Atmo Occitanie, qui surveille la pollution atmosphérique, a constaté, à Toulouse, la présence d’une trentaine de pesticides différents dans l’air. La campagne dont l’association présente les résultats, ce jeudi 5 novembre, met à jour la méconnaissance de l’impact sanitaire de ces molécules tueuses.
Les techniciens d’Atmo Occitanie ont détecté 61 pesticides dans l’air région. Parmi eux, 26 fongicides (utilisés contre les maladies provoquées par les champignons), 20 herbicides (pour ralentir la croissance des mauvaises herbes), 14 insecticides (pour éliminer ou empêcher la reproduction des insectes) et 1 nématicide (contre les vers). L’association, agréée depuis plus de trente ans pour surveiller la qualité de l’air, a mené cette campagne de prélèvements en 2018 et 2019, sur 8 sites répartis en Occitanie, des territoires agricoles, arboricoles, viticoles ou urbains.
Dans l’air que respirent les Toulousains, les valeurs sont comparables à celles observées au niveau national. Sur la période 2018-2019, la concentration moyenne de pesticides y a dépassé les 100 nanogrammes par mètre cube, pour une trentaine de molécules différentes comptabilisées : « Cela efface l’idée reçue selon laquelle c’est toujours en milieu rural que l’on en trouverait le plus. D’abord, beaucoup d’usages non agricoles en milieu urbain peuvent être source de pesticides. Et surtout, nous observons que leur présence ne dépend pas uniquement de l’activité locale, mais aussi des masses d’air qui les ont accumulés, au fur et à mesure, en se déplaçant sur l’ensemble du territoire », avance Dominique Tilak, la directrice générale d’Atmo Occitanie.
L’organisme a notamment constaté dans la Ville rose la présence de fongicides au printemps et en été, et de prosulfocarbe, un herbicide, en automne. « Nous faisons l’hypothèse qu’il s’agit de l’influence de traitements agricoles appliqués en zone rurale, en périphérie de l’agglomération ». En tête des molécules les plus fréquemment retrouvées, celle du Lindane, un insecticide pourtant interdit à la vente depuis 1998… « Il n’y a pas de stocks de ce produit qui seraient encore utilisés frauduleusement. C’est sa forte rémanence qui explique qu’on le retrouve encore dans tous nos prélèvements, à l’échelle nationale, toujours en quantité extrêmement faible. Il est libéré lors du travail du sol ou d’évènements climatiques. »
L’étude relève que 18 des 27 molécules détectées sur le territoire toulousain sont des perturbateurs endocriniens probables. Et il est très difficile de mesurer les autres impacts sanitaires de la pollution atmosphérique par les pesticides. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, en la matière, il n’y a ni réglementation, ni indicateur, ni valeur limite, à l’échelle nationale ou européenne, comme il en existe pour de nombreux autres polluants. La campagne exploratoire actuelle, menée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a notamment pour objectif de palier ce manque.
Il est question également de pérenniser le dispositif de surveillance et la couverture du territoire régional : « Mis à part dans le Lauragais ou le Lot, nous n’avons que des évaluations ponctuelles, sans suivi. Or, nous avons besoin de données pluriannuelles pour appréhender les risques d’exposition sur le long terme », plaide Dominique Tilak. Quant à la mise en place d’une alerte en cas de pic de concentration, comme c’est le cas par exemple pour les particules fines, « on n’en est pas encore là », indique la directrice générale d’Atmo Occitanie. « Les méthodes d’analyse ne le permettent pas à l’heure actuelle. Si l’azote ou l’ozone peuvent être mesurés en direct, il n’en va pas de même pour les pesticides qui sont des molécules plus complexes, qu’il faut casser, filtrer, puis envoyer en laboratoire. Il faut compter 6 à 7 semaines de délai entre le prélèvement et le résultat ».
Commentaires