Notons que le phénomène n’est pas neuf, et que ces assemblées générales ressemblent à bien des égards à d’autres qui les ont précédés.
Mai 68, bien sûr, on y a déjà pensé. Mais aussi, plus récemment, bien des mouvements citoyens, dont celui des Motivés à Toulouse. Tous sont des expériences irremplaçables de confrontation des discours, d’organisation des débats et d’apprentissage de la diversité infinie des opinions et des visions du monde.
Mais est-ce un “laboratoire politique”, ou, autrement dit, est-ce de ces assemblées que naît une nouvelle délibération, une décision collective qui dessinerait les contours d’une nouvelle société ?
En réalité, le nouveau monde ne naît pas de simples discussions.
Il n’est pas un concept intellectuel, une invention. Et le nouveau monde ne sera pas une formule mathématique issue du travail des commissions de réflexion, il ne sera pas non plus la somme de toutes les volontés exprimées dans ces défilés d’expression. La société de demain se prépare dans les pratiques des acteurs sociaux, entrepreneurs, salariés, travailleurs, employés, consommateurs. Le nouveau monde se fait devant nous, sous nos pas, nous en sommes les acteurs ou les victimes ou les spectateurs, mais pour nous tous, il est difficile de le voir. Car, comme disait Tocqueville, « en politique, ce qu’il y a de plus difficile à apprécier et à comprendre c’est ce qui se passe sous nos yeux ».
Ce sont ces situations concrètes et diverses qu’il faut interroger, analyser nos pratiques au travail, la création d’entreprises, de coopératives, les effets de la mondialisation sur nos modes de vie, regarder nos voisins, et nos idées doivent être le fruit de ces mouvements du monde.
« En réalité, le nouveau monde ne naît pas de simples discussions »
Ce qui est difficile c’est d’interroger le monde contemporain. Car il bouge, il change. Nous avons été éduqués et formés par les conquêtes et les victoires de nos prédécesseurs, et alors que nous voulons ressembler aux héros d’hier, les combats d’aujourd’hui ne mettent plus en jeu les mêmes acteurs et les mêmes intérêts. Les anciens ennemis n’existent plus que dans nos combats mythiques, et nous ne voyons pas que déjà se lèvent de nouveaux défis qui n’ont pas le même nom ni le même visage que les anciens.
Il ne s’agit donc pas d’écrire l’avenir comme s’il dépendait de la volonté d’un groupe, il ne s’agit pas de prétendre à la pureté des intentions pour bâtir un monde meilleur.
Les idées ne sont pas faites pour créer des sociétés ex nihilo, issues de notre conception supposée de la justice ou de l’égalité. Elles sont d’abord faites pour théoriser le monde, comprendre ce qui s’y passe, ce qui est à l’œuvre, les forces et intérêts qui se confrontent, et les nouvelles règles du jeu qui s’annoncent poussant petit à petit les précédentes. Discuter, c’est faire preuve d’une certaine humilité, pour se mettre au diapason du monde tel qu’il bouge, tel qu’il est, tel qu’il est en train de naître. Et de notre capacité à comprendre le monde en gestation découle notre capacité à le penser, à l’accompagner et à en maîtriser les évolutions.
Et ça, ça vaut le coup d’y passer la nuit.
Stella Bisseuil
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