La chambre régionale des compte s’est penchée sur le sort de 26 villes moyennes d’Occitanie. Son rapport, publié hier, détaille les nombreux maux dont ces communes souffrent dans l’ombre des grandes métropoles.
L’écart ne cesse de se creuser entre les villes moyennes d’Occitanie et les métropoles ©Lionel AllorgeDes métropoles en plein essor et des villes moyennes qui se meurent, le constat n’est pas nouveau en Occitanie mais voilà un rapport qui vient documenter de manière précise les maux dont souffrent ces « maillons essentiels de l’organisation territorial ». En 2018 et en 2019, la cour des comptes et la chambre régionale des comptes ont examiné à la loupe 26 communes de 10 000 à 100 000 habitants, comme Montauban, Albi, Gaillac, Castres, Auch, Foix ou Pamiers, ainsi que leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Un échantillon qui représente au total 1,8 millions d’habitants au total, soit 31% de la population régionale et 18% de l’emploi. Bien que réalisé avant l’arrivée de l’épidémie de coronavirus, cet état des lieux s’avère « d’autant plus utile que l’ampleur de l’impact de la crise sur les collectivités dépendra de leur situation antérieure », écrivent les rapporteurs de la chambre régional des comptes.
Premier constat ; dans une région qui connaît une croissance démographique deux fois supérieure à la moyenne nationale, cet afflux se fait de manière très inégale, engendrant un étalement urbain qui pénalise les villes-centres des intercommunalités. Ainsi entre 1968 et 2016, tandis que les 26 villes du panel gagnaient environ 68 000 habitants, leurs EPCI en ont accueilli plus de 400 000 supplémentaires. « L’aspiration majoritaire à un habitat de type pavillonnaire et la paupérisation de certaines villes, associée à une fiscalité plus élevée, poussent en effet les ménages moins modestes à quitter les ville-centres », explique le rapport. Un important phénomène de périurbanisation qui s’accompagne de nombreuses difficultés : déplacements quotidiens générateurs de pollution, dépérissement des centres-villes, artificialisation des sols et de la consommation foncière….
Sur le plan économique, les villes moyennes ne bénéficient que très peu du dynamisme occitan. Sur les 25 dernières années, la croissance du nombre d’emploi est deux fois moins importante dans les 26 communes que sur l’ensemble de la région (+17% contre +30%). Et depuis la crise de 2008, qui a plus durement touché ces territoires spécialisés dans la sous-traitance à moindre valeur ajoutée, l’emploi y a reculé de 0,6% en moyenne entre 2010 et 2015 pendant qu’il augmentait de 4,8% dans les quatre grands pôles de la région que sont Toulouse, Montpellier, Perpignan et Nîmes. Ne disposant pas de suffisamment de leviers pour attirer les cadres des fonctions supérieures métropolitaines, ces villes moyennes pâtissent, en outre, d’ « un accès insuffisant au numérique avec des débits internet et des taux de raccordement à la fibre optique inégaux et nettement inférieurs à ceux des métropoles », écrit la cour des comptes.
Celle-ci s’est également intéressée à la situation financière des villes moyenne d’Occitanie. « Si les performances financières annuelles des collectivités du panel se sont plutôt améliorées, leurs bilans montrent toujours des signes de fragilité », écrit-elle. Outre un poids de l’amortissement de la dette plus élevé que la moyenne nationale, elles sont aussi plus endettées que l’ensemble des villes françaises : « leur encours brut par habitant en 2018 est supérieur d’un tiers à la moyenne », explique le rapport, qui craint également que la relance des dépenses d’équipement, constatée à partir de 2017, ne dégrade la situation financière de plusieurs d’entre elles. Enfin, l’institution regrette que « les pactes financiers et fiscaux, censés réduire les disparités de ressources et de charges au sein des EPCI, ne prévoient pas d’harmonisation des politiques fiscales entre les villes-centres et les autres communes membres ».
Parmi les autres facteurs de souffrance des villes moyenne, la chambre régionale des comptes dresse un bilan très critique de la loi NOTRe de 2015, qui a rendu obligatoire le rattachement de toute commune a un ensemble intercommunal. Adéquation insuffisante avec les bassins de vie, affaiblissement administratif de la ville moyenne (poids de leur représentation diminué au sein des conseils communautaires), augmentation du nombre d’EPCI « ruralo-urbains » aux problématiques hétérogènes…La mesure a eu pour conséquence « de réduire la place des villes moyennes et d’accentuer les difficultés pour construire un projet intercommunal », estime le rapport.
Enfin, si les aides publiques de l’État envers les villes moyennes ne manquent pas, à l’image de l’action « Coeur de ville », le rapport déplore une mauvaise articulation avec la politique territoriale de la région. « Toutes les conventions concernant les communes de l’échantillon ont bénéficié d’un temps de préparation réduit, qui n’a pas permis de concevoir de véritables projets locaux de développement. Elles restent à ce stade le plus souvent limitées à un état des lieux et à des engagements de principe », écrit la cour des comptes. Selon elle, les villes moyennes n’ont pas besoin de diagnostics supplémentaires mais d’accompagnement pour conduire leurs projets, « car elles manquent souvent de ressources humaines nécessaires ».
Parmi ses recommandations formulées en fin de rapport, l’institution suggère notamment la mise en place de stratégies globales associant l’État et les autres collectivités. Elle préconise notamment de renforcer le rôle des départements pour favoriser la coopération entre les villes moyennes et les zones rurales qui les entourent. Et invite les métropoles de Toulouse et de Montpellier à développer des coopérations au-delà de leur territoire.
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