DÉVOUEMENT. À Saint-Gaudens, un couple a décidé de partager son quotidien avec trois personnes âgées, en tant que famille d’accueil. Un système encore peu répandu, nécessitant un véritable engagement. Reportage dans ce foyer chaleureux où il fait bon vieillir.
© Franck AlixTout près de la sortie de l’autoroute, sur la grande avenue qui mène au centre-ville de Saint-Gaudens, la magnifique bâtisse, avec son perron encore enneigé, donne le ton. En 2015, François et Martine Silagui ont acheté cette charmante demeure pour devenir famille d’accueil. Si le concept est bien connu du grand public en ce qui concerne les enfants, ici les pensionnaires font partie du troisième âge. « Nous sommes les premiers en Comminges et les 31e en Haute-Garonne à avoir été agréés par le Conseil départemental. Ce système est plus répandu dans le Nord mais il est vrai que c’est encore assez rare », souligne François.
Pourtant, l’idée a germé tout naturellement dans l’esprit du couple. « J’ai géré pendant dix ans une pension de famille avant d’être auxiliaire de vie. Puis j’ai rejoint mon mari qui tenait un commerce d’électroménager. Mais au bout d’un moment, on en a eu marre », raconte Martine. Elle décide alors de revenir aux sources : « Je me suis toujours occupée bénévolement des personnes âgées abandonnées, c’est dans ma nature. »
Pour concrétiser leur projet, le couple a du se soumettre à une enquête approfondie et aménager la maison en fonction de normes d’accueil strictes. Une fois l’agrément obtenu, François et Martine n’ont pas du chercher bien loin pour trouver leurs premiers pensionnaires. « Avec mon épouse, nous nous fournissions dans leur boutique », se souvient Claude, 87 ans. « Quand ils m’ont parlé de son projet, cela m’a intéressé. Ma femme était atteinte de la maladie de Parkinson. C’était une bonne solution pour nous. » Après le décès de la femme de Claude, c’est Janine, une autre cliente du magasin qui a emménagé : « Suite à une chute, mon fils m’a dit que je ne pouvais plus vivre seule. J’avais une amie en maison de retraite à qui je rendais visite. L’été, ils étaient tous assis en rang sur des chaises sans bouger ni parler. Ici, la vie est différente », confie-t-elle.
Une visite des lieux suffit à comprendre le soin porté aux résidents. Dans les chambres à l’étage, ou dans la grande pièce à vivre avec son aquarium et son juke-box. Si le mobilier n’est pas tout à fait au goût du jour, ce n’est pas un hasard : « On essaye de personnaliser leur environnement, le but est qu’ils ne se sentent pas frustrés », assure François. Et visiblement, ça fonctionne, tant la bonne humeur règne dans le foyer. Entre le petit-déjeuner à 8h et le coucher à 21h, les journées sont bien remplies : courses et préparations collectives des repas, après-midi jeux de société, sorties au cinéma ou au bal. Martine emmène aussi ses pensionnaires chez le coiffeur, le dentiste ou le médecin. Pour la Saint-Valentin, le couple avait même prévu une sortie au restaurant pour « Janine et ses deux mecs ». Et l’été, c’est activité cueillette des arbres fruitiers du jardin et des fraisiers, installés spécialement en hauteur. « Quand Louis veut bien attendre qu’elles mûrissent », ironise Martine. Souffrant d’Alzheimer, Louis est le dernier arrivé dans la famille d’accueil. « Jusqu’à présent, il habitait seul à Toulouse mais son état a empiré l’été dernier. Martine et François étant mes voisins, je les ai contactés quand j’ai su qu’ils faisaient des travaux pour une troisième chambre », témoigne Lydie Gausseran, la fille de Louis. Si les hôtes ont hésité devant la difficulté de la tâche, ils ont finalement accueilli Louis et participent même à des formations sur la prise en charge des malades d’Alzheimer.
Le dimanche, tout le monde embarque pour des sorties plus lointaines. « Exactement comme une famille normale », s’esclaffe François. Un fonctionnement rassurant : « Ici, les seniors sont valorisées. Mon père réapprend à prendre soin de lui. Martine et François mettent ce qu’il faut de bienveillance et d’autorité pour les sécuriser. Ce sont des gens formidables », lance Lydie Gausseran.
Accepter de partager sa vie avec des personnes âgées n’est en effet pas anodin. « C’est un vrai engagement, il faut que le couple soit solide. Il y a des hauts et des bas, mais dans l’ensemble, on rigole beaucoup », révèle Martine. « Et puis à partir de neuf heures, c’est notre moment, on peut souffler », poursuit son mari. « Vous voudriez peut-être qu’on monte plus tôt ? » lâche Claude, avec son humour pince-sans-rire.
De son côté, Lydie Gausseran sait que son père ne pourra peut-être pas rester jusqu’au bout mais profite du moment : « La famille d’accueil est une solution idéale. C’est moins cher qu’une maison de retraite et beaucoup moins culpabilisant pour les proches. Ma relation avec mon père est plus facile, je n’ai plus qu’à l’aimer. »
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