ALTER EGO. Les chiffres le montrent, il existe bien, encore aujourd’hui, des métiers d’hommes et des métiers de femmes. Issus de normes sociales séculaires et de l’autocensure qui en découle, les préjugés persistent. Comment envisager que la mixité s’étende à toutes les activités professionnelles quand même les mots manquent pour la décrire ? Parce que des exemples concrets valent souvent mieux que de longs discours, le JT a rencontré cette semaine quatre femmes qui n’ont pas attendu pour braver les genres.
Les femmes représentent 48 % de la population active française. Il serait alors logique de retrouver peu ou prou ce taux de présence féminine dans toutes les professions. « Or, seules 17 % sont réellement mixtes avec autant de femmes que d’hommes et se concentrent sur trois corps de métier : les cadres administratifs, la santé et le droit », constate Françoise Vouillot, maîtresse de conférence en psychologie de l’orientation et présidente de la commission “Lutte contre les stéréotypes sexistes et la répartition des rôles sociaux” au Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Certaines professions se composent même quasi exclusivement d’effectifs féminins, comme les services à la personne, le secrétariat ou les services à domicile. À l’inverse, d’autres semblent hermétiques à la féminisation comme le bâtiment, la mécanique ou l’informatique (voir infographie). Ainsi, les femmes occupent essentiellement des emplois dans le tertiaire. « C’est le résultat d’une arrivée massive de ces dernières dans le monde du travail au moment de la tertiarisation de notre économie. Notamment quand les aides à la personne se sont externalisées, alors qu’elles appartenaient jusque-là à la sphère domestique », analyse Karine Briard, économiste et chargée d’étude à la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques.
« On peut clairement parler de ségrégation professionnelle, dans le sens strict où les hommes et les femmes ne se répartissent pas de manière homogène », précise la statisticienne. Deux raisons à ce phénomène : la réticence des employeurs à recruter des femmes dans des métiers à dominance masculine, « en s’abritant derrière la réaction de leurs clients qui hésiteront à faire confiance à une femme dans une profession manuelle par exemple », explique Françoise Vouillot; mais surtout, par autocensure, « ou plutôt par autosélection », indique-t-elle.
« J’y pense mais je n’en suis pas capable ! » C’est ainsi que la plupart des filles, au moment de leur orientation, s’empêchent de suivre des filières socialement identifiées comme masculines. « Beaucoup ont pourtant de meilleurs résultats que les garçons dans les filières scientifiques, mais elles s’en détournent pour intégrer des parcours littéraires », observe la professeure en psychologie. La faute à des normes sociales ancrées depuis des décennies qui, selon elle, induisent un apprentissage différent pour les filles et les garçons : « On ne les éduque pas de la même manière, on ne les confronte pas aux mêmes expériences. Ce qui les oriente vers des intérêts et des compétences distinctes dès le plus jeune âge. »
C’est donc une représentation sociale qu’il convient de briser pour garantir la mixité professionnelle. Le recrutement exclusivement à la compétence et une éducation indépendante des normes genrées sont, pour Françoise Vouillot, les leviers qui permettront d’inverser le phénomène. D’ailleurs, celui-ci tend à diminuer : « L’indice de ségrégation* baisse depuis les années 1990 car les jeunes femmes investissent davantage le marché du travail que leurs aînées et parce que leur niveau de qualification augmente. Les plus hauts diplômes conduisant en effet à des métiers plus mixtes », conclut Karine Briard.
*Distance entre les hommes et les femmes selon les métiers
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