Après avoir passé près de 20 ans sagement confinée derrière une planche de contreplaqué, une peinture de l’artiste toulousaine Mademoiselle Kat réapparaît au grand jour, rue du Fourbastard. Témoignage de l’âge d’or du graff toulousain, l’œuvre restera visible quelques semaines avant d’être à nouveau recouverte.
L’apparition d’une pin’up rose bonbon et signée de Mademoiselle Kat a rapidement fait réagir les passionnés de street-art local. Ces derniers qui se sont retrouvés projetés au beau milieu des années 1990, l’âge d’or du graff toulousain. Une époque pourtant révolue où, de beau matin, surgissaient ici ou là les fresques des pionniers de la bombe aérosol. L’incontournable artiste toulousaine aurait-elle ressorti ses pinceaux et ses peintures acryliques pour redonner vie à ses personnages urbains et reconnaissables entre mille ? En général des jeunes femmes stylisées à outrance et aguicheuses, avec leurs grands yeux en amande. Au grand dam de ses admirateurs, ce n’est pas le cas.
En effet, cette voluptueuse pin’up callipyge qui déploie son abondante crinière fauve rue du Fourbastard, depuis quelques jours, ne date pas d’hier. Elle vient même de fêter ses 21 ans. Si les passants peuvent à nouveau la découvrir, à quelques pas de la rue d’Alsace Lorraine, c’est qu’elle est réapparue à l’occasion de travaux sur une devanture de boutique, après avoir patienté deux décennies confinée derrière une planche de contreplaqué. « C’est une chance, car cela a permis sa conservation. C’est assez incroyable, car je n’avais jamais entendu parler de graffitis qui ressurgissent après un temps aussi long », se réjouit Mademoiselle Kat qui a été la première surprise de voir son personnage retrouver la lumière du jour.
Les archives des photographes amateurs de fresques murales lui ont permis de retrouver la date exacte de sa création. « C’est une peinture que j’avais faite le 5 mai 1999. Quand j’ai vu les premières images sur les réseaux sociaux, j’ai cru que c’était des clichés d’époque. Mais certains de mes contacts m’ont assuré que l’œuvre était de nouveau visible sur la devanture d’un magasin », confirme l’artiste, qui se souvient avec précision du moment où elle a réalisé ce projet. De nuit et clandestinement, comme la plupart des graffiti de l’époque. « En ce temps-là, nous peignions sans autorisation, de façon sauvage. Cette nuit-là, j’étais accompagnée par plusieurs amis. Il y avait notamment deux copains danseurs de hip-hop qui dansaient tout en surveillant la rue. Ça donnait une chouette ambiance urbaine. D’ailleurs, j’avais marqué leur nom au coin du mur. Même si ce n’est pas ma plus belle peinture, ce sont des moments inoubliables », témoigne Mademoiselle Kat.
Au-delà des souvenirs, cette pin’up au regard légèrement mélancolique est surtout un vestige de l’essor du graffiti à Toulouse, dans les années 90. Ce qui lui confère, 20 ans plus tard, un statut d’élément du patrimoine urbain et culturel dont les amateurs déploreraient la disparition. Mademoiselle Kat a d’ailleurs contacté la mairie de Toulouse et le propriétaire des lieux pour réfléchir aux moyens de conserver son œuvre.
« Il semblerait que le propriétaire ait prévu de faire des travaux et de recouvrir le mur avec des briques. C’est un peu dommage, car je trouve que cette pin’up s’accorde plutôt bien avec son magasin qui vend des produits coquins. La mairie a bien réagi et m’a proposé de vernir l’œuvre pour la protéger. Mais ils ne peuvent pas forcément faire plus, car c’est au propriétaire que revient la décision de conserver cette peinture ou non. Même si c’est un joli témoignage de l’évolution du graff à Toulouse, ce n’est pas quelque chose qui est sacré », relativise-t-elle. De ce fait, à moins d’un changement de plan de la part du propriétaire de la boutique, cette pin’up un peu rétro ne sera visible que quelques semaines avant d’être à nouveau emmuré. Un délai bien court pour profiter de ce petit trésor éphémère du street-art de la ville rose.
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