BIDOUILLE. Créé en 2009, le laboratoire de fabrication Artilect est le premier né en France. Il a permis, grâce à une mise en commun d’outils de pointe et un partage de compétences, à des projets ambitieux d’émerger. Exemple avec Clean Up, une machine pour dépolluer la Garonne.
« On va passer à une structure en U plutôt qu’en H afin qu’elle soit plus solide », lance Alexis Eskenasi en manipulant une maquette de machine aux allures de petit catamaran. Autour du plan de travail, Marion, designeuse textile et Sébastien, ingénieur mécanicien, valident l’idée. Dans l’espace de “comaking”, une salle installée au fond du fablab de Toulouse, ils travaillent sur un projet ambitieux : fabriquer une machine pour nettoyer la Garonne. Sur cette plateforme flottante, baptisée Clean up, seront fixées deux grandes bâches pour capturer les déchets en suspension sur le fleuve – comme des bouteilles en plastique – et éviter qu’ils ne terminent dans l’océan.
Au milieu des machines et des étagères remplies d’outils et de composants électroniques, une trentaine de personnes s’affairent ce soir. Pendant qu’un groupe fait voler des drones miniatures, d’autres fabriquent des pièces de robot sur la découpeuse laser. Dans ces locaux de plusieurs centaines de mètres carrés se côtoient geek, ingénieurs, passionnés de bricolage et simples curieux. D’un mannequin articulé pour une enseigne de mode, en passant par des bijoux dessinés à la découpe laser, des objets très concrets voient régulièrement le jour.
« La collaboration et le partage des savoirs sont centraux »
Un écosystème sans lequel l’innovation d’Alexis Eskenasi serait sans doute restée au stade de concept. Il y a un an, le designer décide de quitter Nîmes pour s’y consacrer à temps plein au sein du fablab. « Ici, j’ai pu réaliser une maquette avec un niveau de précision très élevé et cela permet à l’équipe d’échanger. Sans cela, je n’aurais pu me baser que sur des modélisations en dessin 3D. Ici, j’ai rapidement vu la faisabilité de mon idée ». Et, ce, pour un faible coût. Moyennant une adhésion de 30 euros par an, les adhérents de l’association Artilect ont accès à des machines de pointe : imprimantes 3D, découpeuse laser, fraiseuses numériques… qui coûtent jusqu’à 60 000 euros. La réplique miniature de Clean Up a été imprimée en 3D et, en juin dernier, un premier prototype grandeur nature a été installé pendant neuf jours sur la Garonne. « Les bâches ont été assemblées grâce aux machines à coudre d’Artilect sous la houlette de Marion, la designeuse textile », explique l’entrepreneur.
Le laboratoire de fabrication ne se contente pas d’être un simple lieu de mise en commun d’outils. « Aux États-Unis, leur but est de produire plus avec moins de moyens. En France, ils se sont construits avec une fibre beaucoup plus sociale », souligne Alexis Eskenasi. « La collaboration et le partage des savoirs sont centraux. » N’importe qui peut venir avec une idée et s’appuyer sur les connaissances des autres adhérents. « Pour Clean Up, cela m’a permis de constituer une équipe, d’intégrer de jeunes volontaires des missions locales, d’acquérir des compétences en gestion.» Les premiers lundis du mois sont consacrés à des présentations de projets et, toutes les semaines, des formations gratuites sont dispensées pour apprendre à utiliser les machines. Dans cet esprit de partage, une fois terminés, les plans de Clean Up seront diffusés en libre accès. « Mon ambition c’est de montrer que les fablabs ne sont pas qu’un lieu où l’on imprime des petits objets en 3D mais sont porteurs d’innovations capables de transformer la société», lance l’entrepreneur qui prévoit de présenter un prototype opérationnel début 2017.
Commentaires