CONSCIENCE. Faits alternatifs, post-vérité, fake news… Ces termes apparus ces dernières années dans l’actualité sont venus troubler les frontières de la réalité. Avec l’avènement des réseaux sociaux qui en démultiplient la vitesse de diffusion, l‘information est aujourd’hui un enjeu majeur, cible de toutes les tentatives de manipulation. Au point qu’Emmanuel Macron a annoncé début janvier la préparation d’une loi pour lutter contre le phénomène. En attendant, c’est toute la société qui se mobilise pour se protéger de la désinformation. Ateliers de sensibilisation en milieu scolaire ou dans les bibliothèques, outils scientifiques… Cette semaine, le JT a rencontré ceux qui oeuvrent pour apprendre à démêler le vrai du faux.
Des requins dans les rues suite à une inondation ; la sous-préfète de Saint-Martin quittant l’île après le passage de l’ouragan Irma ; un deuxième tireur sur la scène de la fusillade à Las Vegas ; l’État français qui réserve plus de 77 000 logements HLM pour l’accueil des migrants… Autant de fausses informations auxquelles beaucoup de Français ont cru. « Dans le langage courant, une fake news désigne seulement une nouvelle erronée ou décontextualisée, un banal canular ou un acte parodique. Mais dans certains cas, il y a une volonté de nuire. Et c’est là qu’elle devient dangereuse », s’inquiète Martine Corral-Regourd, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Toulouse 1 Capitole.
Les réseaux sociaux amplifient le phénomène : « Ils augmentent considérablement la viralité d’une fake news puisque leur transmission est sans limites en termes de localisation et de temps ».
Une fausse information peut ruiner la réputation d’une personne ou d’une entreprise : « Elle peut également modifier le cours de la bourse, voire même influencer des élections comme cela a été le cas aux États-Unis », précise Martine Corral-Regourd. Ainsi, le Congrès américain enquête actuellement sur une possible ingérence russe dans le succès de Donald Trump via les réseaux sociaux, et notamment par la diffusion massive de fake news. En tête de liste, celle sur la maladie dont aurait souffert Hillary Clinton, la rendant inapte à gouverner le pays. « Et même si l’impact est difficile à mesurer, nous savons que ce type de manipulation peut convaincre un indécis », assure Robert Bourgoing, journaliste et enseignant à l’Institut supérieur de journalisme de Toulouse (ISJT).
Pour lui, tout l’enjeu se trouve dans la confiance accordée aux médias traditionnels : « Aujourd’hui, beaucoup de gens disent donner plus de crédit à une information diffusée par un proche que par un support de presse, alors même que la personne en question n’a sûrement pas lu ce qu’elle a relayé », constate le journaliste. Si le principal problème reste le manque de discernement de certains internautes, les médias ont aussi leur part de responsabilité. « Dans leur course au scoop et par manque de temps, ils ne prennent plus assez de recul et ne vérifient pas toujours leurs sources. C’est comme cela qu’ils se retrouvent à publier de fausses informations », rajoute-t-il.
Résultat : les Français n’ont plus confiance en la presse. 9 sur 10 estiment que la mission première des médias est de fournir une information fiable, selon le Baromètre 2018 de la confiance des Français dans les médias. Si leur crédibilité remonte de 7 points en trois ans, d’après l’enquête, elle reste fragile. Pour la pérenniser, une remise en question des professionnels de l’information s’impose : « Il faudrait notamment que la nouvelle génération de journalistes soit sensibilisée à ce problème qui est un véritable fléau pour notre métier, et qu’elle soit formée à utiliser et appréhender l’outil Internet », conclut le journaliste.
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