VIRUS. Depuis les années 2000, le nombre des publications scientifiques qui s’appuient sur la participation active des citoyens explose. Le chercheur Arthur Compin a, lui-même, lancé un projet de science participative. Il analyse le phénomène et ses possibilités vertigineuses.
Crédits : JPL – NASALe phénomène n’est pas nouveau. Dans le domaine de l’histoire naturelle, de l’astronomie ou de la médecine — avec par exemple la contribution active des associations de patients dans la connaissance du SIDA — l’implication des citoyens dans la recherche scientifique est une longue tradition.
Mais, depuis une dizaine d’années, face aux défis majeurs de nos sociétés (changement climatique, sécurité alimentaire, etc.) et grâce au développement des technologies, ce que l’on appelle aujourd’hui la science participative connaît un nouvel essor. Le principe : la population est invitée à collecter des données sur le terrain pour le compte de scientifiques.
« Il y a un mouvement de décloisonnement entre le monde de la recherche et les non-scientifiques-professionnels. Cela permet de recréer ce lien direct qui avait été perdu. En quelque sorte, la science redescend de sa tour d’ivoire pour se mettre à la portée du grand public », assure Arthur Compin, chercheur au sein de l’Ecolab, unité de recherche commune au CNRS, à l’Université Paul Sabatier et à l’INP.
Depuis plus d’un an, il anime un projet de recherche collaboratif destiné à la conservation d’une petite plante aquatique présente dans les lacs pyrénéens. « Elle se trouve à la limite de la surface de l’eau. Nous avons donc décidé de faire appel aux randonneurs pour nous aider à observer les fluctuations du niveau de l’eau dans ces lacs », explique le scientifique. Le dispositif ne concerne pour l’instant qu’un seul point d’eau. Il consiste en un panneau invitant les marcheurs à prendre une photo depuis un point précis. Les clichés sont publiés sur un blog. « Ce projet a surtout un aspect prospectif. Des collègues de sciences sociales vont ensuite enquêter auprès des gens qui nous ont répondu. Mais la démarche est intéressante et efficace, les données que nous avons recueillies grâce aux photos correspondent à celles de l’enregistreur », développe Arthur Compin, dont c’est la première expérience de science participative.
Loin d’être un gadget censé œuvrer à la démocratisation de la science, les sciences participatives ont déjà prouvé leur faculté à contribuer à l’amélioration des connaissances. Les chercheurs du Museum national d’histoire naturelle considèrent par exemple que grâce aux nombres d’heures et à la variété des sites, les observations des amateurs sont essentielles pour suivre l’évolution de la biodiversité. En Allemagne, 5000 amateurs ont capturé 17 000 échantillons de moustiques et ont permis de découvrir une nouvelle espèce invasive. « À grande échelle, les possibilités sont immenses, quels que soient les domaines explorés et les méthodes utilisées, pour faire participer les citoyens. Il peut même y avoir de véritables projets de co-construction dépassant le simple cadre de recueil de données. Cela signifie que la science est partout dans le quotidien et que tout le monde peut y participer », se réjouit Arthur Compin. Et si le monde scientifique montrait le chemin vers une démocratie, elle aussi, participative ?
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