Chaque semaine, cet été, nous nous glissons dans vos valises. Une histoire vraie de surprenantes vacances. Cette semaine nous vous racontons l’histoire d’Antoine. Ce Toulousain a choisi de se consacrer au bénévolat humanitaire dans un camp de réfugié.
Par Marine Mugnier
Cet été, pas de plage pour Antoine : ce jeune Toulousain a décidé de passer une partie de ses vacances dans un camp de réfugiés. Jusqu’à la fin du mois, il donne donc de son temps et de son énergie pour améliorer le quotidien de ceux qui vivent, pour un temps en tout cas, dans le camp de la Linière à Grande-Synthe près de Dunkerque. Le traditionnel maillot de bain troqué contre une parka.
L’élément déclencheur, le déclic pour dire “oui” à cette aventure, vient de la rencontre d’Antoine avec l’association Utopia 56. «L’idée d’Utopia, c’est de développer l’initiative citoyenne, d’imaginer et d’organiser un système où les gens qui pensent et proposent sont ceux qui côtoient au quotidien les migrants.» Et c’est cet état d’esprit qui a séduit le jeune homme. Cet été, ils sont 60 à avoir, comme lui, sauté le pas. Vacances scolaires obligent, ce sont surtout des étudiants. Mais Antoine n’a pas le profil classique : le jeune homme a quitté un poste confortable de travailleur social en CDI pour cette expérience de bénévolat. Point de départ : le Mirail. Destination: le Grand Nord.
Entre l’A16 et une voie ferrée : la Linière, le premier camp de réfugiés reconnu par l’État français. Sur un terrain caillouteux, des abris en bois s’alignent. Ce sont des “shelters”. Ils accueillent aujourd’hui près d’un millier d’exilés et chacune de ces constructions de fortune peut abriter jusqu’à quatre personnes. Antoine dessine le décor : «Les gens vont et viennent. Ils tentent de se créer autant que faire se peut un chez eux agréable et confortable, pendant que les enfants tournent à toute vitesse à travers le camp sur leurs bicyclettes de fortune.»
« Notre rôle dans tout ça : préférer la vie à la survie »
Chaque nouveau jour qui se lève sur le camp, les bénévoles regardent vers la même direction : «Préférer la vie à la survie, veiller et permettre à ces personnes de trouver accueil et protection quand ils n’ont connu que détresse et insécurité. Pour parvenir à cela, on bosse – beaucoup -, on discute – encore plus -, on mange, on rit aussi, on échange en anglais, en allemand, en français, en arabe, en kurde et dans bien d’autres dialectes… On vit finalement. Notre journée, c’est de 9h à 9h, 24 heures de présence pour 24 heures de volontariat.» Ce n’est pas le travail qui manque quand on tente d’organiser la vie d’autant de personnes. La concrétisation de cette mission exigeante prend des formes diverses. Laverie, construction, nettoyage du camp, distribution des repas, animation socioculturelle, ateliers périscolaires… Les bénévoles sont loin de s’ennuyer.
Aujourd’hui, par exemple, Antoine revêt le costume de “coordinateur terrain” : il fait le lien entre politiques, décideurs, personnes migrantes et bénévoles. Un diplomate les pieds dans la gadoue en quelque sorte. Le contexte oblige une certaine flexibilité et chacun doit avoir plusieurs cordes à son arc. Lui a été, tour à tour, responsable de l’épicerie gratuite ou encore agent de circulation.
De ses rencontres les plus marquantes, Antoine retient son «cher ami Nasser». Un photographe kurde, militant, lui aussi exilé. Les deux compères ont passés des soirées entières à refaire le monde, parlant de la culture de l’un, des coutumes de l’autre. «Nous avions aussi l’habitude d’écouter ensemble des musiques traditionnelles du Kurdistan, bercés par l’odeur des fassolias (des haricots, NDLR), du tabac et du thé sucré. Un moyen j’imagine de trouver un semblant de sérénité dans ces journées agitées », décrit le bénévole, sans doute un brin nostalgique. Cette relation s’est terminée brusquement quand, à son retour d’un séjour à Toulouse, Antoine n’a pas retrouvé Nasser : «Je ne peux qu’espérer que cet homme de grandeur ait trouvé, où qu’il soit, un espace de vie accueillant, épanouissant, respectueux de la dignité humaine.»
La Linière c’est aussi un lieu de passage, de transit, un simple point d’arrêt dans le parcours migratoire. Antoine ne restera pas non plus. Après ces quelques mois de bénévolat, le Toulousain compte partir en vacances. En vraies vacances.
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