HOMMAGE – En lieu et place de l’usine AZF dont l’explosion a causé la mort de 31 personnes il y a 16 ans jour pour jour, une œuvre d’art contemporain. Installée il y a cinq ans, elle est devenue le lieu de recueillement des familles endeuillées et celui de tous les Toulousains.
Comme un pied de nez à la mort qui a frappé 31 personnes lors de l’explosion de l’usine, le mémorial d’AZF « est une œuvre vivante ». J’ai voulu que les visiteurs puissent se l’approprier, interagissent avec elle », explique Gilles Conan, l’artiste toulousain à l’initiative de l’installation. Après avoir répondu à un appel d’offres de la mairie, lui et le collectif belge Labau ont imaginé une œuvre pouvant à la fois rendre hommage aux victimes, servir de lieu de recueillement et apporter un regard artistique sur une période noire de l’histoire de la ville.
396 poteaux métalliques (allant de 50 centimètres à 4 mètres) répartis en ronds concentriques forment, sur 13 mètres de diamètre, la matrice de la construction. Il s’agit d’un travail visuel où les cercles symbolisent l’onde de choc ressentie par les Toulousains lors de l’accident industriel. De même, la taille différente des poteaux crée un effet d’optique laissant entrevoir un cratère. Autant d’allégories morbides auxquels l’artiste a souhaité ajouter un souffle d’énergie positive.
Posé au milieu de la friche d’AZF, route d’Espagne, le mémorial paraît froid au premier abord, mais il faut s’en approcher pour en sentir l’âme. Loin de n’être qu’un lieu de recueillement, l’installation vit, change. « C’est une œuvre de sons le jour et de lumières la nuit », précise Gilles Conan. Effectivement, lorsque les visiteurs pénètrent à l’intérieur, que l’on avance au milieu des poteaux, un voile sonore les enveloppe. « Il s’agit de sonorités électroniques, émanant de haut-parleurs fixés dans les pilonnes, qui peuvent être apparentés à des bruits de tension d’usine, voire à un requiem de musique contemporaine », commente l’artiste. Leur perception évolue en fonction de l’environnement direct, à savoir les voitures qui passent à proximité, les intempéries… Et le soir venu, la lumière remplace le son. « Je vous invite même à venir à ce moment-là. Il se passe quelque chose ! », conseille l’auteur du mémorial. Lorsque le silence s’installe et que les Leds rouges et blanches constituant le haut des poteaux s’allument, c’est une nouvelle œuvre qui surgit. Des jeux de lumière, aléatoires ou programmés par ordinateurs, donnent une impression de vie sur ce site désert.
Parce que « ce n’est pas un cimetière. » « J’ai voulu qu’il soit ouvert, que l’œuvre parle aux familles des victimes et à tous les Toulousains », rappelle Gilles Conan. D’ailleurs, sur les pylônes extérieurs de l’œuvre, le nom des 31 victimes est inscrit, à hauteur d’homme. Certaines familles endeuillées viennent y déposer des objets à l’attention de leurs disparus : « Ici, quelqu’un a attaché un coquillage autour du poteau, là, des fleurs ont été placées au pied d’un autre », constate-t-il, attendri et à la fois satisfait que son installation incarne une telle charge d’émotion.
Gilles Conan sera présent lors de la cérémonie organisée en mémoire des victimes (voir encadré). « Comme tous les ans », précise-t-il, avant de conclure : « Parce que je veux voir et discuter avec les associations des familles endeuillées. C’est pour elles que j’ai conçu le mémorial ! »
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