Moralité ? Sur fond de scandale de harcèlement sexuel à l’Assemblée nationale, Michel Platini a vu sa sanction confirmée par le tribunal arbitral du sport, quand Pierre Gattaz menace de quitter la table des négociations de l’assurance chômage. Autant de dossiers qui n’ont pas manqué de faire réagir nos invités : Steeve Launay, Daniel Molina et Michel Sarran.
De l’argent, du sexe et du sport. Tous les ingrédients sont réunis pour garantir un débat animé ! Sobrement, autour d’un café, nos invités font connaissance avant que nous ne lancions, sans plus attendre, le premier sujet. Le député Denis Baupin, accusé de harcèlement et d’agression sexuelle par plusieurs femmes de son entourage politique, vient de démissionner de la vice-présidence de l’Assemblée nationale. Outre le choc causé par les révélations même, c’est sa prise de position lors d’une campagne de lutte contre les violences faites aux femmes. « C’est le comble ! Il y a quelques mois il posait sur une photo avec du rouge à lèvre pour militer pour les femmes ! » s’exclame Michel Sarran, interrompu par un Daniel Molina ironique : « Cahuzac était bien chargé de la lutte contre l’évasion fiscale ! » Tous trois sont ulcérés par ces affaires touchant des personnages publics sensés prôner la bonne morale, « car elles brisent le climat, déjà fragile, de la confiance envers les politiques ! » lance le chef étoilé, pensant « à ce que doit ressentir sa femme… » Steeve Launay rappelle que cette dernière le soutient tout en s’interrogeant « sur les limites entre la drague et le harcèlement. C’est un langage difficile à décoder. » Daniel Molina constate amèrement que ce type d’agissements est présent partout, et plus encore là où se trouve une relation de pouvoir, « d’ailleurs la question du calcul politique, de la nuisance intentionnelle, se pose immédiatement dans ces situations. »
« Là où il y a du pouvoir, il y a des risques d’abus du statut » (Steeve Launay)
Quelque peu résigné, le représentant Aceos approuve : « là où il y a du pouvoir, il y a des risques d’abus du statut. L’être humain est ainsi fait qu’il profitera toujours de la situation ! » Mais serait-ce une raison pour laisser-faire ? « Non », répond Daniel Molina, « et la parité en politique va contribuer à faire évoluer les mentalités. En revanche, si les femmes sont plus présentes au Parlement, il faut qu’elles y interviennent autant que les hommes, ce qui n’est pas le cas ! » Selon lui, il s’agit d’un problème de confiance… « Tout comme pour les victimes de harcèlement qui culpabilisent et ont peur du jugement des autres », intervient Michel Sarran, qui ne manque pas de souligner le rôle des médias : « c’est de la news sensation et les journalistes en raffolent. Ainsi, la caisse de résonnance est énorme ! » Ce qu’appuie le jeune socialiste : « cette affaire a dû faire plus de clics que la loi travail ! »
« Quand on voit les sommes qui circulent dans le monde du foot ! C’est indécent ! » (Michel Sarran)
Pas si sûr ! Car la loi El Khomri semble déchaîner les passions, au point que Pierre Gattaz, patron du Medef, menace le gouvernement de ne plus prendre part aux négociations de l’assurance chômage s’il continue à détricoter le texte initial. « Certes, c’est du chantage, mais c’est désormais leur seul levier. Les tractations ne peuvent pas continuer sans eux, ils le savent et en profitent pour faire pression », commente Steeve Launay. Même le président du Mouvement des jeunes socialistes reconnaît que « les syndicats manifestent, mais les chefs d’entreprise n’ont pas cette possibilité, ils tentent donc de peser de tout leur poids sur les négociations ! » Sous l’œil amusé de Michel Sarran, Daniel Molina finit par laisser entendre que la menace de Pierre Gattaz ne lui semble pas sérieuse, avant d’être relayé par le chef cuisinier : « Je pense que, pas plus Gattaz que Hollande, ne défendent les PME. En tant que chef d’entreprise, je ne me sens représenté ni par l’un ni par l’autre. » Pour le cuisinier et Steeve Launay, cette loi ne résoudra pas les problèmes des PME, mais Daniel Molina nuance leurs propos : « le compte personnel d’activité concerne autant les salariés que les dirigeants. Cela permet aussi à un patron de se réorienter si son entreprise ne fonctionne pas ! » Mais cela fait bondir Michel Sarran : « ne vaudrait-il pas mieux l’aider avant que sa boîte ne coule plutôt que de lui proposer une nouvelle carrière quand il est trop tard ? » Il déplore, entre autres choses, l’amalgame fait entre les grands patrons de multinationales et les dirigeants de PME, « nous souffrons de cette image. Dans l’inconscient collectif, les patrons sont des c… et les salariés sont brimés, mais dans une petite entreprise, le climat n’est pas forcément celui-là ! » Cette vision serait-elle entretenue par les syndicats ? « Ils ne représentent que 3% des salariés, mais ce sont eux que l’on entend le plus », lance Steeve Launay. Et Michel Sarran de renchérir : « les syndicats patronaux ne représentent pas plus la majorité des PME… », regrettant qu’il faille appartenir à une organisation pour se faire entendre. Alors, ne vaudrait-il pas mieux que le législateur décide seul et ne passe pas par autant de négociations, comme le propose Daniel Molina ? « Eux au moins ont été élus et représentent réellement la population, ils seraient légitimes ! »
« Le compte personnel d’activité concerne autant les salariés que les dirigeants» (Daniel Molina)
Lui aurait pu être légitime, mais une affaire de corruption vient de signer la fin de sa carrière au sein des plus hautes instances footballistiques. Lui, c’est Michel Platini, ancien président de l’UEFA. Le tribunal arbitral du sport a confirmé sa suspension durant quatre ans. 1,8 million d’euros lui avait été versé par la FIFA sans que l’intéressé puisse prouver qu’il s’agissait d’une rémunération pour un travail de conseiller. Pour Michel Sarran, « c’est surnaturel. Il est hallucinant de crier au scandale pour le salaire de certains grands patrons quand on voit les sommes qui circulent dans le monde du foot ! C’est indécent ! » Il parle pourtant de ce sport comme l’opium du peuple, mais garde à l’esprit que l’argent pervertit ce qui pourrait être… « un vecteur de paix sociale », lui souffle Steeve Launay. Quant à Daniel Molina, l’argent que génère le foot ne le choque pas, « c’est justement comme un chef d’entreprise. S’il rapporte beaucoup à son entité, il est légitime qu’il soit rétribué en conséquence ! » Ce qui n’est pas du goût du cuisinier qui a tôt fait de répliquer : « La FIFA est immensément riche et représente le foot mondial, mais ceux qui vibrent devant un match sont les mêmes qui crèvent de faim. Ce décalage me perturbe ! » Pragmatique, le représentant Aceos fait remarquer que ceux que lui voit comme un sport est considéré comme une entreprise par ses dirigeants. Dans les deux cas, Michel Platini regardera tout cela de loin désormais et une nouvelle élection à l’UEFA sera organisée en septembre. En attendant, chacun retourne à ses considérations, beaucoup plus… terre à terre.
Mini bios :
Michel Sarran : Chef cuisinier toulousain doublement étoilé, avec son restaurant éponyme boulevard Armand Duportal, Michel Sarran a en outre participé aux deux dernières saisons de l’émission Top chef diffusée sur M6.
Daniel Molina : Coordinateur du MJS 31 (mouvement des jeunes socialistes), Daniel Molina est par ailleurs étudiant en 4e année de droit à l’Université Toulouse 1 Capitole. Il a adhéré aux jeunes socialistes en 2010 et au PS en 2011.
Steeve Launey : Directeur commercial du groupement d’entreprises Acéos en Midi-Pyrénées, Steeve Launey est arrivé à Toulouse il y 15 ans. Acéos est un CE externalisé qui permet aux salariés des petites entreprises de bénéficier des avantages juridiques des grands groupes.
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