Dans le Haut Vallespir, au cœur des montagnes catalanes, le mois de février a une saveur bien particulière. À Arles-sur-Tech, Prats-de-Mollo-La-Preste et Saint-Laurent-de-Cerdans, on ne célèbre pas simplement l’hiver… on le chasse. Et pour cela, l’ours des Pyrénées est mis au centre de toutes les attentions.
Tout commence avec une légende transmise de génération en génération : celle d’un ours féroce qui, un jour, est descendu des montagnes à la recherche d’une compagne et a enlevé une jeune fille du village. La population s’est mobilisée, a traqué la bête, et a fini par la capturer. Sur la place publique, on l’a rasé à coups de hache, un geste symbolique qui marque sa transformation en homme. L’histoire dit alors que la nature sauvage a été domptée, l’animal ayant ainsi été réintégré dans la société. Ainsi est né la fête de l’ours.
La fête de l’ours, ou festa de l’ós, puise dans ce récit toute sa dimension symbolique. Elle célèbre la victoire de la civilisation sur l’instinct, du printemps sur l’hiver, de l’homme sur la bête. Mais au-delà de cette lecture anthropologique, l’événement est surtout un moment de liesse populaire, où se mêlent traditions, danses et rituels immémoriaux.
Dans les rues des trois villages, de jeunes hommes grimés en ours, recouverts de suie ou de peaux sombres, courent après les habitants et les visiteurs. Ils grognent, sautent, poursuivent, tandis que le public les esquive dans un joyeux chaos. Autour d’eux, les villageois, “les chasseurs”, finissent par les capturer et simulent le fameux rasage.
Musique catalane, sardanes et costumes… Si le scénario reste le même, chaque village donne sa propre couleur à la fête. À Prats-de-Mollo, l’accent est mis sur le passage symbolique de l’homme sauvage à l’homme civilisé. À Saint-Laurent-de-Cerdans, la fête mêle rite ancestral et ambiance carnavalesque. À Arles-sur-Tech, les différents personnages défilent de place en place pour jouer des saynètes, tandis que le public défie l’agilité de l’ours pour lui donner du fil à retordre.
C’est un spectacle total, où les frontières entre acteurs et spectateurs s’effacent, et où toute la population locale est mobilisée. Ici, tout le monde joue un rôle : on chante, on danse, on crie, on rit. Et on réaffirme, le temps d’un week-end, l’importance de la culture catalane.
Depuis 2022, les fêtes de l’Ours sont inscrites au Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Une reconnaissance qui souligne la richesse de ce rite carnavalesque ancestral, mais aussi son lien fort avec l’environnement, les saisons et la mémoire collective.
Emma Guillaume
Institut Supérieur de Journalisme de Toulouse
Cet article a été écrit par des élèves de l'Institut Supérieur de Journalisme de Toulouse dans le cadre d'un partenariat avec le Journal Toulousain.
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