ÉGALITÉ. François Dubet, sociologue et spécialiste de l’éducation, revient sur les raisons de la réforme du collège et la nécessité d’un enseignement homogène pour tous les élèves.
« Ce sont les enquêtes internationales qui ont mis au jour les failles du collège unique », explique François Dubet. Mis en place en 1975, ce système avait pour ambition de dispenser à tous les petits Français un ensemble de savoirs nécessaires avant l’entrée, prochaine ou plus tardive, dans la vie active. L’enseignement se devait d’être homogène pour tous les enfants jusqu’à l’âge de 16 ans. Selon le sociologue, « cela aurait dû fonctionner puisque les programmes étaient les mêmes, tout comme la formation des enseignants ». Mais les enquêtes Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2009 et 2012, montrent qu’en France, l’écart se creuse entre les jeunes très performants et ceux peu performants. « Les meilleurs sont regroupés dans les classes européennes (dispositif ayant pour objectif d’ouvrir sur le monde avec l’enseignement de 11 langues) et les cours de latin ou grec, alors que les autres doivent se contenter de deux langues vivantes. » Les détournements de carte scolaire sont la preuve que tous les établissements ne se valent pas. Alors que faire ? Supprimer les options ? « C’est nécessaire si l’on veut que tous acquièrent un savoir commun. Et puis, de toute façon, le latin et le grec n’ont jamais servi qu’à faire des classes de bons élèves, preuve en est que la très grande majorité de ces jeunes abandonnent ces deux matières dès leur arrivée au lycée. »
« Les enquêtes internationales ont mis au jour les failles du collège unique »
Mais la réforme du collège va plus loin. En regardant comment cela se passe dans les pays scandinaves, au Canada ou au Japon, l’on s’est aperçu que faire travailler les élèves collectivement sur des projets permettrait un meilleur apprentissage. Une méthode qui donne aussi aux adolescents plus confiance en eux. « Au Japon comme en France, ils sont soumis à une très forte pression, mais la manière de travailler est différente et les jeunes Japonais ont, selon les statistiques, plus d’assurance. Et puis, nous ne pouvons pas nier que le monde à changer, les élèves n’apprennent plus uniquement via leur professeur. À travers les EPI, les enseignements pratiques interdisciplinaires, ils vont pouvoir se mettre en activité et ne plus rester passifs derrière leur table. » Ils vont être amenés à résoudre des problèmes, à faire des expériences sur un modèle collectif qui doit créer de l’émulation. « De nombreux enseignants font déjà ce travail au sein de leur classe, en travaillant avec d’autres professeurs, en montant des projets. On ne va pas assister à une révolution. Le changement est déjà en marche depuis des années », ajoute François Dubet. Pour ce qui est des moyens, là, les choses vont changer. Tout l’argent qui était jusque-là investi dans « les options qui classaient » va pouvoir être consacré aux enseignements réellement communs. « Malgré tout, les collèges très prisés ne vont pas voir leur cote baisser, les professeurs agrégés ou en fin de carrière y seront toujours regroupés et les enfants les plus privilégiés, ceux qui suivent par exemple des cours particuliers, resteront dans les mêmes établissements.»
Par Anne Mignard
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