Constats. Entre deux cuillerées, nos deux invités du jour, Daniel Walzer-Lang et Jean-Jacques Bolzan, ont décortiqué l’actualité nationale. En amuse-bouche, les élections départementales, suivies de l’entrée avec le crash aérien de la Germanwings, pour enchaîner avec le changement d’heure remis en cause en plat de résistance et un projet de loi anti prostitution en guise de dessert.
Par Coralie Bombail et Séverine Sarrat
Suite à un désistement de dernière minute, nous ne recevons que deux invités cette semaine chez Monsieur Georges, le sociologue Daniel Welzer-Lang et l’adjoint au maire de Toulouse Jean-Jacques Bolzan, tous deux ponctuels. À première vue, rien ne les rassemblait et pourtant, ils sont parvenus à trouver un sujet commun de conversation en attendant que les commandes soient prises : les nuisances nocturnes. Mais à l’arrivée des piquillos, accras et autre chiffonnade de Serrano pour patienter avant le service, le débat se recentre sur le sujet phare du jour, à savoir les départementales. « Ça, c’est fait ! » s’exclame Jean-Jacques Bolzan, soulagé que la droite ait remporté la victoire au niveau national, cependant il nuance sa fierté en rappelant que le Front national « est devenu officiellement la 3e force politique en stabilisant ses scores électoraux autour des 20% ! » Son analyse est brutale mais sincère : « il ne s’agit pas de fachos mais de citoyens qui en ont ras-le-bol ! Ce qui m’amène à penser qu’il faut revoir le fonctionnement des partis politiques. » En filigrane, il souhaite que chaque candidat se positionne de manière claire sur une élection nationale ou locale et qu’il dispose de compétences avérées, quitte à le former. Pour Daniel Welzer-Lang, les résultats du week-end, notamment la montée du FN et le taux d’abstention, traduisent effectivement un manque de confiance des électeurs en leurs représentants politiques : « le FN est désormais le parti du peuple et reprend même le discours des communistes ! » Et l’élu toulousain de le couper : « c’est incroyable qu’ils parviennent à faire 20% alors que nous ne les avons pas vus sur le terrain. Les électeurs sont quand même paradoxaux ; ils se plaignent d’un manque de proximité et votent pour des candidats qu’ils n’ont jamais vus ! » Le sociologue met alors en évidence un phénomène de « panique sociale » qui conduit irrémédiablement vers le FN : « les gens ne se sentent plus représentés et les nouveaux enjeux, telle l’Europe, leur font peur ! » Pour lui, le parti frontiste sait tout simplement parler aux citoyens : « ils ont un discours pour tout le monde, les gens ont ainsi l’impression que le Rassemblement bleu marine est la seule organisation politique à s’intéresser réellement à eux ! » La bonne stratégie serait-elle celle-là ? Rien n’est moins sûr car pour Jean-Jacques Bolzan, « si le FN pose les bonnes questions, il n’apporte pas les bonnes réponses ! » Tandis que la serveuse, elle, apporte les tartares de thon et le vol au vent aux cèpes… Cet interlude permet à Daniel Welzer-Lang de revenir sur un niveau plus local en s’interrogeant sur l’exception haut-garonnaise : « Jean-Luc Moudenc a pris une claque ! Les Toulousains l’ont clairement sanctionné car il s’est présenté comme le nouveau Baudis mais n’a fait que détricoter tout ce qui avait été mis en place et qui fonctionnait très bien ! » De plus, l’installation de caméras de surveillance, l’augmentation et l’armement des effectifs de police, la mise en place de brigades anti-marginaux… « ne font que lui conférer une image sécuritaire qu’il paye aujourd’hui », estime le sociologue. Jean-Bolzan ne peut alors rester bouche bée et termine son assiette en rappelant que Jean-Luc Moudenc a tout de même réussi son pari, celui de l’union de la droite : « Si nous avons gagné trois cantons sur Toulouse, et que nous disposons désormais de 6 conseillers, c’est bien grâce à un « effet Moudenc » ! » Toujours est-il qu’au niveau national, pour nos deux invités, le gouvernement doit prendre ses responsabilités et acter du résultat des urnes : « ce serait incompréhensible qu’il n’y ait pas de changements ! À commencer par Ségolène Royal qui n’a rien à faire au ministère de l’Ecologie », lance Daniel Welzer-Lang.
« Le FN pose les bonnes questions, il n’amène pas les bonnes réponses ! »
Avec les filets de bar et les carrés d’agneau, arrive logiquement la remise en cause du changement d’heure émise par… Ségolène Royal justement. L’équation est simple pour le sociologue : « avant j’utilisais des ampoules de 120 watts mais aujourd’hui, elles n’en font plus que 7. Etant donné que l’heure d’été et d’hiver a été instaurée pour économiser de l’énergie, cette mesure n’a peut-être plus lieu d’être ! » Selon lui, les différentes enquêtes démontreraient d’ailleurs que l’impact du changement d’heure serait minime. La ministre de l’Ecologie a demandé de nouvelles études pour le vérifier. Sans oublier le dérèglement de l’horloge… biologique, cette fois, des personnes âgées. Jean-Jacques Bolzan va dans le sens de son voisin de table et estime que la diminution d’ampérage sur les ampoules est suffisante. Mais le sujet ne provoque pas de lueur dans les yeux de nos invités qui dévient sur celui du crash de l’A320 de Germanwings. Les règles de sécurité, pourtant mises en place après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, sont sur le point d’être revues puisque ce sont elles qui ont empêché le pilote de retrouver sa cabine où le copilote précipitait l’avion sur la montagne. « Le risque zéro n’existe pas mais les élus et dirigeants ne le diront jamais, préférant agir dans la précipitation pour rassurer les citoyens et montrer qu’ils prennent les choses en main », explique le sociologue. « Ainsi, il faut tenter d’améliorer les processus, tout en sachant que l’erreur est humaine et que le risque zéro ne sera jamais atteint… quoi que l’on fasse », acquiesce Jean-Jacques Bolzan qui reste catégorique sur la question : « un pilote doit être « clean » car il détient la vie des gens entre ses mains. Il ne faut rien laisser passer ! » Plutôt d’accord sur ce point, le sociologue précise qu’il s’agit d’une réflexion qui devrait être menée avec les partenaires sociaux et les pilotes eux-mêmes, « parce que moi, j’ai confiance dans les pilotes plus qu’en des passagers excités ! »
« Ne restent sur les trottoirs que les prostituées sans-papiers et les clients les plus pauvres »
Sur ces considérations sécuritaires, nous abordons notre dernier sujet, le délit de racolage contre les prostituées rétabli par le Sénat. Mais plus généralement, c’est le sujet de la prostitution que nous balayons. Entre deux gorgées de café, Jean-Jacques Bolzan fait le tour de la question avant de proposer : « Ne faudrait-il pas tout simplement rouvrir les maisons closes ? » Le débat, aussi vieux que le métier, n’a toujours pas trouvé de solutions satisfaisant tout le monde. « D’autant que les Toulousains connaissent ce principe puisque beaucoup se rendent aux « bordels » à la Jonquera », précise Daniel Welzer-Lang, le sourire aux lèvres. Expert en la matière, il précise que la prostitution de rue a été divisée par deux : « beaucoup sont passées sur Internet et ne restent sur les trottoirs que les prostituées sans-papiers et les clients les plus pauvres. » Le phénomène serait donc une évolution de la société et non le résultat de mesures répressives « qui ne font que déplacer le problème de quartier en quartier », regrette le sociologue. « Elles servent tout de même à mieux gérer le centre-ville », complète l’élu toulousain.
Et c’est en déviant sur les considérations politiques que tout le monde termine son café et retourne à ses occupations quotidiennes.
MINI-BIOS
Daniel Welzer-Lang : directeur du département de sociologie-anthropologie à l’université Jean-Jaurès, Daniel Welzer-Lang s’intéresse particulièrement aux rapports de genre, aux questions liées à la sexualité et à « tous les mouvements de fonds de notre société », précise-t-il. Ce professeur a publié plusieurs ouvrages aux éditions Payot, dont « Propos sur le sexe », « Nous, les mecs » et « La putain et le sociologue », aux éditions La Musardine.
Jean-Jacques Bolzan : adjoint au maire de Toulouse, en charge de la démocratie locale et de la citoyenneté, du commerce et de l’artisanat, Jean-Jacques Bolzan est un élu de terrain. Il coordonne les maires de quartiers, préside le marché d’intérêt national, gère la police administrative… Des missions très variées qui exigent réactivité et sens du dialogue. Membre de l’UDI (au Parti radical), Jean-Jacques Bolzan continue d’exercer sa profession de délégué médical.
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