Pour parler le Toulousain, plusieurs mots sont indispensables. Pierre Escudé, professeur d’université en didactique des langues, les a recensés pour vous dans son ouvrage “Ça se dit comme ça à Toulouse”.
Parlez-vous le Toulousain ? Si vous êtes nés dans la Ville rose ou y habitez depuis plusieurs années, certains mots ou expressions comme “avé plaisir”, “é bé”, “péguer” ou “ratche” sont sans doute entrés dans votre vocabulaire, à défaut d’être présents dans le dictionnaire. Un “parler toulousain” que Pierre Escudé, professeur d’université en didactique des langues, a recensé dans l’ouvrage “Ça se dit comme ça à Toulouse”, publié aux éditions Le Robert en mars dernier. « C’est un livre qui est érudit tout en étant le plus ouvert possible pour qu’il puisse être lu et plaire à un maximum de personnes », précise Pierre Escudé. Et ce, que ce soit par les Toulousains de toujours, les nouveaux habitants ou les amoureux de la Ville rose qui pourront découvrir « le Français comme on le parle vraiment à Toulouse ».
En tout, 120 mots et expressions sont recensés dans son livre, accompagnés de leur définition, d’illustrations et d’informations ou anecdotes non dénuées d’humour. « Mais il en existe des milliers ! », souligne Pierre Escudé qui, pour faire son choix, a sélectionné « les plus symboliques » de Toulouse et de sa région. Et même de plus loin… « Toulouse, c’est la capitale occitane. Ces mots appartiennent donc à cette ville, mais aussi aux 13 départements de l’Occitanie et tous ceux des alentours qui ont un lien avec la Ville rose », note le professeur. Ainsi, dans son livre, on retrouve des mots originaires d’Ariège, de l’Aveyron, du Gers ou encore du Comminges que l’on peut entendre à Toulouse. « Le fond de cette langue toulousaine, c’est l’Occitan qui, historiquement, se parle sur 32 départements », note-t-il.
Ces mots, Pierre Escudé les a glanés dans divers ouvrages tels que “À bisto de nas” ou “Le français parlé à Toulouse”, mais aussi directement auprès des Toulousains, notamment des étudiants, des commerçants du marché de plein vent du Cristal, ou encore de son entourage, notamment ses amis et voisins. « J’ai écouté les gens, des plus jeunes aux plus âgés, pour essayer d’avoir un maximum de mots », indique-t-il. Si vous n’en connaissez pas certains, aucune inquiétude à avoir. Votre identité toulousaine ne sera effectivement pas remise en question. « Si vous n’avez jamais entendu certains des mots recensés, c’est parce qu’ils sont seulement une partie de la langue. En clair, ils viennent peut-être de couches sociales ou générationnelles qui ne sont sans doute pas les vôtres », explique le professeur.
En tout cas, Pierre Escudé a ses préférences parmi tous ces mots. « Il y en a un que j’aime beaucoup. C’est “amorri“, un mot très peu employé, car très ancien. Mais je l’ai entendu dans les six mois qui ont précédé l’écriture du livre, quand j’étais dans l’Aude », raconte le professeur. Pour ceux qui ne le savent pas, “amorri” est un juron très grossier qui vient d’Amaury de Montfort, chef de la croisade “contre les Albigeois”. D’ailleurs, un autre mot retourne aussi le nom d’un personnage issu de cette époque en insulte : “innocent“. Signifiant aujourd’hui “pauvre gars”, il fait effectivement référence au pape Innocent III qui a lancé cette croisade. « Vous vous rendez compte que 800 ans après, des personnes disent encore “amorri” et “innocent”, sans peut-être même savoir que ça vient d’Amaury de Montfort et d’Innocent III. Je trouve ça absolument extraordinaire que les mots transmettent une histoire que plus personne ne connaît », déclare Pierre Escudé.
Plus proche dans le temps, l’on peut aussi citer la poitrenade. « C’est un néologisme qui vient de Clément Poitrenaud, le fabuleux arrière du Stade Toulousain. Lors d’une finale de coupe d’Europe contre les Anglais, il n’a pas réussi à éviter un essai et le club a perdu à cause de ça”, rapporte le professeur. Autre néologisme : “dulonner” ou “cimenter fortement”. « Il vient d’un maçon du Comminges qui a fait un travail si remarquable qu’un mot s’est développé à partir de son nom », indique Pierre Escudé.
Comment ne pas parler, également, du mot “taquet” qui est utilisé, aujourd’hui, comme un adverbe pour dire “beaucoup”. « C’est un nouvel emploi puisque l’expression “être au taquer” signifie qu’on appuie sur la pédale d’accélérateur », souligne-t-il. Le professeur mentionne aussi une expression nouvelle : “pompon sur la Garonne“ qui est l’équivalent de la “cerise sur le gâteau”, mais de manière négative. « Elle est tellement nouvelle qu’elle défigure ce qui se dit normalement en Occitan, c’est-à-dire qu’on ne dit pas “je vais à la Garonne”, mais “je vais à Garonne”. On se détache donc d’une expression ancienne », fait savoir le professeur.
Pierre Escudé apprécie par ailleurs particulièrement le mot “mirgue” qui signifie souris, mais désigne aussi une jeune fille. “C’est un joli petit mot qui n’est pas du tout péjoratif”, souligne-t-il. Le professeur met également en avant le mot “cachou” qui veut dire “se prendre un coup” et, dans la même veine, le mot “castagne” qui pourrait se traduire par la bagarre. Enfin, Pierre Escudé termine évidemment avec le mot “adishatz“, soit le “salut” que l’on se dit pour se dire “au revoir” qui est la traduction de “soyez à dieu”.
Commentaires