START. Qu’il soit de rôle, de plateau ou vidéo, le jeu n’en finit pas de déborder de son simple rôle divertissant. Malgré les aspects parfois moins nobles de la gamification, outil marketing et commercial puissant, cette tendance consistant à mêler une intention sérieuse à des ressorts ludiques ouvre surtout une nouvelle ère en termes d’apprentissage, de formation ou de prévention. La rédaction du JT s’est prêtée au jeu en allant à la rencontre de ceux qui prennent ces nouveaux outils virtuels au sérieux.
© Iker Urteaga« La gamification consiste à napper le brocoli de caramel : pour faire passer quelque chose d’insipide, on y met du goût », résume Michel Galaup, responsable pédagogique du master Aminj Game de l’institut universitaire Jean-François Champollion d’Albi. Ce terme de gamification désigne ce phénomène d’une société qui utilise les techniques du jeu afin d’influencer les comportements : « En 2002, l’armée américaine avait diffusé gratuitement un jeu en ligne pour inciter à s’enrôler. Cela a eu davantage de succès que n’importe quelle campagne.
À partir de là, il y a eu une prise de conscience globale du potentiel du jeu pour faire autre chose que simplement se divertir », raconte Julian Alvarez, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, spécialisé dans la gamification et la ludopédagogie. Le potentiel est de taille, dans un monde où les élèves passent autant de temps derrière leurs écrans que sur les bancs de l’école. Un monde où 50 milliards d’heures ont été collectivement passées à relever les défis de “World of Warcraft”. Un monde où le jeu vidéo est la première industrie culturelle devant le cinéma, pour un marché de près de 60 milliards de dollars en 2017 (selon l’Idate, think tank européen de l’économie numérique). « Les générations qui ont grandi avec ont une façon différente d’appréhender le monde. Si bien que, les années passant, la gamification s’est étendue aux adultes », précise Julian Alvarez.
Et le jeu sert toujours à acquérir des connaissances, depuis les osselets retrouvés dans les grottes préhistoriques, qui étaient autant utilisés pour jouer que pour apprendre à compter, jusqu’à “The Oregon Trail”, le premier serious game lancé en 1971 pour motiver des élèves à s’intéresser à la vie des pionniers de l’Ouest américain et vendu à 65 millions d’exemplaires. Au XXIe siècle, les activités ludo-éducatives font partie intégrante des programmes scolaires et les formations en ligne, scénarisées, réveillent le stratège qui sommeille chez l’étudiant, le demandeur d’emploi ou le salarié. Un apprentissage ludique qui semble plus nécessaire que jamais : « Le jeu s’inscrit naturellement, intuitivement, comme un moyen d’appréhender la nouvelle société, de s’adapter à ce monde en pleine mutation, de plus en plus complexe », estime l’enseignant-chercheur.
L’autre utilité du jeu est qu’il implique celui qui le pratique. C’est un puissant outil de sensibilisation. Il peut s’appliquer à des causes humanitaires ou à des questions de santé comme à la communication des entreprises pour rajeunir leur image et fidéliser leurs clients. « Le jeu peut être le moyen de garder les gens captifs. Les Gafa (Google, Amazon, Facebok, Apple et Microsoft) l’ont bien compris et poussent les usagers à devenir accros à leur offre numérique. Dans une société qui a choisi le jeu pour résoudre sa crise existentielle, il ne faudrait pas que le remède soit aussi un poison », prévient toutefois Julian Alvarez, qui souhaiterait que l’on fixe les règles de ce nouveau jeu.
Sources : http://www.interaction-games.com et https://www.seriousfactory.com
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