Causeries. Cette semaine c’est un cocktail détonnant que nous avions à la table de monsieur Georges. D’horizons très différents, ils auraient probablement eu du mal à se croiser dans la vie quotidienne. Pourtant les présentations faites, l’ambiance était déjà chaleureuse. Au menu : Les indignés aux portes de l’Espagne, Daesh et l’arme nucléaire, la salle de shoot parisienne et le festival de Cannes.
Par Aurélie Renne et Thomas Simonian
A l’annonce du premier sujet, la couleur était annoncée par le gaspacho -de circonstance- que nous avions sous le nez… et c’est Henri Arevalo qui croqua le premier dans le débat : « je suis électeur à Madrid, mais je n’utilise pas ce droit, ce serait injuste de voter ici et là-bas ». L’homme politique à la double nationalité explique qu’il est d’autant plus touché par les élections espagnoles régionales et municipales de dimanche 24 mai qui ont vu le bipartisme qui organise la vie politique depuis quarante ans se voir ébranlé par la percée de forces politiques nouvelles, Ciudadanos et Podemos : « En tant qu’enfant de la république espagnole, ce qui se passe est assez original, on va vers un nouvel espoir ». Et s’il souhaite à ces nouveaux groupes politiques « la réussite » il pense néanmoins « que les ennuis commencent pour eux ! » Nos invités évoquent spontanément les alliances à venir, les concessions qui devront être faites « indirectement ces jeunes politiques sont quand même encadrés par de vieux militants, il faut voir si dans la pratique la volonté démocratique persiste.. » Après la gauche radicale en Grèce, Podemos semble faire son bout de chemin en Espagne, un tel séisme politique peut-il arriver en France ? « Pourquoi ça ne mord pas avec Mélenchon ? » ironise Serge qui ne s’était pas encore jeté à la mêlée politique. Ce qui le trouble particulièrement c’est cet « effet balancier : la politique fonctionne par à-coups, Syriza c’était la même chose, mais comment mettre en place une mécanique institutionnelle pour une alternance crédible ? Est-ce que cela peut vraiment être une bonne alternative ? Ne va-t-on pas vers de grandes désillusions ? » La situation espagnole est avant tout « la conséquence de la crise économique qui a touché l’Espagne, chaque crise européenne fait émerger ce genre de changement… » ajoute Pierre. Puis, finalement c’est le mode de scrutin espagnol et français qui seront mis en duel, pointant que dans l’hexagone il « plombe les écolo » avoue Henri. Pour Pierre une chose est sûre, la mémoire de Franco ne laissera pas l’extrême droite s’imposer en Espagne…
Les entrées avalées, ce sont les onglets de bœuf et risotto aux asperges qui nous mènent vers le second sujet du jour, certes moins réjouissant que le contenu de nos assiettes : L’Etat islamique annonce pouvoir acheter rapidement l’arme nucléaire, info ou intox ? « Daesh donne l’info qu’il veut bien donner, ils ont appris à communiquer, ils sont dans la propagande… Personnellement l’arme nucléaire par l’Etat islamique, je n’y crois pas. » Ils sont unanimes, Daesh terrifie par ses vidéos postées à tout va sur internet, pourtant aucune figure de proue, d’ailleurs « qui est vraiment Daesh ?» soulève Serge. L’influence sur la jeunesse perdue est pourtant avérée, Toulouse est bien placée pour le savoir, « il reste étonnant qu’aucune figure intellectuelle ne puisse avoir une influence dans ce monde arabe » déplore Serge
-Pierre : Pourquoi on ne bouge pas ? La communauté internationale ne fait rien, l’ONU est littéralement absente, il faut de manière urgente une autorité planétaire qui intervient dans ce genre de cas. »
Car, certes, la fortune de Daesh n’est plus vraiment à prouver. Il faut dire que l’organisation terroriste est à la tête de nombreux puits de pétrole et que cet or noir, bien qu’il transite souvent par la Syrie et la Turquie, est finalement acheté par plusieurs pays européens. Ne dit-on pas que l’argent est le nerf de la guerre ?
“Pour une fois qu’on propose autre chose que la sanction”
Sans transition, le sujet dévie sur les salles de shoot. Début avril, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le principe des «salles de shoot», pendant six ans maximum. Le texte devrait être examiné à l’automne au Sénat. En attendant les choses s’organisent dans les trois « villes-test » : Bordeaux, Strasbourg et Paris. Dans la capitale la salle de shoot devrait être accolée à l’hôpital Lariboisière. Une décision qui fait rugir Pierre : « comment un gouvernement a-t-il pu penser qu’on pourrait mettre ça en place ? Sur des quartiers immobiliers à fort potentiel, cela a vraiment été étudié ? Je pense aux associations de parents de drogués, tout ce travail réduit à néant… »
Serge : Mais pourquoi ? Je suis à fond pour les salles de shoot ! Pour une fois qu’on propose autre chose que la sanction pour régler un problème. C’est une expérimentation qui peut aider à baisser le taux de contamination au sida ou à l’hépatite B des toxicomanes. C’est une expérimentation de santé publique. On a vu les même réactions avec l’avènement du préservatif certains ont cru qu’on allait faire l’amour partout ! Personne n’a envie de se droguer comme ça, comme si c’était un chemin de vie ! L’Etat ne deviendra pas dealer. »
Henri : Il suffit de faire le parallèle avec d’autres situations, si des alpinistes se retrouvent en situation de détresse, on leur porte assistance sans se demander si on cautionne une pratique dangereuse ? La question c’est pourquoi a-t-on mis autant de temps pour mettre ça en place ?
Pierre : Je ne voudrais pas être à la place du maire du 10ème arrondissement…
Serge : Mais ce n’est pas une patate chaude qu’on se renvoie attention ! Le 10ème ne deviendra pas la future plaque tournante de la drogue, c’est insensé !
Le problème est même ailleurs d’après nos invités, à savoir sous les tentes quechua qui fleurissent sur les rives du canal saint martin. Finalement ce sont les mi-cuits au chocolat et crèmes brûlées doucement parachutés sur la table qui calmeront les esprits. Nous clôturons ce débat avec un sujet d’apparence plus léger : un festival de Cannes très cocorico cette année avec trois belles récompenses françaises pour Jacques Audiard (palme d’or), Vincent Lindon et Emmanuelle Bercot (prix d’interprétations). Là, Serge demande à faire un peu de « mauvais esprit : j’ai eu l’impression qu’il s’agissait des Césars ! Le cocorico m’a ennuyé, ça faisait presque hommage, il y avait un côté enfermement ! » Si le palmarès n’est pas si franco-français chaque année, c’est vrai que le cru 2015 a attisé les convoitises. Pourtant est-il vraiment le symbole d’un cocorico triomphant ? « Ce ne sont que des films de crise ! » lance Pierre. L’un sur la difficulté des banlieues parisienne, l’autre sur les tribulations d’un chômeur… On met le doigt sur le paradoxe de ce genre d’évènement : « Tout cet étalage de richesse et de célébrité diffusé dans tous les recoins du monde pendant que des milliers de gens crèvent… »
Pierre : Quoi, vous n’aimez pas les robes qui se soulèvent lascivement sur le tapis rouge ?
Il en fallait bien un pour évoquer les péripéties vestimentaires des stars cannoises… Clap de fin.
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