En 2005, cinq états précurseurs signaient les accords de Schengen ratifiant ainsi l’ouverture des frontières entre les pays européens. Un pas important vers la concrétisation d’un monde qui s’assume de plus en plus comme étant cosmopolite. Pourtant, 14 ans plus tard, et malgré des projets d’échanges culturels ambitieux comme Erasmus, un rapport publié en mars 2019 déplore une nouvelle fois le faible niveau en langues des Français en comparaison aux nations voisines. Pour combler ces lacunes et lutter contre ce monolinguisme, le JT est allé explorer les différentes approches pédagogiques.
La faible maîtrise des langues étrangères est une caractéristique récurrente qui colle à la peau des Français. 50 % d’entre eux avouent être dans ce cas selon l’étude ‘’Langues et employabilité’’ menée en 2015 par un consortium incluant le ministère de l’Éducation nationale. Mais si le dernier rapport du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) paru en ce début d’année confirme certaines lacunes, le tableau semble moins noir que prévu. « En compréhension de l’écrit, les élèves ont fortement progressé depuis 15 ans et présentent désormais un niveau relativement satisfaisant », commente Nathalie Mons, présidente du Cnesco. C’est à oral que les choses se compliquent. En fin de collège, 75 % des élèves ne sont pas capables de produire une langue globalement correcte en anglais, 73 % en espagnol et 62 % en allemand.
Les tests de SurveyLang qui permettent d’évaluer la compréhension orale et écrite ainsi que la production écrite entre les différents pays européens, font toutefois état d’un niveau plutôt faible des élèves français. « Nous nous situons dans les derniers rangs, loin derrière les nations d’Europe nordique, centrale et orientale notamment les pays baltes », précise la présidente du Cnesco. Un constat qui s’explique de plusieurs façons.
D’abord par le système éducatif. « L’apprentissage d’une langue étrangère doit débuter précocement dès le primaire, car l’oreille des très jeunes enfants peut encore discriminer et enregistrer des sons nouveaux », note Nathalie Mons. Mais, en France, ce n’est que depuis 2016 que cet enseignement s’étend au cours préparatoire et qu’une seconde langue est obligatoire dès la cinquième. Un premier effort que Nathalie Spanghero-Gaillard, enseignante-chercheuse à l’université Jean-Jaurès et spécialiste en didactique des langues étrangères, salue mais qu’elle nuance : « L’important est le taux d’exposition. Débuter l’apprentissage tôt est une chose mais s’il ne s’agit que d’une heure par semaine, cela ne sert à rien. » Elle recommande trois heures de pratiques hebdomadaires au travers de jeux, de lectures… « L’apprentissage n’est efficace que s’il est pratiqué intensément et régulièrement », précise-t-elle.
Encore faut-il disposer d’enseignants susceptibles de pouvoir assurer cette initiation en primaire. Mais en France, « ils sont peu formés en la matière, et doivent affronter une jungle de ressources pédagogiques pour créer leurs cours », observe la présidente du Cnesco. Dans le secondaire, le problème est encore différent : « Les professeurs, ayant fait Bac+5 et étudiés les auteurs classiques ont tendance à vouloir transmettre leurs propres connaissances à leurs élèves. Or, la prose de Shakespeare ne leur sera d’aucune utilité. Le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe appris doivent correspondre à la vie réelle, à une communication authentique », argumente Nathalie Spanghero-Gaillard.
Mais la recherche montre qu’une langue étrangère ne peut s’acquérir exclusivement dans le cadre contraint des horaires scolaires et que l’exposition hors école est fondamentale. En France, le contexte sociétal y reste pourtant hermétique. « Unifiée par la langue comme beaucoup d’États-nations, mais déniant longtemps toute reconnaissance aux idiomes régionaux, la France s’est frontalement opposée au développement d’une identité plurilingue », constate Nathalie Mons. Un phénomène d’autocentrisme qui se retrouve également dans notre environnement culturel : la majorité des films et émissions télévisés sont quasi systématiquement traduits en français limitant ainsi la confrontation à une autre langue et donc la nécessité d’en maîtriser les bases.
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