À Toulouse, le Centre d’aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales (Cadmos) vit depuis plus de 20 ans à l’heure de la Station spatiale internationale (ISS). C’est là que sont préparées et organisées certaines missions scientifiques opérées par les astronautes. Le Journal Toulousain a poussé la porte de ce laboratoire dont les expériences pourraient chambouler notre quotidien dans le futur.
Attablés derrière une rangée d’ordinateurs, une dizaine de scientifiques ont les yeux rivés sur de grands écrans fixés au mur. L’un d’eux retransmet des images en direct de l’ISS. Flottant au milieu d’un amas de câbles et d’appareils, surgit tout à coup un astronaute se déplaçant en apesanteur. Ce n’est pas Thomas Pesquet mais l’Américaine Peggy Whitson qui vient d’apparaître à l’écran.
Sa mission ce matin : installer un outil pour le compte du CNES et de la Nasa. Elle s’accroche au plafond de la salle, saisit une sorte de tiroir et l’insère dans une des parois de la station. «Il s’agit du module Déclic, un dispositif qui permet de tester le comportement des fluides supercritiques, un état entre le gaz et le liquide», commente Sébastien Barde, responsable du Cadmos.
Chez les scientifiques et les ingénieurs du Cadmos, la tension est palpable. Tombé en panne, il a fallu deux ans pour que Déclic soit réparé et renvoyé sur l’ISS. «C’est presque frustrant, nous avons juste un retour vidéo de la manœuvre, nous ne pouvons pas intervenir ou entrer en contact avec les astronautes en cas de problème», explique Sébastien Rouquette, un des responsables de l’expérience. En cas d’avarie, c’est en effet le centre européen de l’ESA qui fait le lien entre les spationautes et le Cadmos.
Aujourd’hui, Peggy Whitson a deux heures pour mener à bien son opération. «Le temps est une obsession ici», lance Sébastien Barde. Au mur, une horloge indique l’heure GMT (temps moyen de Greenwitch), c’est-à-dire le fuseau zéro. C’est l’heure à laquelle vivent les astronautes et les agences russes, américaines et européennes se réfèrent. Sur un autre grand écran de la salle de contrôle s’affiche l’emploi du temps de chaque astronaute. «Il n’y a aucune transaction d’argent entre les agences spatiales. Elles s’échangent du “temps-astronaute”, par exemple, deux heures de Peggy contre la fabrication d’un instrument scientifique», poursuit Sébastien Barde.
Une fois le module Déclic installé, les scientifiques et ingénieurs du Cadmos peuvent prendre la main pour piloter les expériences depuis le sol. Au bout de trois semaines, les données récoltées sont envoyées à des laboratoires bordelais et marseillais. Les enjeux à la clé sont très concrets. «Nous allons porter de l’eau à très haute température et à très haute pression. Le but est de pouvoir développer la combustion dans l’eau. Cela permettrait de piéger les fumées dans de l’eau lors d’une incinération par exemple», explique Sébastien Barde. Fumées alors transformées en matière minérale, et ce, sans polluer l’eau. De quoi imaginer une gestion des déchets moins polluante dans le futur.
Au fond de la salle, d’autres ingénieurs préparent les expériences du lendemain. Derrière son ordinateur, Anaïs Llodra Perez, ingénieure biomédicale, prépare une des cents expériences qui sera menée par Thomas Pesquet. «Je dois revoir quatre fois les emplois du temps pour m’assurer que tout a été calé comme le prévoit le protocole scientifique.»
Le lendemain, Thomas Pesquet sera aussi au centre de toutes leurs attentions pour une autre expérience sur l’atrophie musculaire. Alain Maillet, spécialisé dans les tests physiologiques, fait partie des responsables qui seront sur le pont. Il nous entraîne dans les couloirs du laboratoire. C’est là que se déroule l’essentiel du travail du Cadmos, la salle d’opération n’étant que la partie émergée de tout le travail mené ici. Dans une succession de pièces sont entreposées “des modèles sol”, ce sont les répliques à l’identique des outils actuellement embarqués dans l’ISS. Ils servent par exemple à mesurer les dépenses énergétiques, l’impact physiologique de la vie en apesanteur, réaliser des échographies… Grâce à eux, les scientifiques testent, valident les équipements et les protocoles. Une fois dans l’espace, l’astronaute n’a ainsi plus qu’à suivre scrupuleusement les indications laissées par le Cadmos.
Alain Maillet s’approche alors du dispositif Mares (Muscle Atrophy Research and Exercise System), un imposant fauteuil en fer semblable à ceux des salles de musculation. Il sera utilisé le lendemain par Thomas Pesquet. «Un astronaute va perdre de 20 à 30% de sa masse musculaire même s’il fait des exercices quotidiens, cet instrument nous permet de le quantifier», explique le responsable. In fine, le but est aussi de mieux comprendre la physiologie humaine. Et de préparer les hommes à arriver en forme sur Mars. Mais ça, ce n’est pas pour tout de suite.
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