C’était l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Le président de la République a réaffirmé son souhait d’instaurer un service national universel pour tous les jeunes Français de 11 à 25 ans. Un rapport parlementaire préconise un parcours en trois étapes : une semaine de cours de défense et de citoyenneté au collège, une semaine en internat ou en immersion au service de l’intérêt général à l’âge de 16 ans, et enfin une « incitation à l’engagement » dans le milieu associatif, dans la garde nationale ou dans le service civique. Pour cette dernière partie, le chef de l’État s’est prononcé en faveur d’une période obligatoire de trois à six mois. Le syndicaliste étudiant Jules de Foras et la consultante en ressources humaines Corinne Cabanes décryptent les enjeux de ce futur rite de passage.
© Unis CitéCorinne Cabanes : Je pense que cela peut permettre aux jeunes de mieux se connaître, d’avoir envie de se dépasser et de s’ouvrir une autoroute vers l’emploi sans percevoir leur début dans le monde du travail comme une fatalité. La dimension civique rejoint en effet l’économie. Le succès arrive avant le travail uniquement dans le dictionnaire. Et les remparts pour préserver les valeurs de la République se retrouvent aussi dans les entreprises. On sait que les stages de découverte du monde professionnel en classe de 3e ont un impact énorme chez les jeunes. L’occasion est donnée de pousser la démarche plus loin.
Jules de Foras : Inciter les jeunes à s’impliquer est une bonne chose, mais le caractère obligatoire de ce service national pose problème. Ce n’est pas une manière satisfaisante de susciter les vocations. Et ce bénévolat forcé ne doit pas devenir un nouveau prétexte pour créer une main-d’œuvre gratuite comme c’est déjà le cas avec la multiplication des stages. Enfin, il faut faire attention à cette possible dimension militaire qui n’a pas lieu d’être.
Corinne Cabanes : Le principe d’un rite de passage peut être nécessaire pour s’intégrer. Emmanuel Macron évoque une période de trois à six mois. Cela correspond à la durée moyenne d’entrée dans la vie active après les études. Ce service national peut donc être une transition intéressante, à condition de laisser aux jeunes le temps de préparer leur projet et/ou de chercher un emploi. Il faut aussi prévoir des dérogations ou des aménagements pour celles et ceux qui sont déjà en activité.
Jules de Foras : La question de l’engagement de la jeunesse est avant tout citoyenne. C’est à cet âge, au travers des projets que l’on mène et des initiatives auxquelles l’on participe, que l’on apprend à vivre ensemble. Aujourd’hui, il n’y a pas de démobilisation, d’absence d’engagement ou de détachement de la part des jeunes. Au contraire, il ne faut pas créer de découragement avec ce service national obligatoire.
Corinne Cabanes : La clé est d’aider les jeunes à bâtir un projet de vie en élaborant un programme par étapes pour préparer leur avenir. Aujourd’hui, ils subissent une forte pression dès la classe de 3e et le parcours d’orientation ressemble à une longue randonnée sans carte. Quand une personne fait ce qu’elle sait faire et ce qu’elle aime, son intégration est tout de suite simplifiée. Enfin, à l’image de cette idée de service national qui permet d’être au contact du terrain, il faut réformer les Centres de formation des apprentis, valoriser l’enseignement en entreprise.
Jules de Foras : Susciter l’engagement nécessite de créer les conditions favorables. Or, les associations connaissent des problèmes de financement en raison du désengagement de l’État. Certaines sont en grandes difficultés, d’autres disparaissent. Plutôt que d’investir dans un service national, concentrons les moyens dans le soutien du tissu associatif et de l’éducation. C’est en maintenant un écosystème bienveillant que les jeunes s’intégreront dans la société, qu’ils se sentiront partie prenante de la nation et qu’ils seront enclins à s’engager dans différentes initiatives.
Corinne Cabanes
Consultante en ressources humaines, fondatrice du cabinet toulousain Corinne Cabanes & Associés, et particulièrement impliquée dans l’accès des jeunes au monde du travail.Jules de Foras
Président de la section toulousaine de l’Union nationale des étudiants de France (Unef), premier syndicat étudiant.
Commentaires