Mettre en lumière les femmes scientifiques, c’est l’un des objectifs de la Fondation L’Oréal. En partenariat avec l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’UNESCO, elle décerne, chaque année, le Prix Jeunes Talents L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science. Parmi les 34 lauréates figure la Toulousaine Eulalie Liorzou. Portrait.
Seulement 31,1% des chercheurs dans le monde sont des femmes, d’après le rapport 2025 de l’UNESCO, intitulé “Statut et tendances des femmes en sciences: nouvelles observations et perspectives sectorielles”. Plus localement, une étude de l’Insee avait dévoilé en mars 2024 que ces dernières sont éloignées des filières scientifiques et techniques dès le lycée, en Occitanie.
Face à cette sous-représentation des femmes dans les carrières scientifiques, la Fondation l’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’UNESCO, récompense, depuis 2007, de jeunes chercheuses. Pour cette édition 2025, 34 doctorantes et post-doctorantes, sur près de 700 candidates, recevront ce mercredi 8 octobre à Paris, le Prix Jeunes Talents L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science 2025. Parmi elles, la Toulousaine Eulalie Liorzou.
La jeune femme de 24 ans, doctorante au Laboratoire Génomique Fonctionnelle Comparative de l’Institut Pasteur à Paris, va être récompensée pour son travail sur la biologie de l’utérus. Une nouvelle qu’elle a appris par message vocal en juin dernier alors qu’elle était en conférence à Edimbourg. « La transcription automatique du message vocal disait “bonjour, c’est l’Université de Montréal”. Je me suis dit mais qu’est-ce que c’est que ça ? Et en fait, c’était la Fondation L’Oréal » raconte-t-elle en rigolant.
Elle a choisi son domaine de recherche par intérêt pour la santé des femmes mais pas seulement : « Je me suis rendue compte que très peu d’équipes travaillaient sur le sujet en France ou même dans le monde. Quand je regardais les publications, c’était quand même très limité et il y en avait peu par rapport à tous les autres domaines », indique-t-elle. Face à ce manque d’études sur l’appareil reproducteur de la femme, elle se pose la question : « Comment pouvons-nous faire de la bonne médecine si nous ne connaissons pas le fonctionnement de cet organe ? »
Ainsi, son projet de recherche vise à comprendre comment fonctionne les menstruations : « Je cherche à découvrir les mécanismes génétiques, les informations codées dans l’ADN, que l’utérus utilise pour se transformer avant et pendant les règles », explique-t-elle. Pour Eulalie Liorzou, mieux comprendre la physiologie de l’utérus est très important pour donner des clés aux médecins et aux chercheurs, notamment quand celui-ci dysfonctionne, provoquant ainsi des maladies, comme par exemple l’endométriose, une maladie se caractérisant par le développement de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus.
Son intérêt pour la médecine remonte à loin. Elle ne se souvient plus exactement ce qui en est à l’origine, ni quand il s’est manifesté pour la première fois. Et pourtant, Eulalie Liorzou raconte, sourire aux lèvres, avoir retrouvé récemment dans un carnet qu’elle tenait adolescente, lorsqu’elle était encore au collège, une note prémonitoire : « J’avais fait une liste des métiers de rêve. En premier, j’ai mis “médecin chirurgien” et entre parenthèses gynécologue ou chirurgien orthopédique parce que mon grand-père l’était. En deuxième, j’avais écrit “chercheur” ». Une anecdote qu’elle n’explique pas. C’est comme si son parcours était déjà tout tracé.
Après ses études au Lycée Raymond Naves, à Toulouse, Eulalie Liorzou a fait ses deux premières années en médecine à Toulouse, avant d’intégrer l’École de l’INSERM Liliane Bettencourt, qui soutient les doubles parcours médecine-recherche. C’est à la fin de sa troisième année de médecine qu’elle poursuit ses études à l’ENS Paris, où elle s’est spécialisée en génomique et bioinformatique. Séduite par la recherche, elle a décidé de rester pour faire sa thèse à l’Institut Pasteur.
Sa vie a donc toujours pris la même direction, pourtant la Toulousaine n’a pas le souvenir d’entendre parler de médecine ou de gynécologie à la maison, entourée d’un père ingénieur et d’une mère au foyer, qui s’est arrêtée de travailler pour s’occuper d’elle et de son frère.
Aujourd’hui, le quotidien de la jeune doctorante est rythmé par la médecine. Elle travaille à plein temps sur sa thèse et se rend donc tous les jours à l’Institut Pasteur. Les matinées se passent devant son ordinateur pour des réunions avec des collaborateurs ou encore la rédaction de rapport. « Ça m’arrive d’aller à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière pour aller chercher au bloc opératoire la biopsie d’une patiente qui a accepté de nous donner un bout de son utérus pour la recherche » raconte-t-elle.
Pour sa thèse, Eulalie Liorzou ne compte pas ses heures : elle travaille de jour comme de nuit, la semaine comme le week-end. « Si je trouve quelque chose, j’ai envie de l’explorer à fond. D’autant que mon année de thèse sera sûrement la seule que je pourrai entièrement dédier à la recherche », confie-t-elle, enthousiaste.
La recherche occupe le plus clair de son temps. Même de son temps libre. Depuis ses premières années en médecine, elle écoute, avec sa meilleure amie, les épisodes du podcast “Bliss”, une émission dédiée à la maternité, dans laquelle des femmes racontent leurs expériences. « J’ai appris beaucoup de choses sur la gynécologie en l’écoutant, je trouvais qu’avoir le ressenti des personnes était hyper complémentaire avec mes études. Je me suis rendue compte que, en réalité, nous ne comprenons rien du tout », s’exclame-t-elle en rigolant. Elle maintient cette habitude en écoutant les épisodes lors de ses trajets ; son compte Youtube affiche des recommandations de vidéos d’accouchements se déroulant dans les steppes de Sibérie.
La jeune femme se décrit comme une chercheuse passionnée et ça se ressent quand elle parle de son travail : « L’utérus est un organe fascinant. Il se régénère tous les mois pendant 25-30 ans, sans laisser de cicatrice. Il n’y a rien dans le corps humain qui se régénère comme ça ! C’est aussi un organe qui, s’il y a une grossesse, est capable d’atteindre jusqu’à 50 fois sa taille initiale. Moi, je trouve ça génial ! ».
Les seuls moments où Eulalie Liorzou s’autorise une pause, c’est quand elle rentre chez ses parents à Toulouse, ou bien chez ses grand-parents en Aveyron, son « petit havre de paix ». Elle profite de ses vacances pour faire les marchés, faire du sport en extérieur, notamment de la randonnée, ou bien de la danse classique, qu’elle pratique depuis plus de 15 ans, et de la danse contemporaine, qu’elle a découvert récemment.
« Préoccupée par le le besoin d’être utile », la doctorante traverse parfois des phases de doute, mais elle peut compter sur son entourage pour partager son ressenti. « Je discute avec une chercheuse post-doctorante dans mon équipe, avec qui je m’entends super bien, ou bien avec des amis de l’école de l’Inserm », confie-t-elle. Avant d’ajouter, émue : « C’est vraiment une source de motivation. Nous avons tous les mêmes préoccupations donc nous pouvons tous nous soutenir. Le principal, c’est de ne pas être isolé ».
Grâce au Prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science, Eulalie Liorzou va recevoir une dotation de 15 000 euros pour soutenir ses travaux. La lauréate va également bénéficier de formations en communication et en leadership. « Je vais pouvoir continuer à faire des conférences et des collaborations à l’international. C’est un soutien énorme qui va me permettre de poursuivre la recherche, une fois que je serai de retour en médecine », explique-t-elle. En effet, la Toulousaine reprendra ses études en septembre prochain à la faculté de médecine de Toulouse pour devenir gynécologue-obstétricienne.
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