L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, des obligations et de la preuve modifie en profondeur notre système juridique. Ses dispositions s’appliqueront aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.
Cependant, plus qu’une révolution (c’en est une pour les professionnels du droit qui voient leurs repères dans la numérotation séculaire des articles du Code civil voler en éclat : pour ne parler que des plus illustres, exit l’article 1382 siège de la responsabilité extra contractuelle, il devient article 1240, exit aussi l’article 1134 sur la force obligatoire contrat , il devient 1103…) la réforme consacre sur le fond une évolution de notre droit.
Les objectifs déclarés de la réforme sont d’une part la sécurité juridique : il faut entendre ici la lisibilité et la facilité d’accès au droit grâce à l’emploi d’une langue plus simple (plus que la prévisibilité du régime juridique), d’autre part l’attractivité du droit français : un nouvel arsenal de sanctions est offert au créancier et l’exécution forcée des promesses de contrat est enfin reconnue.
On citera de manière non exhaustive quelques une des mesures les plus marquantes de la réforme :
Au stade de la formation du contrat, on relèvera que trois interpellations interrogatoires sont instituées. Il s’agit pour un futur contractant d’écarter l’insécurité à la veille de la conclusion d’un contrat. Par ces interpellations, l’une des parties demande d’être renseignée soit sur l’existence d’un pacte de préférence qui aurait pour effet de la priver de son droit d’acquérir, soit sur l’étendue des pouvoirs du représentant chargé de signer l’acte qui pourrait être une cause de nullité du contrat, soit plus largement, sur une menace d’action en nullité. Les contractants sont incités à anticiper les difficultés pour une meilleure sécurité juridique.
La réforme consacre le pouvoir du juge de dire qu’est réputée non écrite la clause qui vide de sa substance l’obligation essentielle d’une des parties dans un contrat d’adhésion, c’est-à-dire un contrat dont les conditions générales ne sont pas négociées, mais déterminées à l’avance par l’une des parties. Reste à préciser les cas dans lesquels les conditions générales ont exclu toute négociation de ceux dans lesquelles malgré l’existence de conditions générales, une négociation a pu avoir lieu, qu’elle soit réelle ou simulée… C’est l’équilibre contractuel qui est ici recherché.
Dans le cadre de l’exécution du contrat, l’imprévision, que le Code civil définit désormais comme un changement de circonstances imprévisible rendant l’exécution du contrat « excessivement onéreuse », n’avait jamais été reconnue par la jurisprudence comme un motif de révision du contrat, qui pouvait de ce fait devenir très déséquilibré.
La réforme ouvre désormais la possibilité d’une renégociation du contrat en cas d’imprévision, et en cas d’échec de celle-ci, la possibilité de mettre fin au contrat ou de saisir le juge pour qu’il révise lui-même le contrat ou y mette fin. La notion d’équilibre entre les parties contractantes est là aussi au centre des préoccupations du législateur.
Autres nouveautés, le créancier se voit offrir plusieurs moyens de réagir unilatéralement à l’inexécution ou à la mauvaise exécution du contrat par son cocontractant :
Une exécution imparfaite permet au créancier déçu de décider unilatéralement d’une réduction du prix. Il appartiendra alors au juge saisi par le débiteur de quantifier le déficit de qualité pour déterminer le caractère proportionné de la réduction du prix.
L’exception d’inexécution, qui permet à un créancier de ne pas exécuter son obligation si l’autre partie n’a pas exécuté la sienne, peut désormais être invoquée de manière anticipée, dès lors « qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas », c’est la consécration du droit de se faire justice soi-même.
Enfin, le créancier pourra remplacer le débiteur défaillant aux frais de ce dernier sans même en demander l’autorisation au juge.
Comme on le voit, les subtilités techniques de rédaction de la loi nouvelle auront des répercussions pratiques considérables et ouvrent aux praticiens du droit de nouvelles marges de manœuvre à utiliser au profit de leurs clients.
Agnès SOULEAU TRAVERS
Docteur en droit
Avocat
21 rue des Frères Lion 31000 Toulouse
Tél : 05 61 100 118
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