[RDV de la Pergola] Ils ont taillé la bavette… au cannabis
Entente. Nos trois invités de la semaine ne se sont pas beaucoup chamaillés ! Que ce soit sur la réforme de l’éducation prioritaire, la légalisation du cannabis ou l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, les constats sont les mêmes pour Fanny Bergez Bordenave, Thierry Faba et Guilhem Latrubesse.
Par Coralie Bombail et Séverine Sarrat
À peine les présentations d’usage effectuées, nos convives démarrent le débat sans attendre le premier thème. Thierry Faba, directeur de l’école privée Cours Rousselot Voltaire lance sans le vouloir le sujet de l’éducation sur la table… « Il n’y a pas assez de connexions entre l’école et les entreprises, quand les jeunes arrivent sur le terrain, ils sont perdus ! » dénonce Fanny Bergez Bordenave, consultante en communication. Nous en profitons pour orienter la conversation sur la nouvelle carte de l’éducation prioritaire, annoncée par la ministre Najat Vallaud Belkacem la semaine dernière. « On passe des ZEP au REP, avec des rectificatifs à la marge, on persiste dans un système qui échoue depuis 30 ans, sans se poser les bonnes questions », tranche Thierry Faba. Pour Guilhem Latrubesse, c’est encore « une nouvelle équation appliquée de manière homogène sur toute la France, une carte dictée de Paris qui manque de transparence ». Ce conseiller régional (Parti occitan), prône pour une rationalisation de la compétence éducation « dispersée entre la commune, le département et la région », qui pourrait être « gérée ou au moins co-gérée par la région ».
« On persiste dans un système qui échoue depuis 30 ans, sans se poser les bonnes questions »
Fanny Bergez Bordenave, alertée par le décalage entre le gouvernement et la réalité du terrain, propose « un système de délégation de pouvoir qui étudierait les quartiers, qui pourrait être en lien avec des associations, des gens compétents pour être plus efficace ». Elle pense également à la mise en place de « schools lab, qui donneraient plus de liberté en termes d’éducation pour faire des tentatives nouvelles ». Guilhem Latrubesse rebondit sur cette problématique : « Les enseignants peuvent expérimenter de nouvelles méthodes, mais ils n’arrivent jamais à pérenniser leur travail de manière à ce qu’il s’applique à tout le monde ». « Le système flingue les bonnes volontés », conclut Thierry Faba.
Sur ces bonnes paroles, nous entamons le plat de résistance avec une nouvelle étude réalisée par le think tank Terra Nova, qui se prononce pour la légalisation du cannabis. Ce serait bénéfique pour les finances publiques et contribuerait à limiter la consommation. Le think tank prône en outre un encadrement strict de l’Etat. « Une dépénalisation serait déjà plus en accord avec la réalité », avance Guilhem Latrubesse, qui se méfie toutefois de l’argument financier : « L’approche comptable est dangereuse, elle peut être perverse, on taxe les addictions car on sait que les gens sont obligés de consommer. »
« La France est l’un des plus gros consommateurs de cannabis et pourtant elle a la législation la plus répressive »
Thierry Faba est d’accord avec la dépénalisation « mais il faut aller plus loin » selon lui, c’est-à-dire prévoir dans quelles conditions les consommateurs pourraient s’approvisionner en toute légalité. « Est-ce que l’Etat doit être dealer ? Je ne pense pas, ce serait un trop grand fossé à franchir. Le mieux serait d’autoriser le fait d’avoir des plants chez soi », propose le directeur de l’école privée. Pour Fanny Bergez Bordenave, « ce n’est pas la peine d’engorger les commissariats avec des consommateurs de cannabis, il faut en finir avec les codes de Cro-Magnon ! »En revanche, elle redoute la légalisation : « C’est ouvrir la boîte de Pandore, on s’attaque à une économie parallèle car il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’Etat, mais on ne sait pas ce que ça va provoquer ». La problématique est compliquée à résoudre… « Le débat revient régulièrement, surtout pour des raisons politiques, c’est de l’enfumage ! » lance Thierry Faba, qui soutient que « dans un pays de plus en plus droitier où on nous embête pour deux verres de vin, c’est paradoxal d’envisager cela ». Autre paradoxe, soulevé par Guilhem Latrubesse : « La France est l’un des plus gros consommateurs de cannabis et pourtant elle a la législation la plus répressive, ce qui prouve bien qu’il faut qu’on change. »
« Il faut dès aujourd’hui penser à développer d’autres modes de transport, on a la technologie pour ça »
Alors que nos invités terminent leur bavette à l’échalote, nous terminons ce débat avec Manuel Valls… Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière dans Sud-Ouest être pour la construction de l’aéroport hautement polémique de Notre-Dame-des-Landes. Ségolène Royal lui a souhaité « Bon courage », et nos convives ? « C’est 100% politique ! » clame Thierry Faba. « 150% même », surenchérit Guilhem Latrubesse. Sur le fond, « dans 10 ou 15 ans, l’avion ce sera une catastrophe, les ressources pétrolières se raréfient alors il va falloir apprendre à s’en passer », prévient le directeur du Cours Rousselot Voltaire. « Il faut dès aujourd’hui penser à développer d’autres modes de transport, on a la technologie pour ça », ajoute Fanny Bergez Bordenave. Du point de vue politique, la manœuvre est « purement électoraliste », selon Guilhem Latrubesse, « il va y avoir des recours au moins jusqu’en 2017 ». L’élu regrette la tendance des hommes politiques à proposer « des projets d’envergure, des grosses infrastructures qui créent de l’emploi et qui donne l’impression d’une vision d’avenir ». Il ne peut s’empêcher de penser à Toulouse, « à la troisième ligne de métro, à la deuxième rocade, au Parc des expositions », prend-il en exemple. Fanny Bergez Bordenave, qui a conseillé de nombreux politiques, est sans appel : « Ils décident tout de leur bureau, de manière déconnectée de la réalité, ils ne croient pas en ce qu’ils racontent, c’est terrible ! » Ce sera le mot de la fin… Même si nos trois débatteurs du jour n’ont pas résisté à continuer la conversation autour d’un café.
Mini-bios
Fanny Bergez-Bordenave : Cette professionnelle de la com’, et plus particulièrement de la communication cognitive, dirige aujourd’hui l’agence Pierre & Partners et a créé le réseau d’entreprises Pinkcity Network. Ancienne juriste, elle a d’abord travaillé pour Retina France, association qui finance la recherche pour la thérapie génique et pour les laboratoires Novartis.
Guilhèm Latrubesse : Engagé en politique après les événements de Seattle et la montée de l’altermondialisme, il est aujourd’hui élu du Partit occitan (dont il est le secrétaire fédéral à Toulouse) au Conseil régional, dans le groupe Europe écologie les verts. Ce béarnais d’origine s’est installé, il y a 7 ans, dans la ville rose, pour travailler dans le secteur informatique, dans un cabinet de conseils.
Thierry Faba : Directeur du Cours Rousselot-Voltaire, établissement toulousain d’enseignement privé, c’est avant tout l’entreprenariat qui le caractérise. Destiné à reprendre l’entreprise familiale (grossiste en produits laitiers) qui sera finalement vendue, il a évolué dans le monde du commerce avant d’intégrer une troupe de théâtre pour en assurer la gestion.
ERRATUM : Dans notre édition en date du 18 décembre, une erreur a été faite dans la présentation de nos invités. Les biographies d’Emmanuel Auger et Pascal Grémiaux ont été inversées. Emmanuel Auger, qui a participé à la création du PS toulousain, est aujourd’hui directeur général des services à la mairie d’Escalquens. Pascal Grémiaux a créé en 2006 la société Eurécia, éditrice de logiciels de gestion administrative diffusés dans plus de 40 pays.
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