Comme de nombreux centres hospitaliers, Joseph-Ducuing veut externaliser ses activités de bio-nettoyage. Lors d’une journée de grève, les agents impactés ont dénoncé un risque de dégradation des conditions de travail et de la prise en charge des patients. L’externalisation est-elle vraiment la solution ?
Gilets oranges sur le dos et tracts à la main, des agents de services hospitaliers (ASH), des infirmiers, brancardiers ou médecins de l’hôpital Joseph Ducuing font part de leur inquiétude pour l’avenir ce mardi 5 juin. Leur mot d’ordre pour cette journée de grève: « Non à l’externalisation, nous ne sommes pas une entreprise privée ! » Leur direction souhaite en effet sous-traiter l’activité de bio-nettoyage à une société spécialisée. Un projet en ce sens a été remis aux représentants du personnel le 4 mai et une décision pourrait être prise dès le mois d’août. Selon le directeur de l’établissement Éric Fallet, l’objectif est de « restaurer un équilibre financier durable et permettre des investissements nécessaires au développement ». La direction assure que la quarantaine d’emplois en CDI seront « transférés auprès du prestataire ».
Pour Christelle, ASH depuis 20 ans en soin palliatif à Joseph Ducuing, l’externalisation est synonyme de « changements qui ne vont pas dans le bon sens. Quand je serai salariée d’une entreprise de nettoyage et non plus pour l’hôpital, je devrai faire un nombre de lits à la minute ! », s’inquiète-t-elle. Les ASH craignent également de devoir aller travailler sur tous les sites gérés par la société et pas seulement à Joseph Ducuing. De plus, pour Pierre Louis Canavelli, le secrétaire général de la CFDT, les ASH comme les cuisiniers ou les brancardiers « font partie intégrante de la prise en charge globale du patient ». Le syndicat dénonce le paradoxe entre les valeurs portées par l’Association de la médecine sociale qui gère cet établissement créé par des réfugiés républicains espagnols, et cette décision.
Pour réduire ses dettes, l’hôpital Purpan a également externalisé une partie des activités de bio-nettoyage et des brancardiers en 2017. Pourtant ce n’est pas toujours synonyme de réduction de coût. « On nous annonce 800 000 euros d’économies, mais ce qu’on ne dépense pas d’un côté, il faudra le dépenser de l’autre. Les ASH assurent de nombreuses missions qu’ils ne feront plus s’ils travaillent pour un prestataire privé : il faudra donc d’autres personnels pour les remplir », poursuit Valéria Habire, déléguée CFDT à l’hôpital Joseph Ducuing. Christelle explique qu’en effet, une ASH ne se contente pas de faire les lits, de nettoyer les chambres et d’apporter les repas : «J’assiste les aides-soignantes et les infirmières, je parle avec les patients, remets de l’eau dans les fleurs, accueille les familles… »
À Strasbourg, où l’hôpital a également opté pour la sous-traitance du bio-nettoyage, les syndicats ont observé que les chambres étaient « plus propres » quand il était géré en interne, la tension dans les équipes était aussi moins importante. Les salariés ne sont pas les seuls à voir l’internalisation comme l’unique solution durable. « De grands groupes qui ont externalisés commencent à faire marche arrière car ils se rendent comptent que ça ne fonctionne pas pour la santé », indique Pierre Louis Canavelli. Les ASH de Joseph Ducuing, eux, seront fixés sur leur sort au mois d’août.
Maylis Jean-Preau
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