Le ROC handball retrouvera la Nationale 1 la saison prochaine, sept ans après l’avoir quittée. Un retour au plus haut niveau amateur du handball français, fruit d’une restructuration engagée depuis 2019. Dans cet entretien exclusif, le président du club, Benoit Courtin, revient sur les objectifs atteints, les coulisses de cette montée, le projet de développement du ROC et les ambitions à moyen terme.
Benoit Courtin, au début de la saison, quels étaient les objectifs fixés ? La montée était-elle dans les projets ?
Dès le début de la saison, nous avions un projet bien défini, que nous avons appelé “Cap 2026”, avec pour objectif la montée en National 1. Historiquement, le club a évolué à ce niveau et a flirté avec le haut du tableau pendant plusieurs années. Après une descente en 2017, nous avons entamé un travail de restructuration en 2019, qui a porté ses fruits cette saison. Nous avions donc cette ambition, mais avec humilité, sachant que la saison précédente, nous étions passés à côté, malgré plusieurs opportunités.
Cette année, le groupe a montré une belle cohésion et un niveau de préparation exemplaire. De plus, cette montée est d’autant plus symbolique qu’elle intervient alors que le club célèbre ses 40 ans. C’est donc une réalisation importante, non seulement pour l’équipe, mais aussi pour l’ensemble du club et de ses supporters.
Quand avez-vous compris que l’équipe était en mesure d’aller chercher cette montée ?
Il y a eu plusieurs moments clé, mais je dirais que la fin de la première phase a été déterminante. Les victoires contre le Fenix 2 et Limoges à domicile nous ont vraiment permis de mesurer la force de ce groupe. Sur la deuxième phase, j’ai vu un collectif serein, déterminé, et heureux de jouer ensemble. Ils étaient à fond à l’entraînement, tout en conservant une belle énergie positive.
À partir de là, je me suis dit : « Il peut rien nous arriver ! » J’ai vraiment eu confiance dans l’idée que nous pouvions atteindre cet objectif.
Qu’est ce qui a changé cette année par rapport à la saison dernière, où la montée vous a échappé de peu ?
L’an dernier, notre 7 majeur était solide, mais nous avons été frappés par des blessures majeures, notamment celles de nos ailiers, et le départ d’un de nos joueurs pour Aix-en-Provence. Ces absences ont fragilisé notre équipe et limité nos options de rotation.
Cette saison, nous avons renforcé le groupe avec 14 joueurs compétitifs, et les rotations ont été bien gérées. Nous avons également un meilleur suivi médical, avec des blessures limitées, ce qui a fait une différence cruciale en deuxième partie de saison. L’an passé, la pression lors du match décisif à Limoges avait affecté le 7 majeur, fatigué physiquement et mentalement. Cette année, le groupe est bien plus équilibré et serein.
Vous parlez d’une structuration du club amorcée depuis 2021. Quelles ont été les priorités en interne pour préparer cette accession ?
Depuis 2019, nous avons mis en place une stratégie ambitieuse en trois phases : Cap 2024, Cap 2026, et Cap 2030. Chaque phase a ses propres objectifs, sportifs, événementiels, financiers ou sociétaux. Cette structuration a permis de professionnaliser le club et d’attirer des partenaires.
Nous avons également développé plusieurs projets liés à l’ancrage territorial, à la promotion du handball féminin, aux valeurs éthiques et à la gestion financière. Par exemple, nous avons une convention avec la Légion étrangère et plusieurs projets sociétaux, dont un programme pour l’inclusion des jeunes, et des initiatives de sport santé. Il ne s’agit pas seulement de sport, mais d’une véritable dynamique de territoire. La croissance de notre équipe administrative et de notre bureau, avec l’ajout de compétences spécifiques comme le management, a été un élément clé.
Pensez-vous que le ROC est déjà prêt, administrativement et sportivement, pour la N1 ?
Oui, nous sommes prêts. Dès 2021, nous avons fait un premier investissement important en embauchant une responsable administrative, qui a été formée et est aujourd’hui pleinement opérationnelle. Elle joue un rôle central dans la gestion du club. Nous avons aussi renforcé notre équipe de gouvernance, avec des compétences précises comme un directeur financier, ce qui nous permet d’avoir un suivi précis de notre budget, qui est passé de 380 000 euros à 608 000 euros entre 2021 et 2024.
Sur le plan sportif, l’équipe actuelle est prête pour la N1. Nous avons prévu quelques arrivées pour renforcer le groupe, mais l’essentiel de l’effectif reste inchangé et est composé de joueurs ayant évolué dans des niveaux supérieurs. Nous viserons d’abord le maintien en N1, puis à moyen terme, nous chercherons à jouer le haut du tableau.
Le club est passé de 293 à plus de 400 licenciés, et de 20 à 104 entreprises partenaires. Comment expliquez-vous cette croissance spectaculaire ?
Cette croissance est le fruit d’une vision claire et d’une stratégie bien définie. Nous avons, dès 2021, investi dans un éducateur à plein temps, et aujourd’hui plus de 500 enfants participent à nos cycles d’initiation au handball dans les écoles de Rodez Agglomération. Ce travail de base a permis de constituer un réservoir solide, et la qualité de notre formation a attiré davantage de jeunes licenciés.
Quant aux partenaires, la clé a été de se positionner comme le premier sport indoor du département. Nous avons tissé des liens forts avec le Rodez Aveyron Football (RAF), ce qui a renforcé notre visibilité et celle de nos partenaires. Nous avons également professionnalisé nos événements, avec un vrai spectacle pour les matchs, attirant ainsi entre 1 300 et 1 500 spectateurs à chaque rencontre. Les entreprises ont été séduites par cette dynamique. Notre club d’entrepreneurs, le “ROC Entrepreneur”, est passé de 20 à 104 membres, avec un modèle économique qui génère des revenus importants pour le club.
Concernant le budget, vous visez 700 à 750 000 € pour la saison prochaine. Quelles actions sont prévues pour atteindre cet objectif ?
Pour atteindre cet objectif, plusieurs actions sont déjà en cours. Nous avons toujours eu des discussions très ouvertes et régulières avec les collectivités locales et nos partenaires privés, et nous allons continuer dans cette direction. J’ai voulu attendre le match de samedi pour valider certaines étapes avant de me lancer dans la phase active de notre stratégie financière. Lors de notre réunion de bureau, nous allons finaliser les étapes nécessaires à la mise en œuvre de notre plan de financement. À partir de là, nous irons voir tous nos partenaires, tant publics que privés, pour les convaincre de l’importance de cette montée en N1 et obtenir des engagements financiers supplémentaires.
Il est crucial d’obtenir des garanties solides sur le plan financier, car pour valider administrativement notre montée en N1, la CCG (Commission de Gestion) exigera notre possibilité de faire fonctionner le club à ce niveau. C’est pourquoi, dans les prochaines semaines, nous serons particulièrement actifs pour sécuriser ces financements. Nous devons également nous assurer d’avoir une gestion rigoureuse de notre budget, notamment pour les déplacements, qui deviendront plus coûteux en N1.
Est ce que de nouveaux partenaires ou sponsors sont déjà en discussion suite à la montée ?
Tout d’abord, l’objectif est de conserver nos partenaires existants. Nous avons fait de belles progressions au cours des trois dernières années. Et effectivement, de nouveaux partenaires se sont manifestés pour la saison prochaine. Nous avons confiance aux partenaires privés, ils augmenteront également leur soutien grâce à la montée en N1.
Par ailleurs, nous devons aussi nous tourner vers les collectivités. Actuellement, notre financement est composé à 70% de revenus privés et à 30% de fonds publics, mais il faut aussi prendre en compte les aides indirectes, comme la mise à disposition de l’amphithéâtre par la mairie de Rodez ou les infrastructures fournies par la mairie d’Onet-le-Château. Nous avons de bonnes relations avec les collectivités et nous continuons à travailler en étroite collaboration avec elles. Le maire de Rodez, également président de l’agglomération, a récemment exprimé son soutien pour accompagner la montée du club en N1. Mais bien sûr, il est crucial d’avoir des preuves concrètes de notre solidité financière, car nous ne voulons pas mettre en danger le club.
L’effectif va peu évoluer. Pourquoi ce choix de la stabilité ?
L’effectif restera stable par choix stratégique. L’an dernier, l’équipe reposait sur un sept majeur capable de jouer en N1, avec un banc plus léger. L’été dernier, le club a doublé les postes pour former un groupe de 14 joueurs, tous venus avec l’objectif de jouer à l’échelon supérieur. Dans un sport collectif, 1+1 doit faire 3, pas 2 : la cohésion compte autant que les qualités individuelles. Trois renforts sont tout de même prévus pour compléter l’effectif.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le profil des recrues attendues ?
Je vais être un peu mystérieux à ce sujet, car ce n’est qu’après le 24 mai (date du dernier match, NDLR) que nous dévoilerons les détails. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y aura trois nouvelles recrues. Mais pour le moment, je ne peux pas vous en dire plus.
Quel sera l’objectif sportif pour la première saison en National 1 ? Le maintien seulement ou mieux ?
Le principal objectif sera le maintien, mais nous viserons aussi à nous stabiliser dans le milieu de tableau si possible. Cela fait depuis 2017 que nous ne sommes plus en N1, donc nous allons découvrir ce championnat et nous ajuster au fur et à mesure. L’une des références cette saison a été notre performance en Coupe de France, où nous avons atteint les huitièmes de finale, avec une défaite d’un seul but en fin de rencontre face une équipe de N1 fédérale, Sainte. Ce match nous a montré que nous sommes capables de rivaliser avec des équipes de ce niveau, et nous continuerons à travailler pour progresser.
À plus long terme, pensez-vous que le ROC peut ambitionner une montée en National1 Fédérale voire en ProLigue comme cela a été évoqué ?
Oui, je pense qu’à moyen terme, nous pourrions prétendre à la N1 fédérale, car cela repose sur des critères financiers et d’organisation, et je crois que nous avons déjà les bases nécessaires. En ce qui concerne la Pro League, je suis convaincu qu’il y a une place pour Rodez. Cependant, cela nécessitera un budget bien plus élevé, de l’ordre de 1,2 à 1,4 million d’euros. Ce n’est pas un montant anodin, mais si nous parvenons à atteindre cet objectif financier, la Pro League pourrait être une réalité à moyen terme. Mais nous avancerons étape par étape, nous ne dépenserons pas plus que ce que nous avons.
À quel point l’ambiance de l’Amphi, souvent rempli à Rodez, est-elle un atout dans votre projet de développement ?
L’ambiance dans l’amphithéâtre est un atout majeur. Nous avons réussi à attirer un public jeune et à créer une atmosphère festive lors des matchs. Nous avons également beaucoup travaillé sur la communication externe, notamment sur les réseaux sociaux. Par exemple, notre présence sur Instagram a énormément progressé, et aujourd’hui, nous avons plus de 200 000 vues par mois, contre seulement 2 000 il y a quelques années. C’est une véritable réussite et un moyen de renforcer notre attractivité.
À titre personnel, qu’est ce que cette montée représente pour vous après ces années de travail ?
C’est une immense récompense. Cela fait sept ans que nous travaillons pour ce projet, et je suis particulièrement fier de ce que nous avons accompli. J’ai commencé avec une vision, un PowerPoint en 2019 intitulé “Cap 2024”, et aujourd’hui, cette montée en N1 représente la concrétisation de ce travail collectif. C’est une récompense personnelle et familiale, car je suis un dirigeant bénévole, et ma famille accepte que je sois très impliqué dans ce projet. C’est aussi le fruit d’une vision à long terme et d’un investissement constant, et je suis ravi de pouvoir la partager avec l’ensemble des licenciés du club.
Achille Mourgues
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