À la veille de l’inauguration de la Maison du don à Toulouse, l’Établissement français du sang (EFS) a assigné en justice, dans une procédure d’urgence, le collectif Homodonneur qui défend le droit des homosexuels à donner leur sang sans discrimination. Craignant que les militants perturbent la cérémonie, l’EFS demandait l’interdiction d’actions militantes dans ses locaux. Une demande rejetée par le juge.
Quelques jours avant l’inauguration de la Maison du don à Toulouse, qui doit se tenir aujourd’hui, vendredi 15 octobre, l’Établissement français du sang (EFS) a assigné en justice le collectif Homodonneur, dans une procédure en référé dite d’heure à heure. Une procédure, habituellement réservée aux situations urgentes et présentant un risque de troubles ou de dommages imminent, visant à faire cesser les actions militantes de cette association qui défend l’égalité des droits pour les personnes homosexuelles à donner leur sang, sans distinction des autres citoyens. En effet, pour encore quelques mois, les hommes gays et bis, qu’ils soient en couple stable ou non, sont tenus de respecter une période de 4 mois d’abstinence sexuelle avant de donner leur sang. Au lendemain de l’audience qui s’est tenue ce mercredi 13 octobre, le juge a rejeté toute les demandes de l’EFS et a refusé de prononcer l’interdiction pour le collectif de manifester ou de communiquer. Une victoire pour les militants d’Homodonneur qui dénoncent une « procédure bâillon » et disproportionnée.
« Ils veulent écraser une mouche avec une bombe atomique », s’exclamait Fréderic Pécharmant, le président du collectif Homodonneurs, à la veille de l’audience. Convoqué le lundi pour une audience le lendemain, l’association avait dû, dans un premier temps, demander un report le temps de trouver un avocat. « Cette procédure bafoue les droits de la défense. Mais pour l’EFS, il y avait urgence à nous porter un coup fatal avant l’inauguration de la Maison du don qui doit se faire, ce vendredi, en présence de Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, Carole Delga, la présidente de la Région et François Toujas, le président de l’EFS. En effet, depuis plus de dix ans que notre collectif existe et met en place des actions militantes, l’EFS n’avait jamais engagé la moindre action contre nous », précise le militant qui regrette que la procédure en référé ait été motivée par une urgence de calendrier plus que par un véritable risque de trouble.
« Il est étonnant que l’EFS assigne en justice des gens qui militent pour donner leur sang. Par ailleurs, c’était l’imminence de l’inauguration de la Maison du don qui motivait la demande de référé, or ce point n’apparaît plus dans l’assignation qui a été remise au collectif. Tous ces éléments laissent à penser que nous sommes face à une procédure bâillon et que l’EFS ne veut pas de paroles dissonantes en présence d’élus locaux », argumente maître Benjamin François, l’avocat du collectif.
Accusé de nuire à l’image de l’EFS et de perturber le déroulement des collectes de sang lors d’actions militantes, le collectif risquait jusqu’à 5 000 euros d’amendes (plus 1 000 euros par nouvelle action) et de se voir contraint de supprimer, sur les réseaux sociaux, tous les éléments de communication critiques envers l’EFS. Autant de requêtes que n’a finalement pas suivi le juge. « Nos occupations ont toujours été pacifiques et sans agressivité ni caractère vindicatif », se défend Benjamin Monestiez, le porte parole du collectif qui conteste également l’accusation d’entrave à la collecte de sang. « Nous parlons de cinq occupations en douze mois, réalisées par quatre ou cinq personnes maximum qui se contentent de déployer une banderole et de distribuer des tracts, sans empêcher la circulation ni des employés, ni des donneurs. De plus, pour ne pas perturber les collectes, nous attendons 17h et la fin de celle-ci pour débuter nos actions », insiste-t-il. Fort de de cette décision favorable bien que provisoire, l’EFS pouvant tenter de faire à nouveau valoir ses droits dans une procédure plus classique, le collectif Homodonneur annonce vouloir célébrer cette victoire à l’occasion de l’inauguration officielle de la maison du don de Toulouse, en y faisant « couler le champagne à flots ».
De son côté, l’Établissement Français du sang qui rappelle que la loi de bioéthique supprimant les critères liés à l’orientation sexuelle a été adoptée et devrait entrer en vigueur en janvier 2022, n’a pas souhaité communiquer sur la procédure en cours et préfère se concentrer sur sa mission de collecte. En effet, l’amendement 1646 proposé par le secrétaire d’État Adrien Taquet abolit l’obligation de toute période d’abstinence et inscrit dans la loi le principe selon lequel les critères de sélection des donneurs « ne peuvent être fondés sur aucune différence de traitement, notamment en ce qui concerne le sexe des partenaires avec lesquels les donneurs auraient entretenu des relations sexuelles ».
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