À Perpignan, un mariage en catalan ravive les tensions entre la mairie RN et les défenseurs de la culture catalane. Discrimination linguistique, traditions bafouées et bras de fer politique alimentent la colère des régionalistes, qui dénoncent un recul symbolique de la catalinité en pays catalan.
Les Catalanophones et les régionalistes ne décolèrent pas. « Depuis 2020 et son élection à la tête de la Ville de Perpignan, le RN n’a eu de cesse de s’attaquer à la catalinité de la ville », déplore François Alfonsi, président de Régions et Peuples solidaires. Sentiment partagé par Brice Lafontaine, ancien élu à la mairie de Perpignan, qui raconte avoir été personnellement victime de discrimination linguistique. Le 14 septembre 2024, il dit s’être vu refuser l’accès à la grande salle des mariages de l’Hôtel de la ville pour la célébration du sien, et surtout, la possibilité de le faire en catalan. Pourtant, depuis 1993, la Municipalité propose cette option dès l’envoi du dossier en mairie, dans lequel les futurs époux doivent préciser le nombre d’invités, leur choix de la musique et s’ils souhaitent un « mariage en catalan ».
Or, Brice Lafontaine expliquait à L’Indépendant, que la conseillère municipale désignée pour officier lors de la cérémonie ne parlait pas le catalan, son choix n’a donc pas pu être honoré. Au grand dam des mariés, qui demandent aujourd’hui réparation : ils ont adressé une demande préalable d’indemnisation au maire RN, Louis Aliot. Sans réponse d’ici la fin août, Brice Lafontaine affirme vouloir saisir le tribunal administratif. Mais les versions divergent. Selon François Dussaubat, adjoint au maire en charge de l’administration et des affaires juridiques, « cet ancien élu de la Ville fait depuis longtemps un fonds de commerce médiatique de ces questions. Il a pu sans difficulté se marier devant une élue choisie par lui et qui, maîtrisant le catalan, a pu elle-même procéder à la réitération de l’échange des consentements et la lecture des articles du Code Civil ».
Au-delà du cas particulier de Brice Lafontaine, le débat est plus profond et n’a pas manqué d’animer les derniers conseils municipaux. En réalité, les deux parties ne parlent pas le même langage : quand les élus d’opposition dégainent la carte de la tradition, ceux de la majorité répondent par la stricte loi. Pour les premiers, l’élue centriste Chantal Gombert estime que Louis Aliot a décidé, sciemment et idéologique, de ne plus permettre les mariages en catalan. Accusation que la maire de Perpignan a nuancée lors du conseil municipal du 4 avril dernier : « Le mariage en catalan n’est pas interdit, chacun peut s’unir dans la langue de son choix. Simplement, la Mairie ne mettra plus un fonctionnaire à disposition, gratuitement, pour traduire, comme c’était le cas jusque-là. »
Car, comme le rappelle François Dussaubat, l’usage était jusqu’à présent « de procéder à des mariages en français puis à une seconde lecture des articles du Code Civil en catalan ou dans une autre langue, et ensuite procéder à une réitération de l’échange des consentements en catalan ou dans une autre langue. Lorsque l’élu ne maîtrisait pas suffisamment la langue, la Ville mettait à disposition un fonctionnaire pour l’assister, exclusivement dans le cas de la langue catalane ». Le problème se pose donc uniquement quand l’élu ne maîtrise pas le catalan. Solution : quand les époux le demandent, il suffit de désigner un élu qui parle la langue régionale. Mais là encore, les avis divergent : si Chantal Gombert estime que « la moitié des élus parlent le Catalan », l’adjoint au maire affirme que « très peu savent traduire le catalan, d’où la mise à disposition par la ville de fonctionnaires pour traduire cette lecture des articles du Code Civil ».
Une largesse désormais abolie par Louis Aliot qui rappelle que « l’élu doit parler en français, il est officier d’état civil ». Il faudra donc aux futurs époux venir avec un traducteur, à leurs frais. « Ces dispositions s’appliquent pour toutes les langues. Elles s’appliquent pour le catalan », précise son adjoint aux affaires juridiques. Un argument qui froisse les défenseurs du statut particulier que peuvent endosser des régions comme la Corse, la Bretagne, le Pays basque… et la Catalogne ayant une langue et une culture régionaliste forte. Chantal Gombert appuyant : « Certes, nous sommes en France, mais notre territoire est catalan ». Pourtant, le maire de Perpignan assume : « Même si j’ai beaucoup de respect pour la culture catalane, et notamment l’histoire du Roussillon et de notre Département, je trouve que dans certains cas, on prend un certain nombre de libertés qui peuvent donner beaucoup d’idées à d’autres. Sauf que les autres sont beaucoup plus dangereux qu’on ne l’imagine, c’est tout ! », concluait-il en conseil municipal.
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