Les élus de Toulouse Métropole viennent d’approuver la déclaration de projet de la Jonction Est ce jeudi 26 juin. Un projet routier qui vise à fluidifier le trafic à l’Est de l’agglomération, mais qui est loin de faire l’unanimité.
« C’est une vieille histoire », concède Grégoire Carneiro, vice-président de Toulouse Métropole chargé de la voirie. Le projet de Jonction Est, qui prévoit notamment la création d’un échangeur sur le périphérique Est, entre ceux de Montaudran et de Lasbordes afin de désengorger l’Est de l’agglomération, est en effet dans les cartons depuis de nombreuses années. Mais il vient de passer une étape décisive. Toulouse Métropole, après avoir obtenu l’avis favorable de la commission d’enquête, a en effet approuvé la déclaration de projet ce jeudi 26 juin, en conseil communautaire, « confirmant ainsi son intention de le réaliser ». En effet, « l’adoption de cette délibération est la dernière étape avant le lancement des travaux », note, dans un communiqué, une dizaine d’élus d’opposition qui ont voté contre. Pour eux, ce projet « conçu et pensé à la fin du siècle dernier ne répond plus aux attentes de la population et aux enjeux contemporains ».
« La jonction Est cumule tous les inconvénients d’un projet que nous ne pouvons plus soutenir en tant que responsables politiques », déclare Hélène Cabanes, membre du groupe Métropole écologiste, solidaire et citoyenne (MESC). Et cela tient en quatre raisons, selon Maxime Le Texier, membre du groupe d’opposition Alternative pour une métropole citoyenne (AMC). « Ce projet est écocide, inutile, coûteux et anti-démocratique. Il représente le plus grand gaspillage d’argent public et de ressources naturelles que nous ayons jamais eu devant nous en cinq ans », résume-t-il. L’élu dénonce ainsi la « destruction d’une zone naturelle » avec la disparition de 20 hectares, seulement « 30 secondes de gain de temps de trajet à horizon 2030 » pour un investissement de 95 millions d’euros et le fait « qu’aucun gaz à effet de serre n’est évité par le projet ».
Il estime également que « la démocratie a été bafouée à plusieurs reprises » puisque « la première concertation a abouti à 94% de non ». « Et à près de 60% lors de l’enquête publique de janvier dernier », souligne Hélène Cabanes. Mais Jean-Luc Moudenc, président de la Métropole, précise que la concertation « n’avait mobilisé que 400 personnes, alors que l’enquête publique en a mobilisé 4 000 avec un résultat de 56% des votes contre » le projet de Jonction Est. « Cela prouve que le législateur a raison de concevoir une enquête publique non pas comme un référendum, mais comme un moment d’expression et de débat », considère Jean-Luc Moudenc.
En opposition aux propos de Maxime Le Texier, Dominique Faure, vice-présidente de Toulouse Métropole et maire de Saint-Orens, préfère plutôt parler d’un projet qui « fluidifie, désenclave, réduit les émissions de CO2 et a du sens écologiquement ». Ce qui a fait tiquer Hélène Cabanes. « Vous allez nous faire croire que construire une route participe à la transition écologique ? », demande-t-elle avant de déclarer : « À ce niveau-là, ce n’est même plus du greenwashing ! » Mais Vincent Terrail-Novès, également vice-président et maire de Balma, confirme les propos de Dominique Faure. « Le projet de jonction Est va bien diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Selon une étude, les émissions sont plus importantes lors d’embouteillages que quand les véhicules roulent. Or, la jonction Est vient désengorger les routes par une répartition des flux sur des axes supplémentaires et donc réduire les émissions de gaz à effet de serre », affirme-t-il.
L’objectif de ce projet routier est effectivement de fluidifier le trafic à l’heure où « des centaines de mètres de bouchons s’étirent au beau milieu des habitations des rues aux alentours de l’échangeur 18 de Montaudran », déplore Emilion Esnault, maire de quartier de l’Est de Toulouse. Et cela ne devrait pas s’arranger, selon l’élu. « Le secteur Est est promis à une forte croissance ; 32 000 habitants de plus et 30 000 emplois supplémentaires à horizon 2040. L’échangeur 18 est aujourd’hui saturé. Si nous ne faisons rien, il sera totalement obstrué », craint Emilion Esnault. Là encore, l’opposition n’est pas de cet avis. « Ajouter des routes pour résoudre les bouchons, ça ne fonctionne pas », appuie Maxime Le Texier qui poursuit : « Pour combattre les bouchons de la manière la plus efficace, il faut miser sur les mobilités, le transport en commun, le vélo et le rail ».
Hélène Cabanes souligne d’ailleurs que, si « les commissaires enquêteurs ont donné un avis favorable », c’est en émettant « plusieurs recommandations », notamment de « renforcer l’attractivité des transports en commun par rapport à la voiture en leur réservant des voies propres permettant des gains de temps significatifs » ou « d’engager une réflexion sur la création d’une liaison ferrée, type RER, entre Matabiau et Labège, desservant la Cité de l’espace et Malepère ». « Vous répondez qu’aucune voie réservée aux transports en commun n’est prévue dans l’immédiat concernant la future infrastructure de la jonction Est et que le projet n’auberge pas les conditions de réalisation du projet de contournement ferroviaire de Toulouse par la vallée de l’Hers », rapporte l’élue d’opposition. Pour elle, « ce projet de jonction Est est donc bien un projet pour la voiture et non pas pour les transports en commun, ni pour les vélos ».
Pourtant, le projet prévoit une liaison piétonne et cycles entre l’avenue Marcel Dassault et le chemin de Ribaute à Quint-Fonsegrives. « Au lieu de proposer des solutions de mobilité à la population, vous les enfermez dans le tout voiture puisqu’il n’y aura pas de séparation des flux vélo et piétons avec cette voie verte qui sera partagée », affirme l’élue d’opposition. Dominique Faure confirme et l’assume, tout comme la place faite à la voiture : « Cette jonction doit faciliter l’accès au périphérique Est pour les communes des alentours où la voiture reste le mode de déplacement majoritaire, même si d’importants efforts sont faits en faveur des modes doux ». Jean-Luc Moudenc rappelle ainsi que « 90% des crédits mobilités sont fléchés vers les infrastructures alternatives à la voiture individuelle, que ce soit les transports en commun ou la politique cyclable. Ce qui est bel et bien la preuve que nous avons une orientation, mais cela ne supprime pas, effectivement, la liberté de circulation des automobilistes », ajoute-t-il.
Maxime Le Texier regrette par ailleurs qu’il n’ait « pas été étudié de projet alternatif ». Il évoque ainsi celui de neuf associations toulousaines, qui prévoit « plus de covoiturage, d’autopartage et de stations VélôToulouse », « l’amélioration de l’échangeur n°17 existant », « une desserte de bus renforcée », « deux nouvelles haltes SNCF à Malepère et Balma-Gramont », « un réseau cyclable continu et interconnecté à l’Est » et « des parcours piétonniers optimisés ». Des propositions alternatives que Vincent Terrail-Novès a étudié. « Certaines sont intéressantes. Sauf qu’elles ne prennent en compte qu’une partie de l’enjeu local qui regroupe l’augmentation des déplacements en véhicules, de ceux en bus et de ceux à vélo. De plus, toutes ces alternatives concernent uniquement la mobilité en bus ou à vélo et intègrent des problématiques et des sujets qui sont de l’ordre régional avec l’organisation de systèmes de trains. Elles ne répondent donc pas aux enjeux », juge le maire de Balma.
Les élus ont ainsi voté pour la déclaration de projet. « Il nous apparaît aujourd’hui beaucoup plus risqué, pour notre territoire, de ne rien faire que de porter avec détermination ce projet de jonction Est », appuie Dominique Faure. Toutefois, Hélène Cabanes « demande solennellement de ne pas lancer les travaux ». Maxime Le Texier va plus loin et souhaite que la Métropole « prenne le temps d’étudier les nouvelles données, de travailler l’alternative et de l’arbitrer démocratiquement en mars 2026 ». Demandes qui ne semblent pas avoir été entendues.
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