PÉDAGOGIE. En consultation, les pédiatres observent une augmentation des interrogations vis-à-vis des vaccins. Pour eux, l’inquiétude des parents est le plus souvent le résultat d’un manque d’information. Alors, le temps consacré aux explications devient une priorité, voire même un enjeu de santé publique selon l’Ordre des médecins.
« Est-il vrai que le vaccin contre l’hépatite provoque la sclérose en plaques ? » « L’aluminium présent dans les vaccins est-il nocif ? » « 11 vaccins obligatoires ! Ça signifie qu’il y en a de nouveaux à faire ? » « Les 11 vaccins sont-ils regroupés en une seule injection ? » « N’est-ce pas trop pour des nourrissons ? » Des questions qui reviennent quotidiennement aux oreilles des pédiatres car la vaccination est l’un de leurs principaux actes médicaux. Et la réponse à toutes ces interrogations est « non », affirme le docteur Fabienne Tarroux, pédiatre à Toulouse.
Dans son cabinet situé dans le quartier Borderouge, elle enchaîne les consultations. La petite Chloé* et sa maman entrent d’ailleurs dans la salle d’attente. À deux mois, le bébé s’apprête à recevoir un vaccin, le Prevenar, contre le pneumocoque. Un acte répété des centaines de fois par le médecin. Et une banalité pour la maman de Chloé : « C’est une évidence pour moi. Je veux prémunir ma fille de maladies comme la méningite. Et je lui ferai faire tous les vaccins obligatoires ou recommandés. » Une sage décision d’après le docteur Tarroux qui incite les parents de tous ses petits patients à en faire de même : « Si aujourd’hui nous sommes parvenus à éradiquer certaines maladies comme la poliomyélite, c’est grâce à une vaccination de masse. » Pour être efficace, une vaccination doit atteindre 70% de la population. Ce seuil, dit barrière, permet de rompre la chaîne de transmission en immunisant ceux qui ont reçu l’injection mais aussi en protégeant les 30% restants.
Pourtant, quelques familles refusent que leurs enfants se fassent vacciner. « Ils représentent 1 % de ma patientèle », confie le Dr Tarroux. Une décision qu’elle qualifie de marginale. C’est également ce que constate Patrice Legasal, pédiatre officiant à Sète : « Chez moi, ils ne sont que 2 % ! » Mais cette frange de la population parvient à semer le doute. Pour les deux médecins, Internet et les médias ont largement contribué à la propagation de leurs discours.
Marie*, 18 ans, vient d’avoir un petit garçon. Elle est reçue par le Dr Tarroux qui la sensibilise aux vaccins qu’elle devra envisager de lui administrer. Mais la jeune maman l’interrompt et refuse toute injection pour son enfant, argumentant : « Avec tout ce qu’on voit sur l’Internet ». Après quelques investigations, la pédiatre se rend compte qu’elle avait simplement lu des forums et ne savait pas en réalité de quoi elle parlait. Une explication a suffi à la faire changer d’avis.
Mais les réticences de certaines familles peuvent être plus profondes. Elles prennent racine dans des discours de médecins controversés, radiés de l’Ordre pour prétentions frauduleuses. C’est le cas par exemple d’Andrew Wakefield, ancien chirurgien britannique qui disait avoir identifié une relation entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et l’autisme. « Pur mensonge », rectifie le Dr Tarroux. « Il travaillait dans un centre accueillant des autistes. Et comme certains avaient eu la rougeole, il a affirmé à tort qu’il s’agissait d’un lien de cause à effet. Une contre-vérité mais qui a tôt fait de servir les thèses des anti-vaccins », déplore-t-elle.
La pédagogie est alors indispensable. « Je parle à mes patients des maladies que risquent de contracter leurs enfants s’ils ne sont pas vaccinés. Sans cacher que, bien sûr, il existe des cas extrêmement rares d’effets secondaires », précise le Dr Tarroux. « Certes, la présence rarissime d’un gène peut engendrer des pathologies en contact avec l’aluminium contenu dans certains vaccins, mais ce dernier permet surtout de renforcer leur efficacité, de mieux les tolérer et de réduire les antigènes », poursuit son confrère. L’objectif est donc de démontrer que les bénéfices sont bien plus importants que les inconvénients.
Sa stratégie, raconter ce qu’il a vécu « Lorsque je travaillais à l’hôpital, j’ai vu une fillette de trois ans mourir d’une méningite. Son frère, contaminé par sa sœur, est lui aussi décédé quelques jours plus tard. Malgré les efforts des médecins, les parents ont perdu leurs deux enfants en 15 jours. S’ils avaient été vaccinés, cela ne serait jamais arrivé ! », relate-t-il.
Tout est question de psychologie. « Si un pédiatre parle des vaccins en commençant par évoquer les quelques cas rares d’effets secondaires, (chocs anaphylactiques, convulsions, encéphalites… ndlr) il insinue un doute dans l’esprit de son patient », explique le médecin sétois. Pour lui, c’est ce qui est arrivé lors de l’annonce par le gouvernement de l’obligation de 11 vaccins. « Leur communication maladroite a été contre-productive. La contrainte a provoqué la méfiance du grand public », affirme-t-il. Il reste donc un travail important d’information et de pédagogie à la charge des médecins de proximité, comme les pédiatres. « Cela prend du temps en consultation, mais cette étape est nécessaire pour faire comprendre au plus grand nombre que la vaccination est primordiale », conclut le Dr Legasal.
*Le prénom a été modifié
Dossier : Vaccination : piqûre de rappel
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