L’Ecole de théâtre universelle à Toulouse, la seule à dispenser des cours en langue des signes, est aujourd’hui en difficulté. Elle a effectivement perdu des financements indispensables à son bon fonctionnement.
Elle est la seule école de théâtre en langue des signes de France. Pourtant, elle risque de disparaître. En effet, l’ETU (École de théâtre universelle), créée par les artistes Martin Cros et Alexandre Bernhardt en 2018 à Toulouse, se trouve actuellement dans une impasse. Et pour cause… Jusqu’à il y a peu, le coût de formation de cette école, qui dispense des cours de théâtre 100% en langue des signes pour les artistes sourds, était pris en charge par France Travail à hauteur de 5 000 euros et par l’Agefiph à hauteur de 2 500 euros. Ce qui permettait de rendre « la formation accessible financièrement ». « Son coût s’élève à environ 7 500 euros par élève. Ce qui est très élevé », souligne Océane Bretin, chargée de mission sur l’ETU et de la production de spectacle en LSF. Or, depuis le 10 juin 2024, l’Agefiph ne finance plus « l’aide à la formation dans le cadre du parcours vers l’emploi » pour les demandeurs d’emploi en situation de handicap.
« L’Agefiph a décidé qu’elle orienterait ses financements vers la compensation des conséquences du handicap en milieu professionnel et non plus sur la formation. Ainsi, elle pourrait tout à fait financer une formation de théâtre professionnelle à une personne sourde qui la suivrait avec un interprète. Mais cela n’aurait absolument aucun sens, artistiquement parlant, parce que la langue des signes a son propre génie, son propre art. Et puis, se former au sein d’écoles avec uniquement des entendants, c’est compliqué pour une personne sourde », explique la chargée de mission qui poursuit : « En revanche, une formation directement accessible en langue des signes, comme celle de l’ETU, ne pourrait pas recevoir d’aides parce qu’il n’y a pas de compensation du handicap, selon l’Agefiph. Ce qui est un non-sens total ».
Et ce retrait de l’Agefiph a entraîné, de facto, celui de France Travail. « Conformément à la loi, il ne peut financer une formation seul », déplore Océane Bretin. Depuis, l’école est à la recherche d’un cofinanceur. « Cette situation a mis un coup d’arrêt à l’ETU », rapporte la chargée de mission. Elle s’est alors tournée en mai dernier vers le Théâtre du Grand Rond qui a participé à la création de l’école. « L’ETU a été intégrée à son pôle de formation en se disant que, le théâtre ayant plus de poids, il serait alors plus facile de mobiliser des financements », indique Océane Bretin. Mais le problème persiste encore. « Pour l’instant, c’est toujours un peu compliqué. Mais nous ne sommes pas au point mort, les choses avancent », affirme-t-elle avant d’ajouter : « Nous avons rencontré la Drac (direction régionale des affaires culturelles, NDLR) très récemment qui nous a proposé des solutions. Nous allons donc déposer des dossiers. Nous avons également une piste de mécénat ».
Faute de financement, l’école avait dû annuler la promotion 2024-2025. Elle en a fait de même cette année. « Nous avons annoncé l’annulation de la formation sous sa forme initiale. Elle ne pourra en effet pas avoir lieu de la façon dont nous l’aurions voulu », regrette Océane Bretin. Elle poursuit : « Nous allons proposer un parcours de masterclass, ce qui coûte moins cher. Elles se tiendront dans la salle du Tracteur à Cintegabelle, de mars à juin ». Normalement, pas moins de 600 heures de cours pratique et théorique sur l’art du théâtre en langue des signes sont donnés lors de cette formation. « Il y a du jeu théâtral en LSF, de la technique émotionnelle, chorégraphique et corporelle, d’improvisation, mais aussi de l’accompagnement à la professionnalisation avec de la préparation aux auditions. Nous essayons de tout couvrir. C’est vraiment une formation professionnelle intensive avec un diplôme à la clé pour devenir comédien », assure la chargée de mission.
Mais cette année, elle ne sera donc pas dispensée sous cette forme. La formation initiale, qui accepte une quinzaine d’élèves par promotion, devrait faire son retour en 2027. Une bonne nouvelle pour les artistes sourds qui la plébiscitent fortement. « Nos élèves viennent de partout. Et nous devons même en refuser », indique la chargée de mission. Il faut dire que c’est l’unique formation théâtrale professionnelle en immersion totale en langue des signes de France et même d’Europe. « Cela n’existe nulle part ailleurs », appuie-t-elle. Problème, « administrativement parlant, l’ETU ne rentre dans aucune case. Nous essayons justement de la créer pour que l’école soit reconnue », fait savoir Océane Bretin. D’autant qu’elle a su faire ses preuves. « Nous avons un fort taux d’insertion. 80% des élèves formés deviennent comédiens professionnels », informe-t-elle avant de conclure : « L’école permet un vrai retour à l’emploi ».
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