Catégorique. Dans un Restaurant de la Pergola bondé, nous avons reçu nos trois invités pour tailler la bavette sur des sujets brulants de l’actualité nationale. Ainsi, Jérôme Boloch, Amir Mekhaeil et Frédéric Lacaze ont échangé sur les révélations concernant l’affaire Kerviel, l’avenir de Charlie Hebdo et le Festival de Cannes. Extraits.
Par Coralie Bombail et Séverine Sarrat
Réunis autour d’une table ronde où trônent les menus du jour, chacun fait connaissance avant d’entrer dans le vif du sujet et de passer commande. Après leur assiette de charcuterie, c’est à l’actualité que nos invités s’attaquent, la maîtrisant tous parfaitement. D’abord celle du rebondissement de l’affaire Kerviel dans laquelle une enquêtrice avoue « avoir eu le sentiment d’être instrumentalisée par la Société Générale ». Plusieurs éléments tendraient à prouver que la banque était au courant des agissements de son trader. « Je n’ai jamais cru que Jérôme Kerviel ait pu mener des actions frauduleuses tout seul, dans son coin ! La Société générale savait ! » réagit immédiatement Frédéric Lacaze. Opinion partagée par Amir Mekhaeil: « Leur système de contrôle est tellement drastique qu’il me semble peu probable qu’ils n’aient pas repéré le manège de leur trader ! » L’avis est donc unanime puisque Jérôme Boloch, qui ne porte pourtant pas Kerviel en haute estime – « faire le tour d’Italie, en jouant le l’Abbé Pierre de la finance, je trouve ça risible » – ne croit pas non plus à la théorie de l’homme qui manipule des millions sans que personne ne s’en aperçoive. Cependant, Amir Mekhaeil reste étonné que l’enquêtrice qui relance aujourd’hui les débats ne se soit pas exprimée plus tôt, tout en précisant « qu’il n’y a pas de preuves tangibles de ce qu’elle avance. » Mais là aussi, tous s’accordent à penser que des pressions ont dû être exercées par la banque pour orienter l’enquête : « c’est la banque qui a fourni toutes les preuves aux policiers, ce sont eux qui leur ont indiqué qui interroger et qui n’en valait pas la peine… », s’interroge le fondateur de Lead Aero. Le journaliste de notre tablée rappelant même un système de mails cachés qui auraient pu infirmer la thèse défendue par la banque, ajoutant qu’il « serait ravi si la culpabilité de la Société générale était prouvée ! » Pour lui il s’agirait d’une première, à valeur d’exemple : « Il est indécent que les banques puissent avoir de tels agissements, elles que l’Etat a aidé en 2008 ! » Ce serait même la seule chose qui pourrait faire bouger les lignes, car « la condamnation de Kerviel à 4 milliards d’euros est purement symbolique » acquiesce Amir Mekhaeil qui précise que « la finance et ses dérives, c’est les banques, pas les traders !» Frédéric Lacaze dénonçant même « un jeu de Monopoly » auquel elles s’adonnent. Mais attention à la case « prison » ! Pourtant « tous les Hommes politiques jurent de s’attaquer au problème mais jamais rien ne se passe », constate, amer, le journaliste de TLT. « Evidemment », rétorque Frédéric Lacaze, « puisque l’Etat est lui-même emprunteur ! C’est la corde qui soutient le pendu ! » Tous, fourchette à la main, évoquent alors une union nationale visant à réguler le milieu de la finance.
« Il est indécent que les banques puissent avoir de tels agissements, elles que l’Etat a aidé en 2008 ! »
Et en parlant d’union nationale, celle qui a eu lieu pour soutenir Charlie Hebdo suite à la tuerie de janvier dernier aura su mobiliser les Français qui ont effectué des dons, souscrits des abonnements en masse. « Ainsi, l’argent est tombé en masse à Charlie Hebdo et cela a perverti les idées », observe Frédéric Lacaze. Effectivement, les salariés et la direction sont actuellement en froid, les premiers demandant l’ouverture du capital et une gouvernance collaborative. « Il s’agit d’une entreprise comme les autres. La direction aurait dû faire un geste envers les salariés mais ces derniers n’ont rien à exiger. Avant la tuerie, devenir actionnaires ne les intéressaient pas et maintenant que le journal est millionnaire… », s’étonne Amir Mekhaeil, interrompu par Jérôme Boloch : « Charlie Hebdo n’est pas une entreprise comme les autres. 12 personnes ont été tuées et le traumatisme est encore vif. De plus, les salariés demandent plus un partage des décisions que de l’argent ! » Il est vrai que le contexte reste important comme le rappelle également Frédéric Lacaze qui évoque un modèle de gouvernance en Scop (société coopérative et participatives) pour apaiser les tensions au sein de la rédaction : « Cela responsabiliserait les salariés et assurerait l’avenir de l’entreprise ! » Pour l’entrepreneur Mekhaeil, « ça pourrait fonctionner ! », « mais il faudra quand même désigner un chef, avalisé par tous » poursuit le journaliste de TLT, qui croit au modèle coopératif. Quant à l’argent collecté, « il faudrait le faire fructifier car le soufflet va retomber un jour ou l’autre », analyse le représentant UDI du jour. Opinion partagée par son voisin de table, « s’ils ne le font pas, ils redeviendront un journal moyennement connu, en difficulté financière ! » Pour le journaliste Jérôme Boloch, la vraie question est : « parviendront-ils à passer le cap des martyrs et redevenir un hebdo normal ? Redeviendront-ils un journal comme les autres ou assumeront-ils leur statut de symbole ? » Mais comme le précise Frédéric Lacaze, « rester un symbole ne les fera pas vivre ! » Pour cela, pas d’inquiétude, « aucun politique ne laissera mourir Charlie Hebdo maintenant », assure Jérôme Boloch. Pas plus que nos invités n’ont laissé leur merlu et petits légumes refroidir dans l’assiette !
« Avant la tuerie, devenir actionnaires ne les intéressaient pas et maintenant que le journal est millionnaire… »
Et c’est devant un café gourmand, au dessert donc, que le Festival de Cannes fait son entrée. Plus intéressé par le show business que par le cinéma, constate l’entrepreneur de la tablée : « Cannes fait rêver le monde entier pendant quelques jours et attire des acteurs internationaux. C’est important pour l’image de la France ! » Frédéric Lacaze, lui, se délecte de la mise à l’honneur du 7e art… et des savoir-faire français, à savoir « les robes et le luxe ! », tout en s’avouant horripilé par la présence sur le tapis rouge de Manuel Valls et Christiane Taubira :
-Frédéric Lacaze : « Ils n’ont rien à faire là ! N’y a-t-il pas d’autres priorités en ce moment ? »
-Amir Mekhaeil : « Rachida Dati l’a fait aussi de son temps ! »
-Jérôme Boloch : « Oui mais elle, elle ne rendait pas les robes à priori ! »
Mais trêve de plaisanterie, « le Festival de Cannes permet essentiellement de mettre à l’honneur des opus qui seraient restés dans l’ombre » relève Frédéric Lacaze, et de faire côtoyer les films d’auteurs avec les blockbusters américains. « La confrontation des genres est intéressante et nivelle le cinéma français par le haut ! » explique le journaliste de TLT. De même, l’événement étant associé à une ville, Cannes, celle-ci bénéficie d’une publicité extraordinaire durant quelques jours. « Cela me fait penser d’ailleurs que Toulouse ne dispose pas de tels événements pour se mettre en valeur, c’est pourtant la 4e ville de France », poursuit-il. Chacun se perd alors dans sa réflexion en évoquant le Marathon des mots, Rio Loco ou encore la tentative de Pierre Cohen de faire de la Novela, un événement important. Mais c’est un autre sujet qui sera peut-être abordé dans un prochain déjeuner-débat…
Mini-bios
Frédéric Lacaze : Membre du bureau de l’UDI 31, président de Force européenne démocrate de Haute-Garonne et trésorier national de Femmes au centre, Frédéric Lacaze se considère comme un politique de terrain. Il est par ailleurs candidat à la candidature pour être sur la liste de la droite et du centre aux prochaines régionales.
Amir Mekhaeil : Fondateur de l’entreprise Lead Aéro, créée en 2012, il accompagne les entreprises du secteur aéronautique dans leur développement à l’international. Il est par ailleurs engagé en politique, au Nouveau centre. En 2014, il s’est présenté aux élections municipales de Saint-Sulpice et a réalisé un score de 9%.
Jérôme Boloch : Journaliste à TLT depuis 11 ans, Jérôme Boloch est à la fois JRI (journaliste reporter d’image) et présentateur pour la chaîne locale. Auparavant pigiste à Paris et critique culturel pour la FNAC, il exerce à côté de son métier une activité musicale. Il est d’ailleurs à l’initiative du concert de soutien pour TLT, organisé mercredi dernier à la Dynamo.
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