Romain de Jouvancourt est le cofondateur de la page Facebook Nuit Debout Toulouse, qui s’insère dans le mouvement Nuit Debout lancé à Paris depuis le 31 mars dernier. Il se dit à la fois« chômeur, étudiant et précaire », et compte, à travers cette lettre ouverte, expliquer ce mouvement, symbole d’une convergence des luttes.
À l’attention de chaque lecteur,
On me pose souvent la question « La Nuit Debout, j’en entends parler, mais c’est quoi ? » Vous- même vous avez dû en entendre parler dans les médias, sur les réseaux sociaux, ou croiser des rassemblements éponymes comme celui qui se déroule sur le Capitole au moment où je rédige ces lignes. J’emploierai le terme « je » car une des caractéristiques de ce mouvement est que nous nous exprimons sur un sujet collectif mais toujours de manière individuelle. Car la Nuit Debout n’est pas une association, ni un syndicat, elle n’a pas d’existence juridique, il s’agit d’un collectif citoyen. Elle ne se réclame d’aucun parti politique mais entend nous permettre d’investir le champ républicain (de Res Publica, la chose publique). Notre démocratie est malade, il n’y a qu’à voir les chiffres de l’abstention, les citoyens ne croient plus en la représentation telle qu’elle est gérée actuellement. Les institutions censées permettre de gérer les problèmes du salariat ne fonctionnent pas mieux, très peu de Français sont syndiqués.
« Nous exigeons un changement de société »
Pourtant les luttes existent : barrage de Sivens, Notre-Dame-des-Landes, Éducation nationale, et j’en passe. À ces mouvements, il faudrait rajouter la majorité silencieuse du secteur privé qui peut difficilement user du droit de grève à cause d’un chantage à l’emploi dans un contexte de chômage institutionnalisé. Sans parler des problèmes de représentativité du peuple français dans la vie politique ! Devant ces problématiques, la seule réponse du gouvernement est « plus de flexibilité dans l’emploi » avec la loi El Khomri (là où il faudrait comprendre dérégulation du marché du travail au profit des grandes entreprises, à ce sujet voir sur YouTube les microdocumentaires « Merci Myriam ! ») et une loi passée dans le silence le plus total limitant l’accès aux médias des candidats “alternatifs”pour la prochaine présidentielle (votée par 178 députés sur 577 avec un taux de participation de 47%!)
Le constat est posé, notre démocratie est malade, l’oligarchie au pouvoir change les règles du jeu à sa guise. Je pense que le mouvement Nuit Debout est une réponse au problème. Ce qui me dérange (et nous dérange en ayant débattu lors des assemblées générales), ce n’est pas simplement la “loi Travail”. Le problème est bien plus profond. Nous ne croyons plus aux moyens d’expressions populaires traditionnels comme les scrutins tels qu’ils sont organisés ou les manifestations sporadiques pour lesquelles on descend dans la rue pour crier notre souffrance et l’on rentre après sagement chez soi en attendant une réponse des dirigeants. Mais les dirigeants ne nous écoutent pas ! Il en faut plus. Il faut continuer la lutte. Il faut nous organiser entre citoyens, que l’on soit chômeurs, précaires, salariés du privé, intermittents, agriculteurs, patrons de PME, ingénieurs, etc. Nous ne revendiquons rien. Nous croyons en la convergence des luttes de chaque secteur. Nous exigeons un changement de société. Vous qui lisez ces quelques lignes vous n’êtes plus seuls. Nous croyons à la convergence des luttes individuelles. Nous sommes des millions à souffrir, ils ne sont que quelques milliers à nous faire souffrir. Ensemble, usons de notre droit démocratique et faisons plier cette nouvelle aristocratie.
Romain de Jouvancourt
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