Chaque année, 100 000 animaux de compagnie sont abandonnés en France, en grande partie l’été. La ville de Castelginest dispose depuis 2003 d’un refuge pas comme les autres. Créé et géré par Betty Loizeau, salariée par la mairie, le lieu recueille, héberge et soigne plus de 50 d’entre eux toute l’année.
Route barrée. Impossible de continuer, sauf à emprunter un chemin qui semble ne mener nulle part. À gauche, des pavillons sont en construction. En face, un terrain de 1500 mètres carré est entouré de palissades en bois. Sur une porte en fer, une affiche, sur laquelle un petit chien aux yeux globuleux est enfermé derrière des barreaux : « Sauvez une vie, adoptez! », y-est-il mentionné. Soudain, elle s’ouvre. En un éclair, Betty Loizeau, qui gère le refuge Agir pour les animaux, surgit : « Je m’apprête à m’occuper des difficiles », lance-t-elle simplement, six boites de croquettes sous le bras.
Un concert d’aboiements l’accueille lorsqu’elle s’approche de la partie hébergeant les pensionnaires les plus maltraités. Beaucoup sont des chiens de chasse, brutalisés par leurs maîtres : « Ici, c’est le côté obscur. Ils mordent ou se battent entre eux à la vue des humains. À force de leur parler, de leur mettre de la musique et de passer du temps avec eux, je me suis faite accepter. »
Il faut dire que Betty Loizeau est là tous les jours, toute l’année. Elle ne prend pas de pause déjeuner le midi : « Pas le temps, il faut tous les nourrir, sinon ils stressent. » De retour du ‘’côté obscur’’, elle jette un œil à sa dernière installation, une boite à chat posée devant l’entrée principale : « Avant-hier, des gens ont abandonné trois petits pendant la nuit. Les pauvres bêtes étaient terrorisées quand on les a recueillies. Alors, j’ai laissé cette boite pour les mettre à l’abri, et cette nuit, deux nouveaux sont arrivés. »
Le préfabriqué d’en face sert d’infirmerie. Joselyne, bénévole, inspecte les carnets de santé des malades : « Ces deux-là ont des problèmes de peau. C’est courant avec la promiscuité. » Dans la cour extérieure de la chatterie, entièrement recouverte de grillage, un lit parapluie est installé. Pas de poupon à l’intérieur, mais Micha, la mascotte. Ce chat de 1 an est paralysé de l’arrière-train après une chute du troisième étage : « Ailleurs, il aurait été piqué, mais moi je le garde. Je lui ai fabriqué un box spécial avec deux matelas anti-escarre », explique Betty Loizeau.
Une nouvelle salve d’aboiements se fait entendre. Christian s’active dans le plus vaste espace du refuge, dévolu aux chiens ‘’fréquentables’’. Ce retraité est responsable des bénévoles. Il est suivi d’un adorable chiot femelle prénommée Ozzy. C’est un chien de Rhodésie, une espèce rare. L’animal a été abandonné au bord de la Garonne il y a un mois. Aujourd’hui, il quitte son préfabriqué temporaire pour rejoindre un box en plein air. Christian l’emmène dans la cour de promenade pour lui présenter ses parrains. Gims et Black Show, deux bâtards, viennent immédiatement l’entourer et la renifler : « Comme elle n’a pas été élevée par sa mère, il faut qu’elle apprenne à se socialiser. Ils vont lui enseigner les bons comportements », décrit Christian.
Chaque jour, les chiens sont sortis de leurs boxes pendant 30 minutes pour se défouler et faire leurs besoins. Les bénévoles en profitent pour nettoyer les enclos. Coralie ramasse les excréments et lave les cages avec un tuyau d’arrosage. Les boxes mesurent jusqu’à 24 mètres carrés avec jardin. Une partie d’entre eux est même climatisée. Seul abri en dur du refuge, le ‘’carré des chiens’’ est composé de petits appartements, habités chacun par trois colocataires.
À l’ouverture du box, Herber, Richie et Fox se ruent sur leurs auges. Le dernier, un fox-terrier marron et noir, est attendu dans la cour. Presque instinctivement, il vient renifler le manteau de Marie-France. Cette Toulousaine souhaite adopter un chien : « J’ai perdu le précédent en mars. J’en voudrais un petit qui n’aboie pas toute la journée », confie-t-elle. Betty Loizeau est intransigeante sur les conditions que doivent remplir les potentiels futurs propriétaires : « Il faut une maison bien clôturée ou un appartement assez grand. Les animaux doivent impérativement dormir à l’intérieur. Enfin, je ne veux pas qu’ils servent pour la chasse ou la garde. »
Un chien coûte entre 180 et 220 euros. Pour un chat, il faut compter une centaine d’euros : « Juste le prix des soins effectués pour les vacciner, les stériliser et les identifier. » Marie-France remplit tous les critères, mais elle préfère attendre l’arrivée d’autres chiens pour se décider. Pourtant très gentils, les fox-terriers ont du mal à trouver preneur. « C’est pareil pour les chats noirs. Les gens sont étranges, ils privilégient l’aspect esthétique au caractère… », déplore Betty Loizeau.
Cette année, le refuge devrait accueillir plus de 400 animaux. Près de 80% d’entre eux trouveront une nouvelle famille.
Gabriel Haurillon
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