Étape. En France, les options de prise en charge des personnes âgées sont restreintes. Seuls le maintien à domicile ou le placement en maison de retraite ont été largement développés. Deux extrêmes. Manque alors une structure à mi-chemin, comme le souligne Anne-Marie Guillemard, experte au Conseil d’orientation des retraites.
© Nick Karvounis« Nous sommes l’un des pays où le reste à charge pour les familles est le plus élevé, qu’il s’agisse d’hébergement ou de soins à domicile. » Pour Anne-Marie Guillemard, sociologue, spécialiste des questions du vieillissement, c’est le signe d’un système non performant. En cause, un manque de structures intermédiaires entre le maintien à domicile et le placement en Ehpad. « Lorsqu’une personne âgée peut vivre chez elle, cela signifie qu’elle est encore relativement autonome. Lorsqu’elle intègre une maison de retraite médicalisée, c’est parce qu’elle ne l’est plus. Mais que se passe-t-il entre ces deux situations ? » s’interroge-t-elle. La dépendance étant généralement graduelle et non soudaine, elle estime que l’offre de prise en charge proposée par la France n’est pas assez diversifiée.
Si des alternatives existent, comme des habitats collectifs ou des résidences seniors, ces options sont sous-développées selon Anne-Marie Guillemard. « L’on pourrait multiplier les initiatives telles que les foyers logements qui permettent aux aînés de vivre chacun dans un appartement tout en disposant de soins et de services collectifs. Voire, une colocation où une communauté de personnes âgées pourrait se constituer pour vivre ensemble », imagine-t-elle. Des domiciles de substitution évolutifs seraient l’idéal selon la sociologue. En Finlande, par exemple, l’hébergement des seniors est pensé plus collectivement et la domotique y tient une place importante : « Les personnes âgées y reçoivent des formations informatiques et Internet pour leur permettre de mieux se gérer. Ils se programment des rappels de prise de médicaments en ligne ou pilotent leur maison équipée de domotique depuis des applications », note Anne-Marie Guillemard.
Outre l’hébergement, le financement de la prise en charge des personnes âgées en France est remis en cause par l’experte. « Notre assurance dépendance n’est pas à la hauteur de ce que devrait garantir un pays développé. L’allocation personnalisée d’autonomie (Apa) est maigre et reste réservée aux plus démunis. Là encore, il manque une aide graduelle », observe-t-elle. En Allemagne et surtout au Japon, l’État a plutôt opté pour une assurance soin longue durée. Il s’agit de prendre en compte, non pas la dépendance, mais les soins, quels que soient les revenus. « Tous les Japonais cotisent, à partir de 45 ans, pour cette assurance qui se déclenche en fonction de l’état de santé de la personne. Alors, toutes les prestations de services et les soins sont pris en charge », résume Anne-Marie Guillemard. Ainsi, aide-ménagères, soins infirmiers, auxiliaires de vie… sont couverts par l’État et gérés par les collectivités locales. « Cela garantit aussi la qualité des soins ! » lance la sociologue.
C’est là son dernier cheval de bataille. Pour elle, les employés travaillant dans le domaine du service à la personne manquent de formation. Ainsi, une réelle professionnalisation du secteur permettrait de revaloriser le métier et d’augmenter la qualité des interventions. « S’occuper des enfants nécessite une formation tandis que s’occuper des seniors non. Pourquoi ? » conclut Anne-Marie Guillemard.
Anne-Marie Guillemard
Professeur émérite des Universités en sociologie, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Université Paris Descartes Sorbonne, membre de l’Academia Europaea et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France. Elle est également membre du comité de rédaction de “Ageing and Society” et siège à titre d’experte au Conseil d’Orientation des Retraites.
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