SECONDE VIE – Chaque année, en France, près de 12 000 tonnes de médicaments périmés ou non utilisés sont récoltées et valorisées. Nous avons suivi leur parcours , de l’armoire à pharmacie d’une habitante de Toulouse, jusqu’à l’unité de valorisation énergétique du Mirail. Prêts pour un drôle de voyage ?
// Par Maylis Jean-Préau
®franckalixUn flacon d’antidouleur pour enfant périmé, la fin d’un traitement antibiotique, des sirops pour la toux, ouverts depuis trop longtemps… Myriam dépose dans un sac une dizaine de boites de médicaments. « Chaque année, je fais le nettoyage de printemps de l’armoire à pharmacie ! J’en profite pour faire le tri, ce qui m’évite de me retrouver en panique parce que je n’ai plus que du Paracétamol périmé ! », explique cette commerçante du quartier des Arènes.
Depuis peu, Myriam ne jette plus ces médicaments à la poubelle avec les autres déchets ménagers. Pour elle et ses traitements périmés, direction la pharmacie la plus proche. Sans sourciller, le pharmacien part au fond de son officine, où il dépose les médicaments de Myriam dans un carton portant la mention Cyclamed. Depuis 1994, cet Eco-Organisme organise le circuit de collecte des médicaments périmés des ménages, via les pharmaciens. « Une fois qu’il est plein, nous donnons le carton au même grossiste-répartiteur qui nous livre des médicaments. Nous n’avons pas à faire de tri, seulement à servir de relais auprès du grand public », explique Philippe Vergnes, pharmacien à Muret et co-président du Syndicat des pharmaciens 31.
En un an, sa pharmacie a rempli 50 cartons Cyclamed de 6 kilos chacun. Au total, 11 884 tonnes de traitements ont ainsi été collectées par Cyclamed en France en 2016. Un dispositif financé à 100% par l’industrie pharmaceutique. « C’est une question de santé publique », précise Philippe Vergnes. « S’ils sont jetés à la poubelle, ils peuvent être récupérés, il y a des risques d’intoxication et les contenants peuvent alimenter les trafics. » Selon Cyclamed, la collecte permettrait d’éviter chaque année 22 000 intoxications d’enfants par ingestion de médicaments.
Dans la pharmacie de Philippe Vergnes, on récupère aussi les aiguilles des personnes en autotraitement grâce à un Eco-Organisme en charge des déchets infectieux, DASTRI. « Quand je viens prendre mon traitement, je récupère gratuitement une boite à aiguilles sécurisée et je la rapporte une fois pleine », explique Pierre, qui souffre du diabète. « Avant, on ne savait pas comment faire pour s’en débarrasser, on mettait le plus souvent les aiguilles dans une bouteille en plastique vide et à la poubelle ». Les aiguilles de Pierre comme les médicaments de Myriam vont maintenant faire leur dernière balade. Pour les déchets infectieux, un opérateur de collecte sélectionné vient tout spécialement récupérer les boites sécurisées à la pharmacie. Pour les médicaments, après un passage chez le grossiste, dans un conteneur sécurisé, ils sont pris en charge par un transporteur.
La SETMI, au Mirail. La fumée qui s’échappe de la grande cheminée ne laisse pas de doute sur le devenir des médicaments périmés entrant dans l’unité de valorisation énergétique de Toulouse. Un transporteur franchit la grille du site. Il est pesé une première fois, dépose son chargement dans une benne avec les ordures ménagères et repasse par la pesée. Les traitements de Myriam sont mélangés avec les déchets non recyclables et convoyés vers l’un des fours. Les quatre incinérateurs à 850° fonctionnent à plein régime. Comme les 364 autres jours de l’année. Ils vont également réduire en fumée la boite à aiguilles de Pierre.
Mais cette dernière n’est pas mélangée avec le tout-venant. Elle est conduite dans un quartier réservé où se trouvent également les déchets infectieux des hôpitaux et laboratoires de la région. « Une fois arrivées, les bacs sont scannés et nous avons 48h pour détruire leur contenu. Les bacs sont convoyés directement vers le four, via une chaîne qui leur est réservée, il n’y a pas de manutention », explique Vincent Castaignède, le directeur de la SETMI.
Plus de 5000 tonnes de déchets infectieux sont ainsi valorisées chaque année au Mirail. « Tous ces déchets alimentent les fours et contribuent à notre réseau qui permet de chauffer les logements de 50 000 personnes », se réjouit Vincent Castaignède. « En été, quand les besoins en chauffage diminuent, la vapeur est envoyée dans les turbines et nous produisons l’équivalent des besoins en électricité de 10 000 personnes ».
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