Symbole d’une époque qui misait sur la vitesse et la démesure, le Concorde a bouleversé l’histoire de l’aviation. Fruit d’une alliance franco-britannique, réservé à une poignée de passagers fortunés, il fascine autant qu’il interroge. Aujourd’hui classé Monument historique, le tout premier prototype est exposé au musée Aéroscopia de Blagnac.
Il a traversé le ciel à deux fois la vitesse du son, transporté les hommes les plus puissants de la planète, fait rêver des millions de curieux restés au sol. Aujourd’hui, le Concorde rejoint officiellement le patrimoine, classé au titre des Monuments historiques. À Blagnac, où le premier prototype est exposé, il devient un objet d’histoire nationale. Une façon de reconnaître ce que cet avion a représenté : l’ambition de battre des records de vitesse, à n’importe quel prix.
« On peut dire que le Concorde est un épiphénomène dans l’histoire de l’aviation », sourit Angèle Ménétrier, responsable des collections au musée Aéroscopia, face à la silhouette élancée de l’avion. « Il a nécessité des moyens financiers très importants, a répondu à des logiques d’État et était destiné à des publics élitistes. Seuls les très riches hommes d’affaires pouvaient monter à bord », rappelle-t-elle. En effet, aux débuts de ses vols commerciaux, en 1976, le billet pour traverser l’Atlantique, de Paris à New York, coûtait environ 9 000 euros.
Sorti des usines toulousaines de Sud Aviation (nouvellement Airbus), le Concorde a effectué ses premiers vols d’essai en 1969. L’avion s’inscrit dans un contexte de conquête technologique. En effet, la même année, l’Homme marche sur la Lune. La vitesse fascine. Le ciel n’est plus une limite, mais un terrain d’expérimentation. « Le Concorde est né d’une volonté de faire, d’un rêve. C’était une époque où l’on croyait que tout était possible », précise Angèle Ménétrier. Pour le grand public, ce drôle d’oiseau blanc qui fendait le mur du son à plus de 2 000 km/h résultait presque de la science-fiction.
Et pourtant, très vite, la réalité a rattrapé la fiction. Trop cher à fabriquer, trop bruyant, trop polluant. Seules deux compagnies au monde, Air France et British Airways, ont fait voler l’appareil. Et à peine 20 exemplaires ont vu le jour. Le rêve supersonique s’est peu à peu effondré sur lui-même.
À Toulouse, le lien avec le Concorde est ancien. C’est ici qu’il a été assemblé, testé, et admiré pour la première fois. « Une image me fait toujours sourire : les morceaux du Concorde qui traversaient la ville, en pièces détachées, pendant la construction. C’était assez surréaliste de les voir rouler au milieu des rues de la Ville rose », raconte Angèle Ménétrier.
Le Concorde, aujourd’hui exposé au musée Aéroscopia de Blagnac, est un témoin silencieux de cette aventure. Non plus une machine volante, mais une capsule que l’on peut désormais visiter. Le public peut y entrer, observer les cockpits, s’imaginer à 18 000 mètres d’altitude, un verre de champagne à la main, comme il était d’usage pour les voyageurs aisés qui empruntaient l’appareil.
Pourquoi l’avoir classé aujourd’hui seulement ? « À l’époque, on n’avait pas vraiment conscience qu’il fallait préserver ce genre de machine. Le Concorde n’intéressait qu’un monde de passionnés, un monde fermé. Il était temps que l’État le reconnaisse comme patrimoine collectif », explique Angèle Ménétrier.
Car au-delà de sa performance, c’est l’héritage matériel, technique et culturel du Concorde qui compte, selon la responsable des collections au musée Aéroscopia. « Par exemple, le revêtement de sa structure a servi à mettre au point… les poêles Tefal ! Celles qui ne brûlent pas, même sur feu fort. Il s’agit d’une anecdote, mais elle montre l’impact inattendu du Concorde sur notre quotidien. »
Le destin du Concorde n’a jamais vraiment décollé. Trop coûteux à produire, trop cher à l’usage, il ne répondait pas à l’air du temps. Le monde rêvait de voyages à grande échelle, accessibles, low cost. Le Concorde, lui, était un rêve d’ingénieurs passionnés d’aéronautique.
Meïssa Hadjeb
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