Ces dernières années, les Cafés Bricol’ se sont multipliés dans les métropoles comme dans les petites communes. Celui de l’association Graine de Flourens, un des premiers à avoir vu le jour autour de Toulouse, réunit chaque trimestre objets cassés et réparateurs chevronnés ou amateurs. Dans une belle ambiance de comptoir.
« Ma tondeuse à gazon s’arrête quand ça lui chante ! Alors, avant de lui taper dessus, je me suis dit que je passerai au café bricol’! », lance Christine, en déboulant dans la salle des fêtes de Flourens. C’est ici que se tient, quatre vendredis soirs par an, l’atelier de bricolage de l’association Graine de Flourens, qui y encourage les gestes écocitoyens. À l’accueil, son fondateur Joseph Gonzales dirige ceux qui apportent un objet en panne vers le bricoleur qui sera le plus à même de le réparer. « Mais l’utilisateur aussi doit mettre la main à la patte ! C’est une soirée pour s’entraider ».
Sur ce, arrive Robert, qui a toujours quelque chose qui cloche. Aujourd’hui, son taille-haie fait des siennes, s’arrêtant dès qu’il est positionné à la verticale : « J’ai eu beau le démonter entièrement, pas moyen d’en trouver la raison. Je viens ici parce que la mécanique ce n’est pas mon truc, je fais plutôt dans le gros œuvre. » Il ne faut pas deux minutes à Joseph Gonzales pour s’apercevoir que le câble d’alimentation de la machine est sectionné à sa base : la réparation ne nécessitera qu’une pince coupante et un peu de ruban adhésif. « Je ferai ça à la maison, merci beaucoup ! », s’exclame le sexagénaire en repartant aussitôt, taille-haie sous le bras.
Avertis de la tenue de cet atelier par l’agenda participatif en ligne Démosphère, Guillaume, Anne-Claire et leurs deux enfants sont venus de la commune voisine d’Aigrefeuille pour faire ausculter un aspirateur qui ne donne plus signe de vie. « Il n’a même pas cinq ans… Et en ce moment, nous n’avons pas les moyens de le faire réparer ou de nous en acheter un neuf », explique-t-elle. On fait un peu de place sur les deux tables mélaminées qui tiennent lieu d’établi et trois bricoleurs se penchent sur l’appareil inerte. Un testeur de tension sur les circuits imprimés révèle alors un faux contact dont le fer à souder de Géraldine vient facilement à bout. Ingénieure passionnée de mécanique, cette dernière donne volontiers quelques heures supplémentaires au café bricol’ : « La plupart du temps on détecte la panne. Et l’on arrive à réparer plus d’une fois sur deux. Après, quand il faut changer une pièce, on peut recommander des fournisseurs qui pratiquent des tarifs raisonnables… et ils sont rares. »
Les bricoleurs s’échangent ainsi leurs bonnes adresses et forment un réseau qui s’étend au fur et à mesure de la naissance de nouveaux cafés. Il en existe plus d’une douzaine en région toulousaine : « Le concept a explosé. S’il y a encore trois ans il fallait l’expliquer aux gens, aujourd’hui, tout le monde le connaît », confirme Annie, psychothérapeute, à l’initiative de celui de Flourens. C’est au sein du collectif Toulouse en transition qu’elle a découvert cette manière conviviale de lutter contre l’obsolescence programmée, avant de l’importer près de chez elle en 2015. « Le but est pédagogique, c’est de l’éducation populaire. Qu’il s’agisse d’apprendre à démonter un objet ou à y repérer les pannes.
Cela rend de l’autonomie aux consommateurs. » L’autre intérêt du café bricole est qu’il réunit les gens. « D’ailleurs ici, on préfère dire Relier que Réparer ! Ensemble, on est plus forts ! » Des voisins qui ne se croisent jamais, passionnés ou amateurs, de toutes les générations et de toutes classes sociales. Roger, par exemple, a largement les moyens de remplacer son réveil multifonctions. Mais il a commandé le bon composant électronique et profite des outils du café pour le changer. Retraité d’une brillante carrière dans le BTP, il se désole du comportement qu’il observe chez ses enfants : « Ils jettent tout ! Ils gaspillent ! C’est ma faute, je les ai trop gâtés, je les ai habitués à ne manquer de rien. Né dans une famille modeste, je connais pourtant bien la valeur des choses. »
Derrière lui, affichée sur le mur, une feuille plastifiée indique la durée de vie moyenne des principaux appareils ménagers : 7 ans pour une télévision, 15 pour un lave-linge et jusqu’à 70 000 heures pour un tube néon. Les vélos, spécialité de Jérôme, ont quant à eux une espérance de vie très variable : « Ceux qui coûtent moins de 100 euros sont très difficiles à réparer. Ils sont conçus avec des matériaux bon marché et j’ai toujours peur d’en casser une pièce. » Ce qui ne lui est pas encore arrivé ce soir. Au bout de deux heures, les portes du café bricol’ se referment. Comme après une retransmission sportive, chacun refaisant le match de ses réparations. En tout, une bonne dizaine d’objets ont pu trouver une seconde vie.
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