Le sport à la justice. Julian Jappert, professeur de droit et fondateur du groupe de réflexion Sport et Citoyenneté, rappelle qu’en matière de discrimination raciale il existe un large un arsenal juridique. Reste à s’en servir.
Avant de s’attaquer aux actes à caractère raciste dans le sport, il convient d’en mesurer l’importance. S’ils nous semblent terriblement fréquents, c’est aussi qu’ils sont surmédiatisés : « Aujourd’hui, un tiers de l’information que nous consommons, tous supports confondus, est sportive. En réalité, il n’y a pas plus de haine sur un terrain qu’ailleurs », fait remarquer Julian Jappert, fondateur du groupe de réflexion Sport et Citoyenneté qui analyse les politiques et l’impact sociétal du sport à l’échelle européenne. Il prend pour exemple les données collectées par l’Observatoire des comportements de la Fédération française de football, qui recense les dérapages survenus chaque week-end parmi les milliers de rencontres disputées dans l’Hexagone au niveau amateur, et d’après lesquels seulement 74 incidents à caractère raciste ont été signalés l’an dernier. Il n’empêche, leur impact peut-être dévastateur, « en particulier sur les plus jeunes, qui idolâtrent les sportifs ».
Dans son dernier ouvrage, Julian Jappert explique que l’on sous-estime le pouvoir et les effets du sport sur la société. Certains s’autorisent ainsi à aller trop loin, comme si le terrain était un lieu de non-droit : « Des comportements racistes n’y sont pas sanctionnés alors qu’ils le seraient ailleurs. Le monde du sport a l’habitude de s’autoréguler. Et en suivant ses propres règles, il lui arrive de fermer les yeux sur certains agissements », constate le professeur de droit, qui souhaite donc voir ces derniers portés systématiquement devant des juridictions de droit commun. Atterré par les banderoles à caractère raciste qui ont récemment visé Mario Balotelli, l’attaquant italien de l’OGC Nice – « Mais pourquoi personne n’a-t-il porté plainte ? » – Julian Jappert rappelle la nécessité de faire connaître l’important arsenal juridique qui existe en matière de discrimination raciale.
Il croit aussi beaucoup à la prévention et à l’éducation, notamment dans les centres de formation : « Pendant longtemps, on y enseignait uniquement le sport. Aujourd’hui, on y apprend également l’acceptation de l’autre et l’ouverture multiculturelle ». En Europe, la plupart des sportifs de haut niveau disposent en effet de modules de formation spécifiques sur l’explication de faits de société ou la prévention de comportements déviants. Le lobbyiste veut aller plus loin et multiplier les actions à tous les niveaux, professionnels comme amateurs : « Et si ces initiatives étaient financées par un prélèvement sur l’énorme manne économique du football ? » propose-t-il…
Julian Jappert enseigne le droit du sport dans les universités Panthéon-Sorbonne et Aix-Marseille. Il a fondé en 2007 le groupe de réflexion européen Sport et Citoyenneté, qui analyse les politiques sportives et l’étude de l’impact sociétal du sport. Il vient de publier avec Marie-Cécile Naves Le pouvoir du sport, aux éditions FYP.
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