Créée il y a deux ans, l’association H2O (Hôpitaux d’Occitanie Ouest) réunit le CHU de Toulouse et les 50 hôpitaux de l’ex-région Midi-Pyrénées autour de l’amélioration de l’accès aux soins. Une collaboration inédite à cette échelle qui fait déjà ses preuves.
« Nous voyons déjà de premiers résultats dans beaucoup de disciplines et de départements. Ce que nous avons semé depuis deux ans commence à sortir de terre et il faut continuer en ce sens. Paris ne s’est pas fait en trois jours, mais manifestement, nous sentons déjà les prémices d’une synergie entre le CHU et les hôpitaux de l’ancienne région Midi-Pyrénées », affirme le professeur Didier Carrié en évoquant l’association H2O (Hôpitaux d’Occitanie Ouest), dont il est le président. Cette dernière réunit le CHU de Toulouse et les 50 hôpitaux de l’ex-région autour d’un objectif : l’accès aux soins pour tous. « C’est un sujet majeur », souligne Jean-François Lefebvre, directeur général du CHU. Surtout à l’heure où les hôpitaux, comme la ville, font face à un manque criant de médecins. Jean-François Lefebvre voit ainsi surgir « de grandes difficultés dans certains centres hospitaliers ».
« L’accessibilité aux soins devient de plus en plus compliquée dans tous les territoires. C’est lié à la démographie médicale qui diminue, mais aussi aux aspirations de la nouvelle génération qui changent », rapporte le docteur Jérôme Roustan, président de la Commission médicale d’établissement (CME) du centre hospitalier de Montauban, l’un des établissements fondateurs. H2O permet ainsi d’activer plusieurs leviers pour renforcer la qualité des soins et la gestion des ressources médicales. « Le CHU s’associe aux centres hospitaliers pour conforter et développer leur organisation en termes de soins, en privilégiant des équipes médicales partagées », déclare Jean-François Lefebvre. Et ce, de manière « à ce que tout patient puisse être pris en charge dans un centre hospitalier à côté de son domicile ou, à défaut, qu’il soit bien orienté dans un plus gros hôpital à proximité ou vers le CHU de Toulouse », indique son directeur général.
Ainsi, 300 médecins partagent leur temps aujourd’hui entre le CHU et les centres hospitaliers. « Cela concerne les urgences, la radiologie, la neurologie, la cardiologie ou la néphrologie », précise Jean-François Lefebvre. Autant de « filières fragilisées » dans les hôpitaux de l’ex-région Midi-Pyrénées, relève le docteur Jérôme Roustan. « Nous sommes de petits établissements et n’avons pas forcément le volume d’activités nécessaire pour des temps complets. Et puis, ces temps partagés permettent de rassurer les jeunes praticiens qui ne se sentent pas lâchés en plein désert en gardant un lien avec leur CHU de formation », considère Sonia Neurrisse, directrice générale du centre hospitalier de Cahors. Ce qui participe à l’attractivité des hôpitaux. « Quand ils sont passés dans ce territoire ils arrivent plus facilement à se projeter sur l’avenir dans l’exercice à distance du CHU », considère le docteur Jérôme Roustan.
Une association qualifiée de « remarquable » par Christian Dublé, directeur du centre hospitalier Tarbes-Lourdes. « La ressource médicale est rare, il fallait la répartir de manière intelligente, adaptée, cohérente et homogène entre les établissements », ajoute-t-il. En somme, H2O, c’est presque « de la haute couture pour construire une offre de soins territoriales », comme le souligne Vincent Prévoteau, directeur des hôpitaux du Nord-Aveyron. Rien à voir avec « les rustines mises à droite et à gauche », comme cela pouvait être le cas auparavant. « Depuis 10-15 ans, c’est ce que nous, les chefs de service et coordonnateurs, devions faire parce qu’on nous appelait en urgence quand il manquait un médecin ici ou là. Nous faisions ce que nous pouvions, mais ce n’était pas suffisant, concède le professeur Didier Carrié pour qui H2O était « un rêve ». « Je ne pensais pas que nous arriverions à faire ça », confie-t-il.
Outre les soins, cette coopération passe aussi par la formation et la recherche avec, notamment la mise en commun de compétences et le financement d’activités. « Nous avons ainsi récupéré plus d’un million d’euros qui financent des ressources, en particulier humaines, dédiées à la recherche dans l’ensemble de nos centres hospitaliers », annonce Jean-François Lefebvre. Si H2O n’est pas la première coopération publique, elle est « unique » à cette échelle, d’après Didier Jaffre, le président de l’Agence régionale de santé Occitanie. « Il peut y avoir des régions où le CHU aspire les compétences. Là, au contraire, il les irrigue, et par capillarité, nous nous sentons, de mois en mois, toujours un peu plus renforcés », témoigne Sonia Neurrisse qui ne manque pas de noter « le très haut niveau de responsabilité du CHU dans ce maillage territorial ».
Plusieurs projets concrets ont ainsi pu voir le jour sur le territoire depuis la création de l’association H2O. Le centre hospitalier Tarbes-Lourdes accueille notamment un représentant médical du CHU de Toulouse en neurologie « qui assure une coordination et un appui aux équipes », indique son directeur. Le centre hospitalier intercommunal des vallées de l’Ariège (CHIVA) a, lui, obtenu un chef de clinique de territoire en pneumologie. L’hôpital de Cahors, qui en a aussi un en ORL désormais, a par ailleurs pu remonter une équipe de cardiologie. « Nous sommes en train de construire, depuis le 1er juillet, le même exercice avec une équipe territoriale en gynéco-obstétrique pour consolider notre maternité », dévoile Sonia Neurrisse, sa directrice. Du côté de l’hôpital de Rodez, les médecins anesthésistes réanimateurs ont bénéficié d’une formation à l’anesthésie pédiatrique. « Nous avons la possibilité de nous appuyer sur le CHU pour former nos médecins. Ce qui nous permet d’avoir une offre de soins de proximité qui réponde aux besoins de la population », rapporte Vincent Prévoteau.
Cette association a aussi permis l’ouverture d’un service spécialisé en urologie au centre hospitalier d’Auch. « Jusqu’en 2023, il y avait une clinique dans la commune avec pour spécialités l’ophtalmologie, l’ORL, le vasculaire et l’urologie. L’hôpital a récupéré les trois premières, mais nous avons eu des difficultés pour la dernière. Les urologues de la clinique ne voulaient travailler que dans le privé. Nous nous sommes alors tournés vers le CHU de Toulouse parce qu’il nous paraissait impensable de ne pas offrir une activité médicale d’urologie sur le département. Ainsi, deux urologues ont été mobilisés pour une consultation tous les vendredis à l’hôpital au début et, maintenant, l’un d’eux a pour projet de s’installer pour une grande partie de son temps sur l’hôpital d’Auch », se félicite Sylvie Lacarrière, la directrice du centre hospitalier qui devrait ouvrir des lits en urologie « dans un avenir assez proche ». De même, l’hôpital d’Albi a pu recruter une équipe ORL dans « un environnement où la concurrence avec le secteur de la santé privé est important », indique Alexandre Fritsch, le directeur de l’hôpital.
Des avancées qui ont l’air de satisfaire les représentants des différents hôpitaux. « C’est déjà une forme de coopération aboutie. Et nous n’en sommes qu’au début », relève Christian Dublé, le directeur du centre hospitalier Tarbes-Lourdes. Selon lui, « de nouvelles possibilités de coopération » pourront être déployées. Et les autres chefs d’établissements sont du même avis. « Le champ des possibles est tellement infini. Finalement, nous disposons d’une feuille de route pour de nombreuses années au bénéfice de l’organisation de l’offre de soins de nos territoires et d’une attractivité commune », déclare Aurélie Channet, directrice par intérim du CHIVA. Déjà, les actions mises en place ces deux dernières années vont être bénéfiques à long terme à en croire Didier Jaffre. « Je pense que les décisions qui ont été prises dans le cadre de H2O garantissent le fonctionnement de notre système de santé pour les 10-20 ans à venir », estime le directeur de l’ARS Occitanie.
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