Producteur, réalisateur et autodidacte engagé, Amic Bedel est une figure du paysage audiovisuel occitan. À travers sa boîte de production Pidget Films, il construit depuis vingt ans une œuvre militante et sensible, tournée vers la langue et la culture d’oc.
Dans le paysage audiovisuel occitan, Amic Bedel occupe une place singulière. Producteur, réalisateur, militant culturel, il met sa caméra au service d’un territoire, d’une langue et d’une culture en danger. « Je ne dirais pas que ça demande du courage, juste de se questionner sur pourquoi ça n’existe pas, et de le faire nous-mêmes : arriver à fabriquer les films qu’on aimerait voir », confie-t-il.
Tout commence dans l’Aveyron, où il grandit, au contact d’un monde encore occitanophone. Son père, Christian Pierre, est collecteur de récits et de chants. Très jeune, Amic baigne dans cette culture et commence à filmer avec les moyens du bord. « C’était de la captation, de l’enregistrement, pas encore du cinéma », se souvient le cinéaste. « Mais c’était déjà une manière de dire : cette parole, ce geste, cette façon de faire, il faut les garder. »
Au début des années 2000, face à l’absence de l’occitan dans le paysage audiovisuel, Amic Bedel fonde Pidget Films. Il lui donne le nom de sa maison d’enfance. « Dans les villages occitans, les maisons ont un nom, on appelle ça un “escainom”. Et la maison où j’ai grandi s’appelle Pidget. Ce nom, je l’ai donné à ma boîte », raconte-t-il. « Aujourd’hui, je filme pour que cette mémoire, cette langue, ces visages ne disparaissent pas sans avoir été vus. »
Le principe est simple : produire soi-même tout ce qui peut l’être — documentaires, clips, projets ancrés dans un territoire et dans une langue trop souvent absente des écrans. « Tout ce qu’on a fait, c’était avec beaucoup de débrouille. Oui, vraiment l’économie de la débrouille », sourit-il. « On n’a pas monté une boîte pour faire carrière. On l’a fait parce que c’était le seul moyen d’exister, de travailler, de créer. »
« L’occitan est une langue vivante, capable d’exprimer le monde contemporain », rappelle-t-il. Avec la série documentaire Biais, coproduite par France 3 Occitanie, il touche un public plus large. Soixante épisodes tournés à travers la région, à la rencontre de paysans, artisans, artistes, qui racontent leur quotidien dans leur langue. Sans voix off, sans musique intrusive, sans mise en scène. Ce projet marque un tournant : l’occitan devient ici un outil de cinéma, de narration, et non plus seulement un symbole identitaire.
« Il y a une quinzaine d’années, j’ai contribué à la création d’un collectif qui s’appelle Detz. Aujourd’hui, c’est un véritable laboratoire audiovisuel, porté par des jeunes à qui nous avons transmis les clés. Cette association, basée à Toulouse, est ouverte à tous ceux qui souhaitent créer en occitan », souligne le producteur, attaché à la transmission.
En 2023, Amic Bedel produit la fiction “La seria”, la première série tournée principalement en occitan, avec cinq épisodes de 45 minutes. Un projet audacieux, mené à bien malgré les réticences des diffuseurs. « On nous disait qu’il n’y a pas de public. Mais comment le savoir, s’il n’y a pas d’offre ? La politique de l’offre, c’est ce que je fais depuis le début », insiste-t-il.
Pour la suite, le producteur a plusieurs projets en tête, dont il garde les détails pour plus tard. Mais l’engagement reste le même : filmer pour transmettre et faire vivre une langue, pour qu’elle continue à raconter la vie.
Commentaires