Depuis 2012, l’association Le Refuge héberge et accompagne les jeunes LGBT victimes de rejets familiaux. À Toulouse, près de 200 d’entre eux y ont trouvé assistance en six ans.
« Bonjour ! Pourquoi êtes-vous encore en pyjama ? » lance Julie Bognier en pénétrant dans l’appartement dans lequel sont hébergés Julien et Raphaël. Pris au saut du lit, les deux jeunes hommes, respectivement âgés de 20 et 23 ans, tâchent de faire bonne figure. Mais leur éducatrice ne laisse rien passer : « La vaisselle d’hier soir n’est pas faite et vous n’avez pas rangé vos vêtements ».
Des règles auxquelles doivent se plier tous les jeunes accueillis dans les logements de l’association Le Refuge. Depuis 2012, cette dernière vient en aide aux garçons et filles, de 18 à 25 ans, victimes de rejets familiaux en raison de leur homo ou transexualité. C’est le cas de Julien et Raphaël. « Ils ont la même histoire, leur mère les a mis à la porte et ils se sont retrouvés livrés à eux-mêmes », explique Julie Bognier.
Leur imposer un emploi du temps strict, une hygiène irréprochable, les encourager à reprendre des activités, à chercher du travail où à effectuer des démarches administratives sont autant de leviers qui permettent à ces jeunes de ne pas lâcher prise. Et leur éducatrice y veille. Tous les matins, Julie ou l’un des 20 bénévoles procèdent à une tournée d’inspection des quatre appartements mis à disposition de l’association par la mairie de Toulouse, contre un loyer modique.
« 250 jeunes ont été logés chez nous en six ans d’existence »
L’hébergement des jeunes LGBT est la mission principale du Refuge. « Près de 250 ont été logés chez nous en six ans d’existence », précise Serge Perrody, délégué départemental et régional de la structure. « Il leur est demandé une participation aux frais afin de les responsabiliser », poursuit-il. Car beaucoup sont encore de grands ados, en témoignent certaines réactions face aux activités proposées par les bénévoles comme les séances de cinéma, les sorties à la piscine ou les ateliers cuisine : « Pff ! Les jeux de société, c’est nul ! » « Je ne peux pas venir, j’ai rendez-vous avec ma meilleure copine », ou encore : « C’est quoi cette animation avec une diététicienne ? Je n’en ai pas besoin, je ne suis pas gros ! »
Julie Bognier a tôt fait de leur rappeler que leur présence est obligatoire. « C’est laborieux de les faire participer, mais ils sont plutôt contents au final », reconnaît-elle. Le but est de développer chez eux un esprit de groupe et d’entraide. « Ils communiquent alors avec leurs mots à eux, ils se comprennent souvent sans rien se dire car ils ont des parcours similaires », assure-t-elle.
Pourtant, ils sont bien différents. Si Julien et Raphaël semblent volubiles et rieurs, Mélissa* est plus introvertie. « Cette jeune transexuelle connaît une double difficulté. Elle a été rejetée par sa famille et se trouve en pleine quête de son identité », compatit Julie Bognier. Elle cohabite avec Yann, qui vient tout juste de décrocher un emploi d’animateur dans un centre de loisirs. Et avec Sidy, un jeune homme d’origine guinéenne ayant dû fuir son pays quand son homosexualité a été découverte. « Nous accueillons de plus en plus de migrants. Nous les hébergeons d’ailleurs plus longtemps pour leur permettre de réaliser leur demande d’asile sereinement », explique le délégué régional du Refuge.
« Les amener vers l’autonomie »
Une situation exceptionnelle dans l’association, où les jeunes sont hébergés un an maximum : « Nous recevons tellement de sollicitations que nous devons assurer un roulement. C’est pour cela qu’il est important qu’ils puissent se débrouiller seuls le plus vite possible », précise Serge Perrody. Cela passe entre autres par l’apprentissage de la cuisine. « Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils vivent seuls et ne savent pas se nourrir », témoignent Julie Bognier. Pour y remédier, l’association assure une aide alimentaire et organise des ateliers de cuisine et des repas collectifs obligatoires.
C’est Mélissa*, Yann et Sidy qui accueillent ce jour-là l’atelier dans leur appartement. En entrant dans la cuisine, Camille, la diététicienne de la Banque alimentaire, annonce le menu du jour : « Nous allons préparer de la crème de chou-fleur au curry, des frites de courges et des cookies. » Peu d’enthousiasme chez les jeunes qui mettent tout de même la main à la pâte. Sur les conseils de Camille, tous enfilent le tablier de rigueur. Mélissa s’affaire à confectionner la pâte à gâteau quand Sidy s’attaque au découpage du potiron. Une première pour eux. Des plats simples et équilibrés qu’ils pourront reproduire seuls.
« Car le but ultime reste toujours de leur apporter les armes dont ils auront besoin pour continuer leur chemin une fois qu’ils quitteront le Refuge », affirme Serge Perrody. Un cadre et un soutien qu’ils auraient pu attendre de leur famille pour se construire et « que Le Refuge tente de leur transmettre le plus rapidement possible pour les amener vers l’autonomie. »
*Le prénom a été changé
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