Fanchon Mayaudon-Courtel, militante LGBT, a rรฉussi ร faire plier Google sur le rรฉfรฉrencement du mot “lesbienne” en 2019. Lโassociation LโAutre Cercle, qui ลuvre pour lโinclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail, vient de la rรฉcompenser ร travers son รฉvรฉnement “Rรดles Modรจles LGBT+ et Alliรฉ.e.s”.
Elle fait partie des 100 “Rรดles modรจles LGBT+ et alliรฉยทes 2022” de l’association l’Autre Cercle, qui ลuvre pour lโinclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail. Fanchon Mayaudon-Courtel, responsable des opรฉrations expรฉrience client en France dans l’entreprise montpelliรฉraine Swile et militante LGBT, a reรงu cette distinction pour avoir fait plier Google sur le rรฉfรฉrencement du mot “lesbienne”. En effet, lorsque ce terme รฉtait recherchรฉ, ce sont principalement des sites pornographiques qui s’affichaient.
Ce problรจme de rรฉfรฉrencement, Fanchon Mayaudon-Courtel s’en est rendue compte trรจs tรดt. ยซ J’ai grandi avec un ordinateur. Quand j’avais une question, mon rรฉflexe รฉtait d’aller faire une recherche sur Internet. Aprรจs avoir vu ร la tรฉlรฉ une reprรฉsentation de couples lesbiens, je suis allรฉe faire une recherche de ce mot et il n’y avait que des images pornographiques en rรฉsultat ยป, dรฉplore la jeune femme de 33 ans.
Fanchon Mayaudon-Courtel a alors dรป faire preuve d’astuces pour trouver des rรฉponses ร ses questions. ยซ J’ai eu la chance d’รชtre passionnรฉe de littรฉrature et de faire des รฉtudes universitaires. Ainsi, j’ai dรฉveloppรฉ des compรฉtences de recherche et ai pu trouver du contenu lesbien. J’ai d’ailleurs fait des รฉtudes littรฉraires pour cette raison. Trouver ce contenu m’a nourri et mรชme permis de rencontrer mes premiรจres petites amies lors de forums littรฉraires ยป, raconte-t-elle.
Pour autant, la militante LGBT n’avait cessรฉ de s’รฉmouvoir du mauvais rรฉfรฉrencement du mot “lesbienne”. Elle publie un tweet pour le dรฉnoncer en 2019. Il est repris par le magazine Numerama et la presse s’empare du sujet. Dans la foulรฉe, Fanchon Mayaudon-Courtel crรฉe le collectif “SEO lesbienne” militant contre les stรฉrรฉotypes sexistes intรฉgrรฉs dans les algorithmes de Google sur les femmes lesbiennes.
Finalement, la jeune femme remporte sa bataille face au moteur de recherche un matin de juillet 2019. Google avait changรฉ son algorithme. ยซ On pourrait croire que cette modification est complรจtement anecdotique. Mais il y a un enjeu de santรฉ publique. Les adolescentes LGBT ont deux fois plus tendance ร avoir des pensรฉes suicidaires et des dรฉpressions que celles qui ne le sont pas ยป, souligne Fanchon Mayaudon-Courtel.
Dรฉsormais, elle a ร cลur de dรฉfendre les droits des parents LGBT, notamment sur le droit ร la filiation. ยซ Des femmes lesbiennes se retrouvent enceintes, aprรจs avoir eu recours ร une Assistance mรฉdicale ร la procrรฉation, et dรฉcouvrent que leurs conjointes devaient faire une reconnaissance conjointe anticipรฉe au moment du don de gamรจtes. De plus, cette dรฉmarche est payante et doit se faire devant un notaire. Cela coรปte 350 euros ยป, dรฉplore la jeune femme.
Fanchon Mayaudon-Courtel ne le sait que trop bien puisqu’elle a dรป elle-mรชme effectuer une reconnaissance conjointe anticipรฉe. Elle est la mรจre d’un bรฉbรฉ d’un mois issu d’une Procrรฉation mรฉdicalement assistรฉe (PMA). C’est son รฉpouse qui a portรฉ leur enfant. Mais Fanchon Mayaudon-Courtel avait รฉgalement entamรฉ un parcours de PMA dans une clinique ร l’รฉtranger. ยซ On nous laisse le choix pour savoir qui portera l’enfant. Dans notre cas, il n’y avait pas de prรฉfรฉrence. C’รฉtait donc ร la premiรจre qui y parvenait ร tomber enceinte ยป, sourit la jeune femme.
Ce dรฉsir d’enfant est venu rapidement pour les deux jeunes femmes, en couple depuis dix ans. ยซ Dรจs que nous nous sommes rencontrรฉes, nous en avons parlรฉ. Nous nous sommes construites dans l’idรฉe que nous aurions une famille ยป, confie la militante LGBT. Trois ans aprรจs s’รชtre lancรฉes dans un parcours de PMA, elles viennent donc de devenir mรจres.
Fanchon Mayaudon-Courtel a pris un congรฉ d’accueil de l’enfant pour pouvoir profiter des premiers instants de la vie de son bรฉbรฉ. ยซ Personne n’en avait jamais pris dans mon entreprise. J’ai eu le sentiment d’รชtre un peu le prรฉcรฉdent. Mais l’entreprise n’a que trois ans d’anciennetรฉ… ยป, prรฉcise-t-elle.
La jeune femme a toutefois eu la surprise de lire la mention “congรฉ paternitรฉ” sur son relevรฉ d’indemnitรฉs journaliรจres et non “congรฉ d’accueil de l’enfant”. ยซ En utilisant le mot paternitรฉ, on invisible la comaternitรฉ. D’ailleurs, certaines femmes ne prennent pas ces congรฉs parce qu’elles ne savent mรชme pas qu’elles y ont droit. Les mots sont importants. Ce n’est pas anecdotique ยป, appuie la militante LGBT.
Fanchon Mayaudon-Courtel dรฉnonce d’ailleurs un manque de reprรฉsentation des familles homoparentales. ยซ Pour l’inscription ร la crรจche, nous avons dรป rรฉpondre ร un questionnaire en ligne dans lequel il y a une case mรจre et une case pรจre. Si nous ne remplissons pas celle-ci, le formulaire ne s’envoie pas. L’Etat devrait faire en sorte de changer les choses. On ne devrait pas avoir autant ร se battre ยป, dรฉnonce-t-elle.
La jeune femme se dit d’ailleurs fatiguรฉe. ยซ Toute notre vie est un immense coming out parce que nous vivons dans un monde de prรฉsomption d’hรฉtรฉrosexualitรฉ ยป, regrette-t-elle. La militante LGBT qui a perdu des amis activistes au Brรฉsil, dรฉnonce aussi le danger constant. ยซ Chaque fois qu’on dit qu’on est une famille, qu’on est deux mamans, qu’on est en couple, c’est un acte politique qui nous met en danger. On ne sait jamais comment les gens vont rรฉagir ยป.
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