Au Village de François, près de Toulouse, les « personnes cabossées par la vie » sont les bienvenues. Dans ce lieu de vie, niché au sein d’une ancienne abbaye, elles peuvent trouver un logement, un emploi, mais aussi des « relations bienveillantes ».
À une trentaine de kilomètres au Nord-Ouest de Toulouse se trouve un village pas comme les autres. Ses habitants sont en effet pour la plupart des « personnes cabossées par la vie », indique l’association Le Village de François (nommée ainsi en référence à Saint François d’Assise), qui a créé ce lieu. Des personnes passées par la rue, âgées, en situation de handicap ou encore d’anciens addicts peuplent ainsi ce village où ils peuvent « se ressourcer et se reconstruire ». « Pour nous, la fragilité est une force. En mettant des personnes fragiles ensemble, il est possible de faire de belles choses », estime Étienne Villemain, le directeur et fondateur de l’association.
Ce village, qui n’a de village que le nom puisqu’il s’agit d’un lieu de vie, s’est installé au sein de l’abbaye Sainte-Marie du Désert à Bellegarde-Sainte-Marie. Fondée par des moines cisterciens-trappistes 150 ans plus tôt, elle a été rachetée par l’association qui s’y est installée en octobre 2020. Après d’importants travaux, l’abbaye est donc redevenue ce qu’elle était à l’origine : un lieu de vie partagée. « Nous voulions un grand site pouvant accueillir de nombreuses personnes. Mais aussi, un lieu qui soit beau. Le beau aide les gens à se relever », considère Étienne Villemain.
Aujourd’hui, 75 personnes sont logées au sein de colocations dans l’abbaye, moyennant 300 euros par mois avec électricité, eau et chauffage compris. Les deux tiers sont des personnes dites fragiles, les autres sont des familles avec enfants, qui ont décidé de venir là pour accompagner des personnes en difficulté, ou de jeunes professionnels en service civique au sein de l’association, notamment. « À terme, nous pourrons loger 110 personnes », annonce le directeur du Village de François. Celles-ci pourront donc bénéficier d’un logement, mais également d’un travail. 40 emplois, occupés par des personnes fragiles, ont déjà été créés dans divers secteurs.
« Nous avons un jardin maraîcher, une miellerie, un atelier de réparation de jeux, un autre de poules pondeuses, une menuiserie, un magasin qui fait aussi café, un restaurant qui ouvrira bientôt et un hôtel », listent Étienne Villemain et Reine Hamelin, la responsable hôtellerie. Il est effectivement possible de réserver une chambre au sein de l’abbaye qui peut accueillir 90 clients. Et pour les attirer, l’association propose plusieurs manifestations culturelles comme du théâtre et des visites. Elle peut aussi compter sur le bienheureux de l’abbaye, le père Joseph Cassant. « Beaucoup viennent découvrir ce moine dont la dépouille se trouve dans la crypte du monastère de l’abbaye », rapporte Étienne Villemain.
Le Village de François, est donc d’un lieu de vie. Mais « pas un lieu d’accueil social ni médical », insiste Reine Hamelin. D’ailleurs, les personnes qui y sont logées doivent avoir une certaine autonomie. « Nous ne pouvons pas accueillir des gens trop lourdement handicapés », appuie le directeur. Pour autant, chaque personne fragile « a un suivi adapté », notamment des rendez-vous avec un psychiatre ou une assistante sociale. « Les bénévoles de l’association s’en assurent. Toutefois, le rôle du Village de François est surtout d’apprendre à tout un chacun à vivre ensemble », déclare la responsable hôtellerie. C’est d’ailleurs le troisième pilier de l’association Le Village de François avec l’activité économique et « l’écologie intégrale » qui se concrétise notamment par l’utilisation de matériaux écologiques lors des travaux, du covoiturage ou encore un jardin maraîcher biologique en permaculture.
Au Village de François, le vivre-ensemble a donc la part belle avec pour objectif de rompre l’isolement de ses habitants. « Nous avons des repas partagés tous les vendredis. Les personnes de chaque colocation se retrouvent en petits groupes tous les lundis soirs. Et du foot et un film sont proposés tous les dimanches », détaillent le directeur. Et la responsable de poursuivre : « Nous voulons un cadre propice à la rencontre, à la sociabilisation et aux échanges fraternels ». Et pour que tout se passe au mieux, certains principes ont été édictés. Parmi eux : l’alcool et toutes formes de violences sont proscrits. « Si quelqu’un enfreint ces règles-là, il est mis dehors », affirme Étienne Villemain.
Ce lieu de vie d’un nouveau genre semble, en tout cas, faire ses preuves. « Avec le triptyque logement, travail et relations bienveillantes, nous arrivons à aider des gens, qui étaient éloignés de l’emploi et qui n’avaient plus de relations sociales, à se remettre debout », assure Étienne Villemain. Le directeur cite ainsi : « Le chantier d’insertion du jardin maraîcher de l’abbaye a un taux de “sorties positives” de 75%. C’est-à-dire, qu’à la fin de leur contrat d’insertion, les salariés sont majoritaires à trouver une formation ou un emploi. Alors que les 30% de “sorties positives” sont difficilement atteints ailleurs ».
Ce modèle de lieu d’accueil pour personnes fragiles, le Village de François l’a reproduit au Château d’Audaux, près de Pau, qui a récemment été récompensé. Ce second projet fait en effet partie des 45 lauréats de “La France s’engage”. Ce concours national vise à sélectionner plusieurs projets sociaux et environnementaux innovants pour qu’ils bénéficient d’une dotation financière et d’un accompagnement dédié afin de les soutenir dans leur développement. Un coup de pouce non négligeable pour l’association qui envisage de créer un troisième village, en Normandie cette fois. En attendant, elle chercher à développer ses autres projets, dont la finalisation de l’activité d’hôtellerie à l’abbaye. « Il nous manque encore 300 000 euros pour y parvenir », confie Étienne Villemain avant de faire un appel aux dons à ceux qui souhaiteraient soutenir ce projet.
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