficace et avons poussé à sa mise en place. Il est trop tôt pour tirer un jugement définitif, mais le déploiement est assez lent et se heurte à de nombreux obstacles », confie Sylvie Chamvoux, directrice régionale de la Fondation.
Le premier d’entre eux étant un contexte politique et social défavorable. En effet, à côté du plan Logement d’abord, d’autres décisions structurelles ont brouillé les pistes comme la baisse des aides au logement (APL). « Les fameux 5 euros qui ont tant fait parler ne représentent que 10 % des coupes réelles prévues. Ajoutées à la ponction budgétaire sur les organismes HLM, ces mesures vont grandement fragiliser la production de logements sociaux », assure Manuel Domergue, directeur des études de l’institution.
En Occitanie, le plan gouvernemental se confronte aussi à une très forte tension sur l’accès au logement et à l’hébergement. La Fondation Abbé-Pierre décrit ainsi une région sous-équipée en termes de logements sociaux, qui représentent 10 % de l’ensemble des résidences principales. Une part qui dépasse les 16 % en France. 145 000 dossiers étaient également en attente au 31 décembre 2018 pour un parc qui en comprend au total 289 000. De même, en 2017, 30 000 personnes ont formulé une demande d’hébergement d’urgence aux Services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) de la région, soit une hausse de 8 % par rapport à l’année précédente. Enfin, en Occitanie, seulement un appel seulement au 115 sur dix est décroché, sans forcément aboutir à une réponse favorable.
« À l’image d’autres territoires, Toulouse est correctement mobilisée et s’engage notamment sur la résorption des bidonvilles. Mais les objectifs sont en général trop modestes et les moyens mis en place par l’État et les collectivités, soumises aux pactes financiers, sont insuffisants à ce jour», ajoute Sylvie Chamvoux. En ce qui concerne le parc privé, la pratique d’intermédiation locative prévue dans le plan Logement d’abord, qui consiste à louer des appartements à des associations qui elles-mêmes les louent à des sans-abris, se heurte à un manque de biens mis à dispositions des Agences immobilières à vocation sociale (AIVS). Estimant que la « France ne peut continuer à expérimenter à petite échelle des solutions qui partout dans le monde font leurs preuves », la Fondation Abbé-Pierre appelle ainsi à un financement supplémentaire immédiat du plan Logement d’abord.
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