Trois jours par semaine, des bénévoles de la Croix-Rouge tiennent une épicerie sociale sur le campus de l’université Jean-Jaurès. Réservée aux étudiants aux ressources les plus faibles, cette épicerie leur propose dix articles hebdomadaires pour un euro seulement.
Il est 15h00 et les abords de l’université Jean-Jaurès sont plutôt calmes. La dalle s’est vidée de la horde de jeunes gens qui vient s’y sustenter le midi et les allées du patio ont retrouvé leur atmosphère studieuse. Dans une salle du vieux bâtiment Épicure, Rajaa, une bénévole en service civique, réapprovisionne les étagères de l’épicerie sociale de la Croix-Rouge. Implanté sur le campus de l’université, ce projet initié en 2009 par Anita Debrock, vice-présidente de la délégation départementale de l’association, permet aux étudiants en difficulté économique de se ravitailler en aliments de base, pour un euro symbolique. « Ils doivent d’abord prendre rendez-vous avec l’assistante sociale. Celle-ci évalue leurs ressources financières et leur délivre une attestation. Ils peuvent alors venir, une fois par semaine, choisir dix articles différents. Quand j’ai commencé mon service civique, j’ai été surprise par le nombre de ceux qui sont touchés par la précarité, notamment chez les jeunes mamans », témoigne la bénévole.
Dans les rayons, des boites de céréales côtoient des conserves de petits pois, du lait, du riz, des pâtes ou des sacs de farine. Tout ce qu’il faut pour se préparer trois repas par jour. On trouve même des pots pour bébés, un luxe inabordable pour des mères isolées qui jonglent avec leurs études, leur enfant et, éventuellement, un job à temps partiel. « Toutes les denrées sont données par l’enseigne Carrefour et fournies par Logidis, sa plateforme logistique. Ce sont des marchandises déclassées à cause de défauts d’emballage ou de présentation, mais parfaitement consommables et, très souvent, de bonne qualité. On trouve d’ailleurs plus de marques que d’articles premiers prix », explique Mustapha, un ancien militant et travailleur social du quartier engagé depuis huit ans comme bénévole à la Croix-Rouge, qui gère l’épicerie.
« On peut avoir jusqu’à 90 personnes par semaine »
Deux fois par semaine, un chauffeur de l’association se rend aux entrepôts pour prendre possession des dons. En général, il reçoit une palette pleine de produits, l’équivalent d’une dizaine de caddies. « On ne choisit pas leur contenu et il y a des jours où l’on ne voit rien arriver. Il se peut également qu’on réceptionne des dons déséquilibrés. Par exemple, récemment, 1000 packs de lait nous sont arrivés en une seule fois… alors qu’aujourd’hui, on a eu pratiquement que de l’eau. S’il y a pénurie, on réduit la quantité ou on ferme, mais c’est exceptionnel. »
Après une heure, les premiers bénéficiaires entrent. « Aujourd’hui, c’est assez calme. C’est la rentrée et nous sommes en période d’inscription. Les nouveaux ne connaissent pas encore le dispositif et, au fil de l’année, l’affluence va augmenter. Entre octobre et juin, on peut avoir jusqu’à 90 personnes par semaine », fait remarquer Rajaa. Derrière leur bureau, les deux bénévoles prennent le temps de discuter avec chacun des arrivants. Ils demandent des nouvelles, plaisantent et mettent à l’aise avec bienveillance les nouveaux. « Je suis humain. S’ils n’ont pas l’attestation, je les laisse exceptionnellement bénéficier quand même de l’épicerie et je les oriente vers le service social de l’université pour qu’ils se mettent en règle », reconnaît Moustapha.
« Ici, on est bien accueilli et l’on trouve l’essentiel »
« C’est l’assistante sociale qui m’a conseillé de venir car j’ai des problèmes financiers », témoigne Fadid, un jeune Algérien en troisième année d’anglais. « Je fais cinq à six heures de ménage par semaine, mais ce n’est pas suffisant pour payer le loyer et les transports en commun. Je ne me sens pas gêné de venir, et, de toute manière, j’y suis obligé, je n’ai pas le choix. Ici, on est bien accueillis et l’on trouve l’essentiel. J’ai même trouvé des fournitures scolaires gratuites ! »
Comme la jeune fille qui vient de passer avant lui, le jeune homme complète ses provisions aux Restos du Cœur pour y trouver les produits frais, absents des rayons de l’épicerie sociale. Tous deux confessent se priver régulièrement, voire sauter des repas. « J’arrive d’Afrique et mon statut ne me permet pas de travailler. Je n’ai pas des exigences monstres et je fais attention, j’achète le minimum. Je ne mange pratiquement jamais de viande, alors j’ai pris des maquereaux en conserve », témoigne cette étudiante en master de psychologie qui a préféré rester anonyme. Fadid, lui, se réjouit : « Aujourd’hui, j’ai pu obtenir de quoi me faire un petit plaisir, des biscuits et des chips. »
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